Pour partager quelques réflexions sur le sujet proposé (« Défis et enjeux des institutions caritatives face à la crise et aux inégalités sociales »), je ferai appel à ma responsabilité dans l’association des Amis de l’hebdomadaire La Vie. En effet, cet hebdomadaire chrétien d’actualité est largement inspiré par ce qu’on appelle « la pensée sociale de l’Église catholique ». Il s’agit de faire le lien entre la proposition religieuse et l’action sociale.
Par ailleurs, la présidence que j’exerce au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) sera bien sûr utile pour mettre en tension les réalités sociales françaises et les réalités mondiales.
Enfin, à travers le travail que j’ai pu accomplir autour des droits humains, nous retrouverons le thème central de la dignité de la personne humaine. Ce thème est fondamental pour toutes les religions et il se doit de se transformer en pratiques individuelles et communautaires. En effet, nous parlons bien de personnes humaines : femmes, hommes, enfants tout proches de nous ou plus lointains dans des pays étrangers. Il est important que la voix de ceux et de celles qui sont maltraités par la vie, par les systèmes économico-financiers qui les détruisent, puissent être entendues au cœur de nos débats.
Je ne crois pas qu’il existe des populations sans voix. En revanche, je suis persuadé que nous sommes nous-mêmes souvent sans oreilles pour entendre la voix des plus pauvres et des moins bien traités. Nous pouvons alors relever au moins huit défis.
Par ailleurs, la présidence que j’exerce au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) sera bien sûr utile pour mettre en tension les réalités sociales françaises et les réalités mondiales.
Enfin, à travers le travail que j’ai pu accomplir autour des droits humains, nous retrouverons le thème central de la dignité de la personne humaine. Ce thème est fondamental pour toutes les religions et il se doit de se transformer en pratiques individuelles et communautaires. En effet, nous parlons bien de personnes humaines : femmes, hommes, enfants tout proches de nous ou plus lointains dans des pays étrangers. Il est important que la voix de ceux et de celles qui sont maltraités par la vie, par les systèmes économico-financiers qui les détruisent, puissent être entendues au cœur de nos débats.
Je ne crois pas qu’il existe des populations sans voix. En revanche, je suis persuadé que nous sommes nous-mêmes souvent sans oreilles pour entendre la voix des plus pauvres et des moins bien traités. Nous pouvons alors relever au moins huit défis.
Premier défi – Comment nos communautés religieuses permettent-elles aux plus pauvres de faire entendre leur voix ?
Il ne s’agit pas de parler à la place des pauvres ou des personnes blessées par l’existence. Il s’agit de trouver les moyens de leur donner la parole. Qu’en est-il dans nos assemblées de prière ? Qu’en est-il dans nos groupes de réflexion et de formulations d’un certain nombre de propositions que les religions peuvent faire pour orienter le travail social ?
Il ne s’agit pas d’utiliser les plus pauvres comme des garants de notre science et de nos certitudes. Il s’agit de leur permettre, à leur place, avec leur expérience, de dire ce qu’ils ont à dire.
Le travail fait dans ce sens par le mouvement ATD Quart-Monde est tout à fait remarquable. Nos religions, nos assemblées religieuses parlent souvent des pauvres. À quel moment les laissent-ils parler en leur nom ?
Il ne s’agit pas d’utiliser les plus pauvres comme des garants de notre science et de nos certitudes. Il s’agit de leur permettre, à leur place, avec leur expérience, de dire ce qu’ils ont à dire.
Le travail fait dans ce sens par le mouvement ATD Quart-Monde est tout à fait remarquable. Nos religions, nos assemblées religieuses parlent souvent des pauvres. À quel moment les laissent-ils parler en leur nom ?
Guy Aurenche : « L’important du message de la dignité de chaque personne humaine est le refus de tout mécanisme de discrimination ou de déshumanisation. »
Deuxième défi – Une réalité sociale : 8 millions d’exclus en France, et sans doute davantage
Nous mesurons alors qu’il ne s’agit pas disserter doctement sur un sujet brillant. Il s’agit de prendre à bras-le-corps une situation qui s’aggrave. Oui, la richesse augmente. Mais, en même temps, le fossé entre riches et pauvres augmente lui aussi, y compris en France.
