Berlin - Deux ans après la publication du livre de Thilo Sarrazin, « L’Allemagne court à sa perte » dans lequel l’auteur dénonçait l’influence, selon lui croissante, de l’islam dans son pays, les relations semblent se normaliser entre les pouvoirs publics et cette communauté de 4 millions de musulmans. Ainsi, le 14 août 2012, la ville de Hambourg qui, comme Brême et Berlin, a conclu un accord avec les représentants de sa communauté musulmane affirmant que les droits et les devoirs de celle-ci étaient identiques à ceux de tous les citoyens allemands.
L'aspect le plus spectaculaire est que certains jours fériés musulmans sont désormais officiellement reconnus. Les salariés pourront ne pas travailler (mais devront prendre un jour de vacances ou récupérer). Les écoliers pourront, eux, être dispensés de cours.
Mais l'accord − qui a nécessité cinq ans de négociations − va bien au-delà. Il s'agit d'abord pour la municipalité d'affirmer que les musulmans ont les mêmes droits que les autres citoyens, protestants ou catholiques (avec qui un accord a été signé en 2005) ou juifs (accord conclu en 2007). Ils ont également les mêmes devoirs, comme le respect de certaines valeurs fondamentales − tolérance religieuse et égalité entre hommes et femmes.
L'accord organise également l'enseignement de l'islam dans les écoles publiques. Le sujet est juridiquement complexe, car la Constitution prévoit que l'enseignement de la religion est délivré « en adéquation avec les principes des communautés religieuses ». La communauté musulmane n'ayant pas un représentant unique, ces principes n’ont pas été énoncés. Du coup, les Länder tentent chacun de trouver des solutions avec les représentants musulmans locaux.
En reconnaissant officiellement trois associations musulmanes – Ditib (Union islamique turque pour la religion), Schura (Conseil des communautés islamiques) et Vitz (l'association des centres culturels islamiques) – ainsi que la communauté alévi (groupe religieux de l’islam ni sunnite ni chiite, se rapprochant du soufisme) comme représentatives de la communauté religieuse et en leur permettant de participer, Hambourg va plus loin que les autres Länder.
Les représentants des associations signataires de l'accord, qui représenteraient environ 170 000 croyants, se félicitent de cette reconnaissance.
Commencée en 2007 par un maire chrétien-démocrate, Ole von Beust, et conclue par son successeur social-démocrate, Olaf Scholz, la négociation de cet accord n'a pas provoqué de grand débat politique. En revanche, les élus ont fourni des informations détaillées sur des questions délicates dans le cadre de la page Faq très fréquentée de leur site Web.
Non, l’accord ne permet pas de créer une législation parallèle. Non, il n'y aura pas de crèche islamique. Les enseignantes peuvent-elles être voilées ? « L'accord ne prévoit ni autorisation ni interdiction du foulard au travail. » Les enfants non musulmans devront-ils suivre des cours de religion musulmane ? Oui. « Le sens du cours en commun consiste justement à ce que les écoliers découvrent autre chose que leur propre religion (...), mais il n'y aura pas d'enseignement du Coran par des imams dans les écoles publiques. »
Cette initiative n’est pas tout à fait isolée. En Rhénanie-Du-Nord-Westphalie, un Land où habitent 1,5 million de musulmans, un accord signé entre le gouvernement régional et des représentants de la communauté musulmane prévoit la mise en place progressive, à partir de cette rentrée scolaire, de cours de religion musulmane pour les élèves de cette communauté.
Trois partis ont approuvé ce texte (les sociaux-démocrates et les Verts au pouvoir mais aussi la CDU dans l’opposition), les libéraux se sont abstenus et la gauche radicale a voté contre. La représentativité du « conseil de coordination », composé des musulmans qui ont négocié la mise en place de ces cours avec les autorités locales, a entraîné d’importants débats.
Le mouvement devrait néanmoins se poursuivre. Depuis 2011, quelques universités forment des imams pour que ceux-ci puissent à leur tour enseigner aux enfants dans le cadre de leur scolarité. Ces changements créent une société allemande intégrative, où les communautés religieuses pourront vivre leurs pratiques dans le respect du cadre légal démocratique du pays où elles vivent.
* Frédéric Lemaître est le correspondant du quotidien français Le Monde en Allemagne. Ancien éditorialiste de la section Economie, et rédacteur en chef, il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Demain, la faim (Grasset 2009).
L'aspect le plus spectaculaire est que certains jours fériés musulmans sont désormais officiellement reconnus. Les salariés pourront ne pas travailler (mais devront prendre un jour de vacances ou récupérer). Les écoliers pourront, eux, être dispensés de cours.
