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Points de vue

Attentats de Paris : faire face aux racines du mal endogènes

Rédigé par Abel Sena | Samedi 28 Novembre 2015 à 11:05

           


Attentats de Paris : faire face aux racines du mal endogènes
La France n’avait pas encore fini de panser ses plaies suite aux attentats contre Charlie Hebdo en janvier dernier qu’elle s’est retrouvée à nouveau endeuillée par des actes terroristes qui ont plongé toute la nation dans la stupeur et l’incompréhension.
Le pays pleure encore ses victimes, mais les interrogations quant aux motivations des terroristes et les raisons qui les ont poussés à s’en prendre à la France fleurissent de tout part. Chacun y va de son analyse. Beaucoup sont pour dire qu’à travers ces actes meurtriers, c’est l’idée même de la France qui était visée. Ce sont les valeurs humanistes qu’elle représente qui étaient la cible de cette barbarie. Certes, arriver à cette conclusion aide à comprendre une partie du problème, mais ne permet pas de saisir le phénomène du terrorisme dans toute sa globalité.

Nous voulions croire qu’après la tragédie de Charlie, il serait plus difficile pour les terroristes de rééditer leurs attaques. Mais les derniers événements tragiques dans la capitale nous ont prouvé le contraire. Malheureusement, tout laisse à croire que la menace terroriste n’est pas prête de s’essouffler. Ce ne sont pas les mesures sécuritaires ou les représailles militaires décidés par le gouvernement qui mettront fin à ce phénomène qui semble prendre de l’ampleur. Les mesures coercitives peuvent avoir un effet à court terme, mais ne peuvent venir à bout du terrorisme définitivement, d’où la nécessité de se poser les bonnes questions pour pouvoir trouver les solutions adéquates.

Le modèle d'intégration à la française en question

Il est vrai que le contexte géopolitique international instable et incertain explique en partie la progression du terrorisme. Par conséquent, la lutte pour endiguer ce fléau passe d’abord par une mobilisation sans faille de la communauté internationale. Mais cette lutte ne pourrait être efficace si nos politiques ne s’attelaient pas dans le même temps à analyser en profondeur les raisons qui poussent des jeunes Français à perpétrer des actes terroristes dans leur propre pays. Les derniers attentats ainsi que d’autres actes terroristes antérieurs dont la France a été le théâtre sont, pour partie, l’œuvre de citoyens français, nés en France et ayant fréquenté l’école de la République, mais qui se sont transformés en terroristes en croisade contre leur propre patrie.

Les analyses peuvent être multiples, mais il me semble nécessaire de mettre en exergue la question de l’immigration. S’il l’on ne peut pas parler, à cet égard, de la faillite du modèle d’intégration à la française, ne sommes-nous pas en droit de pointer du doigt la mauvaise gestion par la France de la question de l’immigration ? N’est-il pas légitime de se demander pourquoi les Kelkal, Merah, Kouachi et autre Couibaly ressentaient-ils autant de haine envers leur propre pays ?

Pas d'excuses mais des explications

Il n’est pas question ici d’excuser les actes barbares commis par ces terroristes, ni de jeter l’opprobre sur l’Etat français. Il est plutôt question d’identifier les vraies causes de ce mal qui gangrène la société française depuis un moment. A cet égard, il est primordial que l’Etat français prenne le problème à bras le corps et cherche les racines du mal. Ces racines sont avant tout d’ordre social et identitaire. Car ce qui frappe chez ces enfants égarés de la République, c’est l’absence chez eux de tout sentiment d’appartenance à la nation. Cela pose problème et nous amène à nous demander si tout a été mis en oeuvre pour que ses enfants se sentent pleinement Français et si toutes les conditions ont été réunies pour leur permettre une réussite sociale.

Certes, le parcours chaotique de ces jeunes et leur passé délinquant pour la plupart d’entre eux résultent de la conjonction de situations familiales souvent difficiles, de conditions économiques délicates et de choix de vie condamnables qui engagent leur responsabilité personnelle. Mais il serait intellectuellement malhonnête d’occulter les conditions sociales qui jouent le rôle de facteur aggravant dans l’itinéraire terroriste de ces jeunes.

Conjugués parfois à une crise identitaire et à un manque de repères, la ghettoïsation, la stigmatisation dont les jeunes de banlieues font l’objet, l’échec scolaire, la difficulté d’emprunter l’ascenseur social, le manque d’opportunités créent un sentiment de malaise chez certains jeunes. Le malaise se transforme quelquefois en ressentiment puis en haine à l’égard de la société responsable à leurs yeux de leur mal de vivre. Les plus fragiles psychologiquement deviennent des proies faciles entre les mains d’idéologues mortifères qui prêchent la haine et la violence.

Le besoin d'analyses approfondies

La déchéance de la nationalité, les contrôles aux frontières ou l’augmentation du nombre des forces de l’ordre sont des mesures mises en place à chaud en réaction aux événements et qui ne pourront pas éradiquer le terrorisme d’une manière pérenne. Ce dont nous avons besoin est une analyse approfondie de la situation et une mise en place d’une stratégie réfléchie et de longue haleine qui puisse identifier la source du problème et d’y apporter des solutions durables.

Cela passe par l’éducation, par une politique sociale bienveillante à l’égard des populations vivant dans les banlieues, par la mise en place de dispositifs économiques et socio-éducatifs facilitant l’insertion sociale et économique de ceux qui en éprouvent le besoin. Cela passe aussi par la nécessité de changer le regard de la société à l’égard de ces jeunes dits « issus de l’immigration », à commencer par les considérer comme Français à part entière et les dispenser de cette étiquette stigmatisante qui ne fait que renforcer leur sentiment de non appartenance à la communauté nationale.

Enfin, cela passe par l’incitation de ces jeunes par le biais de projets artistiques, scolaires, sportifs et culturels dans le but de les réconcilier avec leur pays et de leur faire aimer leur patrie et ses valeurs de tolérance, de justice et de fraternité. La France gagnerait à poser un regard maternel sur ses enfants et à les nourrir d’amour patriotique. Car ils seraient le premier rempart qui la protégerait de tout acte malveillant.

Ce travail de fond est la responsabilité de toutes les composantes de la société. L’entreprise est considérable. Mais elle est nécessaire. Car elle éviterait à la société d’enfanter d’autres monstres qui œuvreraient à sa destruction.

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Abel Sena est enseignant.





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