Ce constat dramatique conduit, me semble-t-il, les communautés religieuses à prendre des positions sociales claires. Par exemple : savoir dire que le logement n’est pas une marchandise comme une autre. Il s’agit d’un besoin fondamental qu’il faut satisfaire, si l’on est sérieusement attaché au respect de la dignité de la personne humaine.
Cette proposition aura des conséquences dans l’organisation du marché immobilier, dans les politiques de construction de logements, dans la régulation de la spéculation immobilière.
Qu’une parole des communautés religieuses se fasse entendre nettement sur ces terrains.
Au sujet des phénomènes d’exclusion qui vont en s’alourdissant, de marginalisation qui détruisent nombre de personnes en France, comment nos communautés religieuses considèrent-elles « les pauvres » ? En fonction de quels critères sélectionnons-nous les pauvres que nous allons aider ou non ?
Il y a là une réflexion fondamentale, car, trop souvent, nos communautés sont soit d’abord attentives à leurs pauvres, à ceux qui font partie des cercles de la vie religieuse, soit elles vont associer une démarche auprès de ces plus pauvres à une adhésion religieuse. Il ne faut pas que la rencontre des plus pauvres soit le lieu du prosélytisme, sous quelque forme que ce soit.
Ce constat dramatique conduit, me semble-t-il, les communautés religieuses à prendre des positions sociales claires. Par exemple : savoir dire que le logement n’est pas une marchandise comme une autre. Il s’agit d’un besoin fondamental qu’il faut satisfaire, si l’on est sérieusement attaché au respect de la dignité de la personne humaine.
Cette proposition aura des conséquences dans l’organisation du marché immobilier, dans les politiques de construction de logements, dans la régulation de la spéculation immobilière.
Qu’une parole des communautés religieuses se fasse entendre nettement sur ces terrains.
Au sujet des phénomènes d’exclusion qui vont en s’alourdissant, de marginalisation qui détruisent nombre de personnes en France, comment nos communautés religieuses considèrent-elles « les pauvres » ? En fonction de quels critères sélectionnons-nous les pauvres que nous allons aider ou non ?
Il y a là une réflexion fondamentale, car, trop souvent, nos communautés sont soit d’abord attentives à leurs pauvres, à ceux qui font partie des cercles de la vie religieuse, soit elles vont associer une démarche auprès de ces plus pauvres à une adhésion religieuse. Il ne faut pas que la rencontre des plus pauvres soit le lieu du prosélytisme, sous quelque forme que ce soit.
Troisième défi – Qu’est-ce que l’action caritative ?
Très souvent, ce mot appelle des réactions négatives, car ce terme est devenu incompris. Il s’agit trop souvent de se donner bonne conscience à travers quelques bonnes actions. Cette utilisation des plus pauvres dans ma relation à Dieu n’est-elle pas injurieuse pour Dieu Lui-même ? Dieu n’a jamais fait des pauvres un moyen. Il en fait les sujets de sa Première Tendresse.
Parler d’action caritative, c’est parfois se cantonner dans une démarche ponctuelle, très limitée, qui ne change pas grand-chose au reste de la vie personnelle ou sociale.
La démarche de charité est une démarche complexe. Elle se situe au cœur des démarches religieuses et il faut que les religions soient claires à son sujet.
La démarche de charité est d’abord une démarche de justice. Trop souvent nous parlons charité, nous faisons la charité en oubliant qu’il faut d’abord construire la justice. La justice cela signifie permettre à chacun et à chacune d’avoir accès aux droits fondamentaux qui lui permettent d’être une personne. La justice se traduit en termes de décisions politiques, économiques, sociales.
Trop souvent nous sautons l’étape de la justice pour nous contenter de la charité ponctuelle.
Nous savons également que la charité est un geste qui va plus loin que la justice, même si celle-ci doit en faire partie. L’apôtre Paul dit clairement : « Je pourrais donner tous mes biens aux pauvres, livrer mon corps aux flammes, s’il me manque la charité, je n’y gagne rien. »
Alors qu’est-ce que cette charité ? C’est le geste par lequel nous prenons le risque de donner le tout de nous-mêmes. De nous donner nous-mêmes. Et nous voyons bien qu’il y a un risque à rentrer en relation avec les plus pauvres, car cela nous bouscule, cela nous déboussole, cela nous dépossède de nous-mêmes. La charité appelle à aller jusqu’à ce don plénier de nous-mêmes.