Mais l'accord − qui a nécessité cinq ans de négociations − va bien au-delà. Il s'agit d'abord pour la municipalité d'affirmer que les musulmans ont les mêmes droits que les autres citoyens, protestants ou catholiques (avec qui un accord a été signé en 2005) ou juifs (accord conclu en 2007). Ils ont également les mêmes devoirs, comme le respect de certaines valeurs fondamentales − tolérance religieuse et égalité entre hommes et femmes.
L'accord organise également l'enseignement de l'islam dans les écoles publiques. Le sujet est juridiquement complexe, car la Constitution prévoit que l'enseignement de la religion est délivré « en adéquation avec les principes des communautés religieuses ». La communauté musulmane n'ayant pas un représentant unique, ces principes n’ont pas été énoncés. Du coup, les Länder tentent chacun de trouver des solutions avec les représentants musulmans locaux.
En reconnaissant officiellement trois associations musulmanes – Ditib (Union islamique turque pour la religion), Schura (Conseil des communautés islamiques) et Vitz (l'association des centres culturels islamiques) – ainsi que la communauté alévi (groupe religieux de l’islam ni sunnite ni chiite, se rapprochant du soufisme) comme représentatives de la communauté religieuse et en leur permettant de participer, Hambourg va plus loin que les autres Länder.
Les représentants des associations signataires de l'accord, qui représenteraient environ 170 000 croyants, se félicitent de cette reconnaissance.
Commencée en 2007 par un maire chrétien-démocrate, Ole von Beust, et conclue par son successeur social-démocrate, Olaf Scholz, la négociation de cet accord n'a pas provoqué de grand débat politique. En revanche, les élus ont fourni des informations détaillées sur des questions délicates dans le cadre de la page Faq très fréquentée de leur site Web.
Non, l’accord ne permet pas de créer une législation parallèle. Non, il n'y aura pas de crèche islamique. Les enseignantes peuvent-elles être voilées ? « L'accord ne prévoit ni autorisation ni interdiction du foulard au travail. » Les enfants non musulmans devront-ils suivre des cours de religion musulmane ? Oui. « Le sens du cours en commun consiste justement à ce que les écoliers découvrent autre chose que leur propre religion (...), mais il n'y aura pas d'enseignement du Coran par des imams dans les écoles publiques. »
Cette initiative n’est pas tout à fait isolée. En Rhénanie-Du-Nord-Westphalie, un Land où habitent 1,5 million de musulmans, un accord signé entre le gouvernement régional et des représentants de la communauté musulmane prévoit la mise en place progressive, à partir de cette rentrée scolaire, de cours de religion musulmane pour les élèves de cette communauté.
Trois partis ont approuvé ce texte (les sociaux-démocrates et les Verts au pouvoir mais aussi la CDU dans l’opposition), les libéraux se sont abstenus et la gauche radicale a voté contre. La représentativité du « conseil de coordination », composé des musulmans qui ont négocié la mise en place de ces cours avec les autorités locales, a entraîné d’importants débats.
Le mouvement devrait néanmoins se poursuivre. Depuis 2011, quelques universités forment des imams pour que ceux-ci puissent à leur tour enseigner aux enfants dans le cadre de leur scolarité. Ces changements créent une société allemande intégrative, où les communautés religieuses pourront vivre leurs pratiques dans le respect du cadre légal démocratique du pays où elles vivent.
* Frédéric Lemaître est le correspondant du quotidien français Le Monde en Allemagne. Ancien éditorialiste de la section Economie, et rédacteur en chef, il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Demain, la faim (Grasset 2009).
En partenariat avec :
Lire aussi :
Allemagne : la circoncision pour motifs religieux autorisée
Hambourg : en route vers les jours fériés musulmans
Allemagne : les jours fériés musulmans reconnus à Brême
Halal : l'Allemagne à la conquête de la France
C'est parti pour l'enseignement de l'islam dans les écoles allemandes
L'Allemagne lance bientôt sa première banque islamique
Allemagne/Autriche : 25 millions de Coran en distribution gratuite pour les germanophones
Allemagne : le premier centre de théologie islamique inauguré dans une université publique
Lire aussi :
Allemagne : la circoncision pour motifs religieux autorisée
Hambourg : en route vers les jours fériés musulmans
Allemagne : les jours fériés musulmans reconnus à Brême
Halal : l'Allemagne à la conquête de la France
C'est parti pour l'enseignement de l'islam dans les écoles allemandes
L'Allemagne lance bientôt sa première banque islamique
Allemagne/Autriche : 25 millions de Coran en distribution gratuite pour les germanophones
Allemagne : le premier centre de théologie islamique inauguré dans une université publique