Le nombre de membres cooptés, de fédérations et de grandes mosquées reconnues ont augmenté au CFCM et le principe d’une présidence tournante est acquis. Comment avez-vous accueilli ces réformes ?
Ahmet Ogras : Oui, il y a une présidence tournante à trois ou quatre, et deux ou trois vice-présidents qui a été décidée. Mais le problème est qu’il s’agit d’une présidence sur le modèle de la choura où on ne prend aucune décision. Il y a un consensus pour ne rien faire car chacun veut que sa fédération propre soit plus forte que le CFCM.
Le CCMTF a pourtant obtenu un siège de cooptation supplémentaire…
A. O. : La cooptation est soi-disant construite sur le principe de la superficie des mosquées mais il n’y a pas de critère officiel. C’est un flou juridique. Lorsque je demande quels sont les critères d’attribution du nombre de cooptation, je n’obtiens pas de réponse. L’objectif de la cooptation est d’équilibrer la représentation des minorités au sein du CFCM. Donc, normalement les grandes fédérations ne devraient pas en avoir autant que les autres car elles sont présentes dans le jeu électoral. Il y a un deux poids, deux mesures. En 2011, aux élections, le RMF s’est retrouvé tout seul. Nous étions la seule institution qui s’était maintenue pour légitimer ces élections. La Grande Mosquée de Paris et l’UOIF s’étaient retirées. Aujourd’hui, elles reviennent la tête haute.
Quelle doit être, selon vous, la mission du CFCM ?
A. O. : Le CFCM ne doit s’occuper que du culte. Comme il n’existe pas de structure de lobbying défendant les intérêts politiques des citoyens de confession musulmane, tout le monde accuse le CFCM des problèmes des musulmans. Il faut donc créer d’urgence une autre structure qui défende ces intérêts. Commenter l’affaire Charlie Hebdo ou la burqa, ce n’est pas le but du CFCM. Si on veut avancer sur le culte, il faut qu’on ne fasse que du culte. Aujourd’hui, la communauté musulmane de France a trois instruments pour y arriver : le CFCM, la Fondation des œuvres de l’islam et l’émission télé Vivre l’islam.
Quelles sont les causes de l’immobilisme du CFCM ?
A. O. : L’une d’elles est que la majorité des musulmans de France sont originaires de pays qui sont d’anciennes colonies. Tant que la France n’aura pas mis à plat cette période de colonisation auprès des Français d’origine maghrébine, il y aura toujours de l’ingérence de ces pays dans cette communauté car c’est leur moyen de pression et de négociation sur certains sujets. La gestion des organisations musulmanes maghrébines est liée à cette histoire et en dépend mais nous ne sommes pas là pour défendre les musulmans en tant qu’instance politique. Le CFCM, au bout de 10 ans, aurait du résoudre le problème de la place du culte musulman en France.
Que proposez-vous pour y remédier…
A. O. : Déterminons un mandat précis car il n’y a pas de feuille de route. Sur le halal, par exemple, il devrait y avoir un label et un agrément du CFCM. Mais tous sont unanimes pour que ce ne soit pas le CFCM qui le fasse car chaque organisation a son label de certification. Au niveau de l’aumônerie, il n’y a jamais eu de campagne nationale de recrutement d’aumôniers militaires, hospitaliers, carcéraux et dans les écoles publiques où nous n’avons aucun aumônier. J’ai donc proposé une présidence collégiale sur la base d’un thème privilégié à traiter pour obtenir des résultats à la fin de chaque présidence.
Le vrai problème n’est-il pas qu’il faut envisager un islam autonome et français qui échappe aux Etats quels qu’ils soient ?
A. O. : Oui, mais il faut encore une ou deux générations pour y arriver et pour digérer tout cela. Il faut que les pouvoirs publics, les hommes politiques et la presse acceptent mieux les musulmans. Aujourd’hui, la médiatisation du CFCM accentue aussi les clivages ethniques en insistant dessus.
Avez-vous le sentiment que le CCMTF est écarté du CFCM ?
A. O. : Certains gestes me font penser à ça. Jusqu’à présent, c’est toujours la Grande mosquée de Paris et le Rassemblement des musulmans de France qui ont eu la présidence. L’UOIF ne l’a jamais eu pour des raisons politiques et la présidence n’a jamais été donnée à d’autres partenaires. Il y a une volonté de rester en interne et de ne pas sortir de l’Afrique du Nord alors que la communauté turque est un modèle pour les autres fédérations musulmanes, au niveau de son dynamisme.
En partenariat avec :