La charité, enfin, est cette démarche profonde et radicale, inspirée par l’Amour de Dieu.
Ce qui est à l’origine de la charité, ce ne sont pas d’abord nos efforts individuels, c’est le Premier Amour que Dieu porte à chacun des hommes et des femmes de cette Terre.
Parler d’action caritative, c’est parfois se cantonner dans une démarche ponctuelle, très limitée, qui ne change pas grand-chose au reste de la vie personnelle ou sociale.
La démarche de charité est une démarche complexe. Elle se situe au cœur des démarches religieuses et il faut que les religions soient claires à son sujet.
La démarche de charité est d’abord une démarche de justice. Trop souvent nous parlons charité, nous faisons la charité en oubliant qu’il faut d’abord construire la justice. La justice cela signifie permettre à chacun et à chacune d’avoir accès aux droits fondamentaux qui lui permettent d’être une personne. La justice se traduit en termes de décisions politiques, économiques, sociales.
Trop souvent nous sautons l’étape de la justice pour nous contenter de la charité ponctuelle.
Nous savons également que la charité est un geste qui va plus loin que la justice, même si celle-ci doit en faire partie. L’apôtre Paul dit clairement : « Je pourrais donner tous mes biens aux pauvres, livrer mon corps aux flammes, s’il me manque la charité, je n’y gagne rien. »
Alors qu’est-ce que cette charité ? C’est le geste par lequel nous prenons le risque de donner le tout de nous-mêmes. De nous donner nous-mêmes. Et nous voyons bien qu’il y a un risque à rentrer en relation avec les plus pauvres, car cela nous bouscule, cela nous déboussole, cela nous dépossède de nous-mêmes. La charité appelle à aller jusqu’à ce don plénier de nous-mêmes.
La charité, enfin, est cette démarche profonde et radicale, inspirée par l’Amour de Dieu.
Ce qui est à l’origine de la charité, ce ne sont pas d’abord nos efforts individuels, c’est le Premier Amour que Dieu porte à chacun des hommes et des femmes de cette Terre.
Quatrième défi – Les conséquences de la rencontre du plus pauvre
Oui, rencontrer le plus pauvre, cela va bousculer mes habitudes, mes choix de vie. Ce n’est
jamais gratuit ni sans conséquence pour le quotidien de nos options.
Ainsi, la démarche de charité m’amènera à lire autrement les informations quotidiennes, à éplucher les programmes politiques autrement. Donc à orienter mes votes et l’exercice de ma responsabilité citoyenne autrement. Il y a là un défi que trop souvent nos communautés religieuses n’osent pas prendre.
Soit celles-ci restent en marge de l’engagement politique et laissent ce dernier à d’autres. Soit, au contraire, la religion récupère la totalité de l’engagement politique et fausse alors la pluralité politique nécessaire. L’action politique devient en fait un programme religieux. Nous ne sommes plus alors dans la rencontre du plus pauvre.
Les exigences de cette rencontre se font aussi sentir dans la manière dont nous gérons nos budgets, nous organisons le partage de nos économies, de notre temps, de notre savoir, de nos relations. Oui, la relation aux plus pauvres bouscule.
Cependant, il ne faut pas vivre cette relation comme un calvaire. C’est avec humilité, avec gratuité que nous vivrons cette relation, c’est-à-dire sans attendre forcément un « retour sur investissements ».
Par ailleurs c’est dans la gaieté et la sérénité que nous essaierons d’accomplir cette démarche. Cette sérénité n’est pas naïveté. Elle est expression de la reconnaissance de l’Amour de Dieu, qui imprègne ma démarche.
jamais gratuit ni sans conséquence pour le quotidien de nos options.
Ainsi, la démarche de charité m’amènera à lire autrement les informations quotidiennes, à éplucher les programmes politiques autrement. Donc à orienter mes votes et l’exercice de ma responsabilité citoyenne autrement. Il y a là un défi que trop souvent nos communautés religieuses n’osent pas prendre.
