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Economie

Aïd el-Kébir 2010 : un abattoir mobile dans le 9-3 six ans après

Reportage

Rédigé par Hanan Ben Rhouma et Huê Trinh Nguyên | Mercredi 10 Novembre 2010 à 21:37

           

Depuis la signature de la convention entre le Conseil général de la Seine-Saint-Denis (93) et le Conseil régional du culte musulman (CRCM), tout semble aller pour le mieux. Un abattoir mobile est installé depuis le 30 octobre dans l’Aire des Vents, non loin de l'aéroport du Bourget. Mais il a fallu attendre mercredi 10 novembre, six jours avant le début de l’opération, pour que l’abattoir reçoive enfin l’autorisation préfectorale définitive.



L'abattoir mobile installé sur l'Aire des Vents, à La Courneuve-Dugny, sous l'égide du Conseil général de Seine-Saint-Denis et du CRCM Île-de-France Centre.
L'abattoir mobile installé sur l'Aire des Vents, à La Courneuve-Dugny, sous l'égide du Conseil général de Seine-Saint-Denis et du CRCM Île-de-France Centre.
C’est un ouf de soulagement pour le Conseil général du 93. À l’issue d’une énième visite des services vétérinaires de la préfecture du département, l’abattoir mobile a enfin reçu, ce mercredi 10 novembre, l’agrément l’autorisant à poursuivre son activité jusqu’au troisième jour de l’Aïd. Les esprits sont désormais tranquilles, mais cela n’a pas toujours été le cas. De gros coups de stress ont émaillé l'installation de l'abattoir mobile tant attendu à La Courneuve.

La convention avec le département signée, le CRCM Île-de-France Centre a été chargé de trouver un opérateur. Après le lancement d'un appel d’offres, trois ou quatre opérateurs auraient été intéressés pour occuper l’espace de l’Aire des Vents, nous déclare Khaled Bouchama, responsable de l’Aïd al-Adhâ et de l’abattage auprès du CRCM Île-de-France Centre. Le CRCM, qui en est à sa deuxième expérience d'abattoir temporaire pour l'Aïd al-Adhâ, la première ayant eu lieu il y a six ans à Pantin.

Finalement, seule la proposition d’Abdallah Medjahed, un professionnel du secteur, a été retenue pour 2010. Ce fermier, qui possédait le seul site d’abattage de moutons dans l’Oise, a perdu son entrepôt, fin juin, à la suite d’un incendie − criminel, selon le propriétaire −, qui a tout ravagé.

Malgré ce drame, M. Medjahed n’a pas baissé les bras pour autant. Pour l’Aïd al-Adhâ 2010, un abattoir fixe a été reconstruit temporairement près du lieu de l’incendie et il a été choisi par le CRCM pour occuper une partie du terrain départemental de La Courneuve-Dugny.

Abdou Medjahed.
Abdou Medjahed.

Une autorisation préfectorale qui a tardé

Au moment où le fils de M. Medjahed, Abdou, s’est installé à La Courneuve, la préfecture n’avait toujours pas donné officiellement son autorisation. La réservation et la vente des moutons étaient pourtant organisées dès le 30 octobre et le CRCM n’a jamais cessé de communiquer sur l’événement, en distribuant des affichettes publicitaires aux 130 mosquées d'Île-de-France Centre. Sans toutefois faire mention à tout-va des difficultés auxquelles faisait face l’opérateur...

Désormais, l'agrément est obtenu en ce mercredi 10 novembre, mais le pire aurait pu arriver...

« Le rôle du CRCM, précise M. Bouchama, est de rassurer le client quant au sérieux de l’opérateur mais le CRCM ne contrôle pas l’abattage rituel. L'opérateur dispose en effet de deux sacrificateurs habilités par l’une des trois Grandes Mosquées (Paris, Évry-Courcouronnes et Lyon, ndlr). Nous ne sommes pas un organisme de contrôle. Les clients viennent sur place pour choisir et acheter leurs agneaux, puis une étiquette est accrochée à l’oreille de l’animal. On donne ensuite aux clients un ticket mentionnant la date du passage (un des trois jours de l’Aïd, ndlr) et un créneau horaire pour qu’ils récupèrent leurs moutons ».

Aïd 2010 : la grande distribution sur le coup

Le CRCM prévoyait la vente de 1 200 à 1 500 moutons sur les trois jours de l’Aïd. Finalement, ce sont un peu moins de 500 qui ont été mis à disposition des musulmans.

Trop peu, compte tenu de l’importance de la population musulmane dans le département, estimée à 450 000 personnes. Ajouté au fait qu’on ne compte qu’une dizaine d’abattoirs – pérennes et temporaires – sur toute l’Île-de-France*. Les besoins des consommateurs musulmans qui souhaitent acheter leur mouton en mémoire du geste sacrificiel d'Abraham sont loin d’être satisfaits.

L’an dernier, une trentaine d’abattoirs étaient pourtant disponibles pour la même période. « Selon moi, cela montre qu'il n’y a pas d’efforts fournis de la part de l’État, ce qui encourage la grande distribution à intervenir de plus en plus sur ce marché pendant l’Aïd. Sur quels critères ces abattoirs ont-ils été fermés ? », s’interroge M. Bouchama, dubitatif. La préfecture n’a pu être jointe à ce propos.

Une bonne opération financière ?

En attendant, M. Medjahed semble content du résultat actuel. Seule une vingtaine de moutons étaient encore disponibles mardi 9 novembre pour la vente. Aucun nouvel arrivage n’est prévu pour le moment. Il faut dire que l’opérateur prend toutes ses précautions pour que l’opération se passe au mieux. 35 moutons seront abattus par heure, au lieu de 70. « C’est la première fois que nous manipulons la machine et, si elle tombe en panne, elle ne gênera pas trop de monde », nous affirme Abdou.

Mais son opération lui rapportera-t-il beaucoup ? Le prix du mouton, qui pèsera entre 16 et 23 kg après abattage, est compris entre 230 et 260 €. L’opérateur devrait récupérer a minima 120 000 € des ventes.

Quant au CRCM, « on est au service des musulmans. Notre devoir est de servir la communauté. On ne touche pas de commission par mouton vendu. Sinon, on aurait été associé à l’échec ou au succès commercial de l’opération et ce n’est pas notre objectif. Ce que nous exigeons, c'est la transparence et la bonne communication de l’opérateur avec ses clients », nous précise M. Bouchama.

Cependant, les installations coûtent cher : 600 000 € en moyenne, selon M. Bouchama. Au rythme que s’est donné M. Medjahed à l’heure actuelle, il lui faudrait encore quatre ou cinq ans pour rentrer dans ses frais. Mais si l’Aïd 2010 est un succès, il reviendra l’an prochain, nous assure-t-il. Et avec un plus grand nombre de moutons.


* Selon les informations communiquées par la préfecture, les abattoirs temporaires sont à Coulommiers (77), à Élancourt (78), à l'Aire des Vents de La Courneuve (93) et au MGDP de Champigny-sur-Marne (94). Les abattoirs pérennes de Jossigny, de Meaux et de Montereau (dans le 77) et d'Ézanville et d'Ableiges (dans le 95) fonctionneront et pourront accueillir des animaux pour l'Aïd.







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