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Religions

Aïd al-Adha - Aïd el-Kébir : la fête du sacrifice

Rédigé par Kamel Meziti | Jeudi 25 Octobre 2012 à 19:28

           

Cette année, les musulmans de France et du monde célèbrent le vendredi 26 octobre 2012 la fête de l’Aïd al-Adha, qui correspond au 10e jour de dhu-l-hijja, le 12e mois lunaire, qui est également le mois du pèlerinage à La Mecque.



Aïd al-Adha - Aïd el-Kébir : la fête du sacrifice
Connue aussi sous l’appellation d’Aïd el-Kébir, ou « grande fête », l’Aïd al-Adha commémore le récit bien connu du sacrifice d’Abraham (1). C’est le jour de la grande fête de l’islam qui est aussi l’occasion pour le croyant de méditer sur la conduite exemplaire de Seydina Ibrahim, celui qui est considéré en islam comme l’ami d’Allah (khalilullah), un exemple de piété et de soumission à Allah et une référence de l’ihsân (l’excellence en termes de vertu et de bel agir) (2).

Héritage abrahamique

Le Coran évoque ce grand prophète et son fils en des termes élogieux :
« … (Et lorsque Abraham dit) : “Seigneur, fais-moi don d’une (progéniture) d’entre les vertueux.” Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon (Ismaël) longanime.
Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, (Ibrahim) dit : “Ô! Mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses.” Ismaël dit : “Ô ! Mon père, fais ce qui t’est commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants.”
Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre d’Allah) et qu’il l’eut jeté sur le front,
Voilà que nous l’appelâmes : “Ibrahim ! Tu as confirmé la vision. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants.”
C’était là certes l’épreuve manifeste.
Et nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse. Et nous perpétuâmes son renom dans la prospérité. » (Coran, s. 37, v. 101-109)

Cette histoire est commune à la fois aux musulmans, aux juifs et aux chrétiens puisqu’on la trouve également racontée dans l’Ancien Testament (3).

Elle raconte que Dieu, pour éprouver la foi d’Ibrahim (Abraham), lui demande de sacrifier son jeune fils. Le prophète, la mort dans l’âme, allait obéir et égorger son fils, lorsque l’archange Gabriel (Jibril) arrête sa main et lui demande de sacrifier un bélier descendu des cieux en rançon à l’âme d’Ismaël.

Abraham sort alors fortifié de cette épreuve et gratifié selon les termes même du Coran :
« Paix sur Abraham. Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants car il était de Nos serviteurs croyants. » (s. 37, v. 109-111)

C’est donc en souvenir de ce sacrifice que les musulmans ont coutume d’égorger un mouton le jour de l’Aïd el-Kébir. On comprend dès lors la dénomination de « fête du mouton » usitée en Europe.

C’est ainsi que cet exemple de soumission demeure aux yeux de la communauté musulmane un modèle pour toute l’humanité croyante et le jour de la commémoration de ce sacrifice est considéré comme un grand jour célébré dans les cieux et sur la terre, selon la Tradition musulmane.

Le Prophète, selon un hadith rapporté par Bukhari, « a fêté le sacrifice en immolant le premier, il a dit : “Bismillah, Allahu akbar ! Celui-ci est pour Muhammad et sa famille” ; en immolant le second, il a dit : “Bismillah, Allahu akbar ! Celui-là est pour quiconque reconnaît que j’ai transmis le message d’Allah et qui retrouve son Seigneur sans rien lui associer”. »

C’est plus la dimension symbolique de cette fête qui importe, la piété qui sous-tend l’action et non le mouton et les plaisirs liés à sa consommation.
Il s’agit d’une fête dont le Seigneur rappelle qu’à l’occasion « ni leurs chairs ni leurs sang n’atteindront Allah, mais ce qui l’atteint de votre part, c’est la piété » (Coran, s. 22, v. 37).

Le sacrifice des passions et des richesses, consenti pour la cause de Dieu (fi sabilillah) et fondé sur la piété, constitue ainsi la clé de la récompense d’Allah en ce qu’il rend le croyant digne de Sa Miséricorde et de Ses Bénédictions.

Sacrifice et partage

La fête de l’Aïd el-Kébir est une fête dédiée au partage et aux réjouissances familiales et entre amis. Elle constitue aussi l’occasion pour les croyants de redoubler d’actes charitables.

On rend visite aux proches, aux voisins et amis pour leur souhaiter bonne fête en prononçant la formule « Aïdoukoum moubârak, taqabballa Allahou minna wa minkoum » (« Que votre Aïd soit jour de bénédiction, qu’Allah agrée nos œuvres et les vôtres ! »

La fête qui dure 4 jours marque, en outre, la fin du pèlerinage à La Mecque.