Soit celles-ci restent en marge de l’engagement politique et laissent ce dernier à d’autres. Soit, au contraire, la religion récupère la totalité de l’engagement politique et fausse alors la pluralité politique nécessaire. L’action politique devient en fait un programme religieux. Nous ne sommes plus alors dans la rencontre du plus pauvre.
Les exigences de cette rencontre se font aussi sentir dans la manière dont nous gérons nos budgets, nous organisons le partage de nos économies, de notre temps, de notre savoir, de nos relations. Oui, la relation aux plus pauvres bouscule.
Cependant, il ne faut pas vivre cette relation comme un calvaire. C’est avec humilité, avec gratuité que nous vivrons cette relation, c’est-à-dire sans attendre forcément un « retour sur investissements ».
Par ailleurs c’est dans la gaieté et la sérénité que nous essaierons d’accomplir cette démarche. Cette sérénité n’est pas naïveté. Elle est expression de la reconnaissance de l’Amour de Dieu, qui imprègne ma démarche.
Cinquième défi – Une action sous le souffle de Dieu
Il est alors important de savoir qui est ce Dieu. Ou plutôt où est ce Dieu ?
Nous savons que Dieu est Amour, qu’iI vit dans et par la relation d’Amour. Inviter les communautés religieuses à s’interroger sur les défis que pose la société, c’est en même temps les inviter à purifier sans cesse l’approche qu’elles ont de Dieu. Souvent, nous donnons des caricatures de Dieu. Nous le défigurons. Soit par l’égoïsme, soit par l’intransigeance, voire par la violence.
Oui, le défi de l’action sociale, c’est le défi de reconnaître que la source de mon action de charité est dans l’Amour que Dieu porte à chacun de nous. Et, bien sûr, à moi-même pour commencer.
Nous savons que Dieu est Amour, qu’iI vit dans et par la relation d’Amour. Inviter les communautés religieuses à s’interroger sur les défis que pose la société, c’est en même temps les inviter à purifier sans cesse l’approche qu’elles ont de Dieu. Souvent, nous donnons des caricatures de Dieu. Nous le défigurons. Soit par l’égoïsme, soit par l’intransigeance, voire par la violence.
Oui, le défi de l’action sociale, c’est le défi de reconnaître que la source de mon action de charité est dans l’Amour que Dieu porte à chacun de nous. Et, bien sûr, à moi-même pour commencer.
Sixième défi – Nous aurons souvent à justifier nos actions sociales, caritatives
Justifier ne veut pas dire simplement expliquer ou imposer à l’autre une idéologie quelconque.
Justifier, c’est être capable de dire sur quelle valeur fondamentale l’action de charité que des communautés religieuses exercent va s’ajuster. À quoi ajustons-nous nos paroles et nos actes dans le domaine social ?
Il me semble qu’il faille d’abord souligner que cet ajustement, ce fondement se trouve dans un socle commun de valeurs fondamentales que nous partageons avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté.
Non, les religions n’ont pas le monopole de la bonté dans l’action sociale. Il faut partager avec tous la référence à la dignité de la personne humaine. Vous savez mon attachement à la mise en œuvre progressive de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. Celle-ci a été proclamée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, au lendemain d’un suicide collectif : 60 millions de morts, la Shoah et les camps de la mort, la discrimination sous des formes diverses, l’usage de la bombe atomique…
Le texte de 1948, qui est signé par tous les peuples et tous les pays membres des Nations unies, au-delà de nos divergences religieuses et culturelles, s’appuie sur : « Les peuples du monde entier ont proclamé leur foi en la valeur et la dignité de la personne humaine. »
Les communautés religieuses doivent donc s’associer à cet acte de foi. Nous verrons également comment elles peuvent le nourrir. Et, dans un premier temps, il faut être en solidarité avec ces hommes et ces femmes qui partagent cet acte de foi. La dignité humaine est alors source de la fraternité, de la solidarité en actes.
L’important du message de la dignité de chaque personne humaine est le refus de tout mécanisme de discrimination ou de déshumanisation : trop souvent, parce que l’autre ne possède pas ma religion, je le déshumanise ou je le considère comme un inférieur. Toute action de charité doit inscrire la priorité du respect de la dignité de tous, quelles que soient ses convictions.
