Les amateurs de rap français avaient eu le plaisir de découvrir le goût de Kery James pour les belles plaidoiries en 2005 dans le clip « Le Jugement ». La troisième partie du court-métrage réalisé par Nicolas Benamou et Jean-Frédéric Barre mettait en scène le procès d’un rappeur repris de justice et suspecté d’avoir tiré sur son ami.
Kery James y interprétait l’avocat de la défense et questionnait les notions d’égalité et de justice dans le pays « "dit" des "droits de l’homme" ». « L'égalité des chances : une utopie car on ne mène pas la même vie du 16e à Saint-Denis (…) Au nom de la fraternité, refusons d’être complice de l’assassinat d’une liberté. Le tout c’est d’admettre qu’un homme peut changer. Notre société ignore-t-elle le pardon ? Peut-on condamner sur de simples présomptions ? » , disait-il.
Kery James y interprétait l’avocat de la défense et questionnait les notions d’égalité et de justice dans le pays « "dit" des "droits de l’homme" ». « L'égalité des chances : une utopie car on ne mène pas la même vie du 16e à Saint-Denis (…) Au nom de la fraternité, refusons d’être complice de l’assassinat d’une liberté. Le tout c’est d’admettre qu’un homme peut changer. Notre société ignore-t-elle le pardon ? Peut-on condamner sur de simples présomptions ? » , disait-il.
Une dizaine d’années plus tard, l’artiste participait en tant que membre du jury du concours d’éloquence Eloquentia dont le but est de proclamer le meilleur orateur de la Seine-Saint-Denis. Dans l’excellent documentaire « A voix haute », on le voit se prendre au jeu et clamer un texte a capella devant l’auditoire de l’amphithéâtre de Paris 8.
Dans la pièce « A vif », Kery James se mue cette fois dans la peau d’un finaliste du concours de la Petite Conférence de l'Association des élèves avocats du Barreau de Paris. Le thème de la confrontation : « L’Etat est-il le seul responsable de la situation des banlieues ? ». Dans le camp du « non », Soulaymaan Traoré, jeune noir de banlieue issu d’un milieu modeste interprété par un Kery James, au physique petit, musclé et visage serré ; dans le camp du « oui », Yann Jaraudière, jeune blanc issu d’un milieu aisé et campé par un Yannik Landrein à l’allure élancée et fragile.
En incarnant Soulaymaan, le rappeur prend le contre-pied du stéréotype du banlieusard geignard qui attend qu’on lui donne tout. Il met face à lui comme contradicteur en revanche, le stéréotype du bobo de gauche qui se présente comme l’allié objectif des minorités populaires. Comme s’il souhaitait régler une bonne fois pour toutes, des contentieux à l’origine de la défiance des habitants des quartiers populaires à l’égard d’une partie de la gauche depuis une trentaine d’années. En refusant la politique de la main tendue au profit d’un discours de responsabilisation, Kery James envoie un également un message à ceux qui ne verraient que des allocataires de la CAF à travers les classes défavorisées qu’il représente sur scène.
Dans la pièce « A vif », Kery James se mue cette fois dans la peau d’un finaliste du concours de la Petite Conférence de l'Association des élèves avocats du Barreau de Paris. Le thème de la confrontation : « L’Etat est-il le seul responsable de la situation des banlieues ? ». Dans le camp du « non », Soulaymaan Traoré, jeune noir de banlieue issu d’un milieu modeste interprété par un Kery James, au physique petit, musclé et visage serré ; dans le camp du « oui », Yann Jaraudière, jeune blanc issu d’un milieu aisé et campé par un Yannik Landrein à l’allure élancée et fragile.
En incarnant Soulaymaan, le rappeur prend le contre-pied du stéréotype du banlieusard geignard qui attend qu’on lui donne tout. Il met face à lui comme contradicteur en revanche, le stéréotype du bobo de gauche qui se présente comme l’allié objectif des minorités populaires. Comme s’il souhaitait régler une bonne fois pour toutes, des contentieux à l’origine de la défiance des habitants des quartiers populaires à l’égard d’une partie de la gauche depuis une trentaine d’années. En refusant la politique de la main tendue au profit d’un discours de responsabilisation, Kery James envoie un également un message à ceux qui ne verraient que des allocataires de la CAF à travers les classes défavorisées qu’il représente sur scène.
Du refus de la victimisation longtemps martelé
La joute verbale entre les deux adversaires du soir reprend dans les grandes lignes, le développement d’une thématique récurrente dans l’œuvre du membre de la Mafia K’1Fry. On pourrait même dire que la question du partage de responsabilité entre l’Etat et les banlieusards concernant la situation des quartiers populaires fait figure de fil conducteur.