Dès l’annonce de la vision de la nouvelle lune (cela signifie la fin du mois précédent et le début du suivant selon le calendrier lunaire), les musulmans où qu’ils soient, glorifient la grandeur d’Allah par le takbir comme suit :
« Allah akbar, Allah akbar, laa ilaaha illa Allah wa Allah akbar, Allah akbar wa lillahi al-hamd » (« Dieu est le plus grand, Dieu est le plus grand, il n’y a pas d’autres divinités à part Allah et Dieu est le plus grand, Dieu est le plus grand et à lui seul lui sied la Louange »).
Ils doivent le prononcer autant qu’ils peuvent dans les mosquées, dans les maisons et les marchés. Les hommes le proclament à haute voix tandis que les femmes le font à voix basse, depuis la veille jusqu’à la prière du lendemain, jour de fête.

Le matin très tôt, les musulmans mangent un nombre impair de dattes en concordance avec la Tradition prophétique (Sunna) puis après s’être purifiés par les ablutions et s’être parés de leurs plus beaux vêtements, ils se rendent au lieu de prière (à l’extérieur). Ils prient deux unités de prière et écoutent le sermon de l’imam qui les exhorte à craindre Dieu et à multiplier les actes d’adoration et de dévotion et à les parfaire afin qu’ils récoltent le succès au jour de la Résurrection.

À l’issue de l’office, les fidèles, qui en ont les moyens, égorgent leur bête (mouton, chèvre, vache, chameau...) au nom d’Allah, sur le lieu de sacrifice. Selon la loi islamique, c’est au chef de famille, qui peut déléguer à un sacrificateur reconnu, d’accomplir la tâche sacrificielle, le mouton couché sur le flanc gauche, la tête tournée vers La Mecque.

Les croyants sont invités à rendre grâce à Dieu pour ses bienfaits et à se dépenser dans l’accomplissement des bonnes œuvres. Dans cet esprit, les familles ayant eu la possibilité de sacrifier une bête donneront également une grande partie de la viande ainsi obtenue en respectant la règle des trois tiers en conformité avec la tradition prophétique : un tiers pour la famille, un tiers pour les voisins et amis, et le dernier tiers, composé des meilleurs morceaux, réservés aux pauvres.
Notons toutefois que le sacrifice ne fait pas partie des cinq piliers de l’islam. En effet, ce dernier est considéré plus comme une tradition fortement recommandée (sunna muakkada) que comme une obligation canonique.

Par conséquent, des solutions alternatives au sacrifice sont possibles telles que le don ou l’offrande (par exemple, le droit musulman permet de remplacer le sacrifice par un don fait dans un pays où les habitants ne mangent pas à leur faim, en conformité avec l’esprit du partage que comporte cette pratique).

La fête du sacrifice est aussi propice aux invitations et aux dégustations de délicieux plats variés et autres pâtisseries en famille ou entre amis.

Les enfants, parés de leurs beaux atours, apprécient particulièrement l’Aïd el-Kébir, considéré un peu comme leur « Noël musulman », tant ils sont gâtés et choyés durant cette période festive.

En outre, le henné demeure toujours de rigueur pour manifester la joie et la gaieté à l’occasion de l’Aïd et des autres fêtes religieuses. Il fait partie aux côtés des vêtements neufs et des pâtisseries traditionnelles de ces petits détails qui font tout le charme de la fête. Aussi, immanquablement, femmes, enfants, voire des hommes, ont les mains ou les doigts, pour les plus discrets, teints en rouge orangé ou brun.

Événement majeur du calendrier islamique, l’Aïd el-Kébir est aussi une grande fête familiale et sociale. À l’instar de toute fête, elle est synonyme de rencontre, de joie et de fraternité. La fête du sacrifice constitue pour l’ensemble de la communauté musulmane un moment intense de festivités mais aussi de partage avec autrui.

Notes
1. La Fête du sacrifice est aussi dénommée Tabaski au Sénégal et dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest francophone (Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Togo, Niger, Cameroun). Son appellation turque est Kurban Bayramı ; dans les Balkans, on utilise le terme Qurban Bajram.
2. Sur la définition de l’ihsân, degré ultime de la foi, le lecteur curieux peut se référer au célèbre hadith de Muslim (Sahih n°8) connu sous l’appellation « hadith Jibril » (hadith de l’archange Gabriel) : « L’ihsân consiste à ce que tu adores Allah comme si tu Le voyais. Si tu ne le vois pas, Lui te vois. »
3. Avec une nuance toutefois : dans le récit coranique, c’est Ismaël qui est sauvé par l’intervention de l’archange Gabriel ; pour les juifs et les chrétiens, il s’agit de son demi-frère Isaac.


Cet article est issu de Philippe Haddad, Nicolas Senèze et Kamel Meziti, Les Fêtes de Dieu, Yahweh, Allah (Éd. Bayard, 2011).

Kamel Meziti, historien, est secrétaire général du Groupe de recherche islamo-chrétien (GRIC), ancien directeur du culte musulman de la Marine.




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