À partir de cet acte de foi, des droits et des devoirs pourront être énumérés. Il s’agit non pas d’une fantaisie juridique, mais bien de l’expression de la volonté des communautés humaines et donc aussi des communautés religieuses à mettre en œuvre le principe de dignité.
Par exemple, qu’en est-il du droit à l’eau potable ? Lorsque des peuples dérobent les sources, les rivières, ils atteignent la dignité d’autres peuples. Lorsque de riches sociétés achètent des terres cultivables en grande quantité dans des pays pauvres, ils attentent à la dignité de ces peuples pauvres.
À côté de ce socle commun de valeurs que nous partageons avec toute l’humanité, les communautés religieuses ont à dire le souffle particulier de leur conviction religieuse. Oui, il faut faire savoir ce qui nous motive, sans l’imposer, et en faisant en sorte que notre message n’exclut personne. C’est donc dans un esprit d’humilité que nous dirons combien l’Amour de Dieu est premier dans la démarche de charité et de l’action sociale.
Oui, nous le ferons dans un esprit de respect des autres croyances, car nous pensons que l’Amour de Dieu est également dirigé à l’égard de ceux et de celles qui croient ou pensent autrement que nous. La vraie laïcité n’est pas celle qui anesthésie toutes les croyances et interdit tout discours religieux. C’est celle qui organise le débat, y compris sur les valeurs fondamentales entre toutes les croyances, d’une manière respectueuse de chacune.
Ayant dit ce souffle particulier qui nous anime, nous pourrons travailler avec et pour d’autres dans la clarté, mais dans la diversité également. On voit comment l’action sociale, l’action de charité nous oblige à approfondir nos propres convictions religieuses.
Justifier, c’est être capable de dire sur quelle valeur fondamentale l’action de charité que des communautés religieuses exercent va s’ajuster. À quoi ajustons-nous nos paroles et nos actes dans le domaine social ?
Il me semble qu’il faille d’abord souligner que cet ajustement, ce fondement se trouve dans un socle commun de valeurs fondamentales que nous partageons avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté.
Non, les religions n’ont pas le monopole de la bonté dans l’action sociale. Il faut partager avec tous la référence à la dignité de la personne humaine. Vous savez mon attachement à la mise en œuvre progressive de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. Celle-ci a été proclamée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, au lendemain d’un suicide collectif : 60 millions de morts, la Shoah et les camps de la mort, la discrimination sous des formes diverses, l’usage de la bombe atomique…
Le texte de 1948, qui est signé par tous les peuples et tous les pays membres des Nations unies, au-delà de nos divergences religieuses et culturelles, s’appuie sur : « Les peuples du monde entier ont proclamé leur foi en la valeur et la dignité de la personne humaine. »
Les communautés religieuses doivent donc s’associer à cet acte de foi. Nous verrons également comment elles peuvent le nourrir. Et, dans un premier temps, il faut être en solidarité avec ces hommes et ces femmes qui partagent cet acte de foi. La dignité humaine est alors source de la fraternité, de la solidarité en actes.
L’important du message de la dignité de chaque personne humaine est le refus de tout mécanisme de discrimination ou de déshumanisation : trop souvent, parce que l’autre ne possède pas ma religion, je le déshumanise ou je le considère comme un inférieur. Toute action de charité doit inscrire la priorité du respect de la dignité de tous, quelles que soient ses convictions.
À partir de cet acte de foi, des droits et des devoirs pourront être énumérés. Il s’agit non pas d’une fantaisie juridique, mais bien de l’expression de la volonté des communautés humaines et donc aussi des communautés religieuses à mettre en œuvre le principe de dignité.
Par exemple, qu’en est-il du droit à l’eau potable ? Lorsque des peuples dérobent les sources, les rivières, ils atteignent la dignité d’autres peuples. Lorsque de riches sociétés achètent des terres cultivables en grande quantité dans des pays pauvres, ils attentent à la dignité de ces peuples pauvres.
À côté de ce socle commun de valeurs que nous partageons avec toute l’humanité, les communautés religieuses ont à dire le souffle particulier de leur conviction religieuse. Oui, il faut faire savoir ce qui nous motive, sans l’imposer, et en faisant en sorte que notre message n’exclut personne. C’est donc dans un esprit d’humilité que nous dirons combien l’Amour de Dieu est premier dans la démarche de charité et de l’action sociale.