Dès 1996, dans le morceau « Le ghetto français », Kery âgé de 19 ans pointait le conditionnement propice à la violence dans lequel se voyaient contraint de grandir les jeunes de sa génération : «On ne vit que de violence et de haine, étouffés par les murs car en fait prisonniers du système. ». Deux ans plus tard, l’album « Le combat continue », dont la couverture montre une main noire serrant le drapeau tricolore, exprime un rapport pour le moins passionné et conflictuel avec l’Etat français.
En 2001, le CD « Si c’était à refaire », première opus enregistré après sa conversion à l’islam marque l’arrivée d’un discours plus moraliste et plus engagé en direction d’une remise en question du comportement des jeunes des quartiers. La délinquance, le trafic de drogue, les guerres de territoire sont régulièrement brocardées dans des morceaux tels que « Deux issues », « Cessez le feu » puis plus tard dans « L’impasse », « La poudre aux yeux » ou « En sang ble ».
Dès 1996, dans le morceau « Le ghetto français », Kery âgé de 19 ans pointait le conditionnement propice à la violence dans lequel se voyaient contraint de grandir les jeunes de sa génération : «On ne vit que de violence et de haine, étouffés par les murs car en fait prisonniers du système. ». Deux ans plus tard, l’album « Le combat continue », dont la couverture montre une main noire serrant le drapeau tricolore, exprime un rapport pour le moins passionné et conflictuel avec l’Etat français.
En 2001, le CD « Si c’était à refaire », première opus enregistré après sa conversion à l’islam marque l’arrivée d’un discours plus moraliste et plus engagé en direction d’une remise en question du comportement des jeunes des quartiers. La délinquance, le trafic de drogue, les guerres de territoire sont régulièrement brocardées dans des morceaux tels que « Deux issues », « Cessez le feu » puis plus tard dans « L’impasse », « La poudre aux yeux » ou « En sang ble ».
Un pont réussie entre la musique et le théâtre
Tout au long de la pièce, les personnages se complexifient. On découvre Soulaymaan inquiet pour son petit frère Noumouke, susceptible de quitter l’école pour rejoindre les rangs des guetteurs et autres acteurs du trafic de drogue. Il est en position de faiblesse face à son grand frère pour qui la fin justifie les moyens, même illicites. La carapace du jeune avocat s’ouvre mais elle se referme et on le retrouve de nouveau ferme lorsqu’il dénonce les préjugés de Yann qui lui a par le passé, demandé s’il pouvait lui procurer des stupéfiants pour se détendre. Le bobo perd alors de sa superbe et son discours empreint d’humanisme perd sa crédibilité lorsque Soulaymaan met à nu son hypocrisie.
Bien que les deux plaidoiries rejoignent dans l’ensemble le propos de l’œuvre du rappeur, il apparaît assez nettement que la pièce donne la part belle au banlieusard. Soulaymaan est sûr de lui et impassible, fort de sa crédibilité et manie l’humour à bon escient. Kery James habite littéralement son personnage et arrive à reproduire avec talent ce qui fait sa force en musique : dégager et transmettre avec intensité l’émotion mise dans son écriture. On le voit d’ailleurs terminer la pièce avec des yeux humides et rougis.
Le pont entre le théâtre et la musique s’opère à merveille durant la pièce lorsqu’il clame le texte de « Constat amer ». Un pont qui ne fonctionne malheureusement pas au moment de la conclusion avec la lecture ratée de la « Lettre à la République » par Yann jusqu'à l'intervention finale de l'artiste. Les deux acteurs sont néanmoins très longuement applaudis, une belle reconnaissance du public. « A vif », au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 28 janvier, est présenté comme une étape dans la carrière de Kery James qui projette la réalisation du long-métrage Ne manque pas ce train inspiré de la même histoire. Mais il ne serait cependant pas surprenant de revoir le rappeur mélancolique remonter à l’avenir sur des planches.
Bien que les deux plaidoiries rejoignent dans l’ensemble le propos de l’œuvre du rappeur, il apparaît assez nettement que la pièce donne la part belle au banlieusard. Soulaymaan est sûr de lui et impassible, fort de sa crédibilité et manie l’humour à bon escient. Kery James habite littéralement son personnage et arrive à reproduire avec talent ce qui fait sa force en musique : dégager et transmettre avec intensité l’émotion mise dans son écriture. On le voit d’ailleurs terminer la pièce avec des yeux humides et rougis.
Le pont entre le théâtre et la musique s’opère à merveille durant la pièce lorsqu’il clame le texte de « Constat amer ». Un pont qui ne fonctionne malheureusement pas au moment de la conclusion avec la lecture ratée de la « Lettre à la République » par Yann jusqu'à l'intervention finale de l'artiste. Les deux acteurs sont néanmoins très longuement applaudis, une belle reconnaissance du public. « A vif », au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 28 janvier, est présenté comme une étape dans la carrière de Kery James qui projette la réalisation du long-métrage Ne manque pas ce train inspiré de la même histoire. Mais il ne serait cependant pas surprenant de revoir le rappeur mélancolique remonter à l’avenir sur des planches.
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