Oui, nous le ferons dans un esprit de respect des autres croyances, car nous pensons que l’Amour de Dieu est également dirigé à l’égard de ceux et de celles qui croient ou pensent autrement que nous. La vraie laïcité n’est pas celle qui anesthésie toutes les croyances et interdit tout discours religieux. C’est celle qui organise le débat, y compris sur les valeurs fondamentales entre toutes les croyances, d’une manière respectueuse de chacune.
Ayant dit ce souffle particulier qui nous anime, nous pourrons travailler avec et pour d’autres dans la clarté, mais dans la diversité également. On voit comment l’action sociale, l’action de charité nous oblige à approfondir nos propres convictions religieuses.
Septième défi – À proximité de l’autre
L’une des exigences est de répondre à la question : Qui est mon prochain ? Pour que je me doive de l’aider, de l’assister, de l’accompagner.
Nos communautés religieuses ont tendance à désigner alors des personnes ou des groupes de personnes qui leur sont idéologiquement, religieusement ou géographiquement proches. Il s’agit sans doute d’une approche trop limitée.
La question du prochain n’est pas de désigner telle ou telle personne, mais elle est de savoir comment, moi-même, je me fais le proche, le prochain de celui et de celle qui appelle. Dans l’Évangile chrétien, il y a ce récit dit du bon samaritain », où Jésus explique qu’il s’agit pour chacun de nous de savoir, au-delà de ses convictions, de ses emplois du temps, de certains de ses principes religieux, de savoir se faire le prochain du blessé, du malade, de l’affamé, de l’isolé…
L’incarnation de notre foi passe par ce geste d’approchement. C’est alors que ce geste d’accompagnement sera exigeant et devra se réaliser non seulement dans la première réaction d’affection et d’amitié, mais aussi dans la durée. C’est alors que l’action de charité prend toute sa dimension politique dont j’ai déjà parlé.
Cette démarche d’approchement exige aussi de savoir respecter le plus pauvre. De résister à toute tentation d’enfermement ou d’endoctrinement religieux dans la relation de charité.
Nos communautés religieuses ont tendance à désigner alors des personnes ou des groupes de personnes qui leur sont idéologiquement, religieusement ou géographiquement proches. Il s’agit sans doute d’une approche trop limitée.
La question du prochain n’est pas de désigner telle ou telle personne, mais elle est de savoir comment, moi-même, je me fais le proche, le prochain de celui et de celle qui appelle. Dans l’Évangile chrétien, il y a ce récit dit du bon samaritain », où Jésus explique qu’il s’agit pour chacun de nous de savoir, au-delà de ses convictions, de ses emplois du temps, de certains de ses principes religieux, de savoir se faire le prochain du blessé, du malade, de l’affamé, de l’isolé…
L’incarnation de notre foi passe par ce geste d’approchement. C’est alors que ce geste d’accompagnement sera exigeant et devra se réaliser non seulement dans la première réaction d’affection et d’amitié, mais aussi dans la durée. C’est alors que l’action de charité prend toute sa dimension politique dont j’ai déjà parlé.
Cette démarche d’approchement exige aussi de savoir respecter le plus pauvre. De résister à toute tentation d’enfermement ou d’endoctrinement religieux dans la relation de charité.
Huitième défi – Les actions de plaidoyer
Dans le cadre des actions du CCFD–Terre Solidaire, nous pratiquons le partenariat avec des milliers de partenaires locaux, avec lesquels nous travaillons en confiance pour qu’ils réalisent sur place les projets de développement que nous finançons après les avoir étudiés. Nous avons également une action d’éducation à la solidarité, auprès des populations françaises et chrétiennes en particulier, mais pas seulement.
Nous avons également des actions de plaidoyer. Il s’agit de mobiliser soit des experts ou des autorités, soit une population tout entière pour faire pression sur les décideurs, afin que ceux-ci prennent des décisions qui iront dans le sens d’un véritable développement.
L’action de charité, les obligations que les communautés religieuses ont à l’égard de la société exigent d’influencer les décideurs. Non pas de prendre leur place ni d’exiger d’eux des positions religieuses. Les influencer pour que les décisions qu’ils prendront aillent dans le sens de la justice, de la dignité, de la fraternité dont j’ai déjà parlé. Nous retrouvons alors toute la dimension politique de l’action de charité.
Nous savons alors aussi qu’il nous faudra travailler davantage les uns avec les autres. Oui, trop souvent nos communautés religieuses sont frileuses dans leurs relations intercommunautaires. Et au-delà des relations interreligieuses, il nous faut comprendre que l’action de charité nous fait nous mêler à d’autres sensibilités politiques, idéologiques.
Enfin, et peut-être surtout, les communautés religieuses confrontées à ces différents défis de la pauvreté et de la marginalisation doivent se lancer dans un travail d’éducation et de conscientisation.
Nous ne sommes pas charitables naturellement. Encore moins dans des moments de crise. Il est donc important que l’éveil à la solidarité, à la fraternité, à la charité se fasse dès le plus jeune âge et en utilisant les moyens pédagogiques les plus performants. Il ne s’agit pas de répéter des formules religieuses toutes faites. Il s’agit d’inviter l’enfant, et l’être humain tout au long de sa vie, à comprendre ces formules qui invitent à la charité. À les incarner dans des gestes dont tel ou tel est capable selon les moments de son existence. À les traduire en engagement politique plus global.
Oui, pour les différentes communautés religieuses, se confronter aux inégalités sociales, aux injustices d’aujourd’hui, et encore plus dans ces temps de crise, est un chemin important, nécessaire, mais qui n’est pas de tout repos.
Ce texte est issu d’une intervention prononcée le 14 novembre 2009, à l’occasion du colloque « Religions et justice sociale », lors de la 9e Semaine de rencontres islamo-chrétiennes (SERIC).
* Guy Aurenche, avocat honoraire, est président du CCFD–Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), président de l’association des Amis de l’hebdomadaire La Vie, président d’honneur de la Fédération internationale de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).
Nous avons également des actions de plaidoyer. Il s’agit de mobiliser soit des experts ou des autorités, soit une population tout entière pour faire pression sur les décideurs, afin que ceux-ci prennent des décisions qui iront dans le sens d’un véritable développement.
L’action de charité, les obligations que les communautés religieuses ont à l’égard de la société exigent d’influencer les décideurs. Non pas de prendre leur place ni d’exiger d’eux des positions religieuses. Les influencer pour que les décisions qu’ils prendront aillent dans le sens de la justice, de la dignité, de la fraternité dont j’ai déjà parlé. Nous retrouvons alors toute la dimension politique de l’action de charité.
Nous savons alors aussi qu’il nous faudra travailler davantage les uns avec les autres. Oui, trop souvent nos communautés religieuses sont frileuses dans leurs relations intercommunautaires. Et au-delà des relations interreligieuses, il nous faut comprendre que l’action de charité nous fait nous mêler à d’autres sensibilités politiques, idéologiques.
Enfin, et peut-être surtout, les communautés religieuses confrontées à ces différents défis de la pauvreté et de la marginalisation doivent se lancer dans un travail d’éducation et de conscientisation.
Nous ne sommes pas charitables naturellement. Encore moins dans des moments de crise. Il est donc important que l’éveil à la solidarité, à la fraternité, à la charité se fasse dès le plus jeune âge et en utilisant les moyens pédagogiques les plus performants. Il ne s’agit pas de répéter des formules religieuses toutes faites. Il s’agit d’inviter l’enfant, et l’être humain tout au long de sa vie, à comprendre ces formules qui invitent à la charité. À les incarner dans des gestes dont tel ou tel est capable selon les moments de son existence. À les traduire en engagement politique plus global.
Oui, pour les différentes communautés religieuses, se confronter aux inégalités sociales, aux injustices d’aujourd’hui, et encore plus dans ces temps de crise, est un chemin important, nécessaire, mais qui n’est pas de tout repos.
Ce texte est issu d’une intervention prononcée le 14 novembre 2009, à l’occasion du colloque « Religions et justice sociale », lors de la 9e Semaine de rencontres islamo-chrétiennes (SERIC).
* Guy Aurenche, avocat honoraire, est président du CCFD–Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), président de l’association des Amis de l’hebdomadaire La Vie, président d’honneur de la Fédération internationale de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).
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