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Points de vue

CFCM, la réforme chimérique

Par Amara Bamba

Rédigé par | Jeudi 7 Juin 2012 à 00:00

           


Ils veulent réformer leur CFCM (Conseil français du culte musulman). De quoi pouffer de rire ! Car, avec le temps, ce Conseil chargé du culte musulman en France apparaît comme un rejeton de la médiacratie sarkozyste. Indolents ou incapables, ses dirigeants pataugent dans la choucroute depuis huit ans. Maintenant, ils nous croient crétins : ils parlent de réformer le CFCM.

Réformer est un mot qui convient à ceux qui savent entreprendre et innover. Dans la bouche des engourdis du CFCM, ce mot est une chimère. Ceux qui ont scindé la FNMF (Fédération nationale des musulmans de France) pour lancer le RMF (Rassemblement des musulmans de France) sont incapables de réformer. Autrement, c'est la FNMF qu'ils auraient réformée. Ils l'ont abandonnée pour créer une fédération sans âme ni atout autre que la marocanité qui caractérise ses dirigeants. Avec ce machin électoral made in Rabat, ils ont capturé le CFCM à Paris. Et, soyons honnêtes, le RMF n'a aucune raison de laisser sa place à ses concurrents.

Ceux qui dirigent l'UOIF (Union des organisations islamiques de France) ignorent ce qu'est une réforme. S'ils pouvaient réformer, ils auraient commencé par l'UOIF. Ils ont choisi le sarkozysme pour embrumer leur réputation de Frères musulmans. Et quand la banlieue brûlait en 2005, ils se sont aliénés dans une fatwa inique au secours de Mufti Sarkozy. Certes, par le CFCM, l'UOIF a chèrement payé son OPA sur l'islam de France. Et elle serait bête de gaspiller ses gains.

La Grande Mosquée de Paris fut, autrefois, notre fierté comme porte-parole de tous les musulmans de France. Nous nous tournions vers elle, elle se tournait vers Alger, ses salons. « L'islam des banlieues, l'islam des excités », expliquera Salim Boubakeur. En deux mandats successifs, il présida le CFCM. S'il savait réformer comme il sait parler aux journalistes, il aurait réformé le CFCM. La GMP souffre désormais du « syndrome du deuxième de la classe ». Le deuxième de la classe aime que le premier soit malade pour devenir premier à sa place. Reconquérir son prestige est une psychose de la GMP. Et au vu de ses atouts, elle a de bonnes raisons de se battre.

Quand GMP, UOIF ou RMF parlent donc de réformer le CFCM, ils se fourvoient ou ils blaguent. Il est difficile d'apprécier cet humour quand on connaît la courbe de l'islamophobie en France. Agresser un citoyen à cause de sa foi musulmane est chose devenue banale dans notre pays. Or, lorsque la racaille politique lepénise la question du halal, que l'on tire à la kalachnikov sur une boucherie musulmane, que des tags nazis fleurissent sur les mosquées, que des contraventions anti-niqab souillent les caisses de l'État, que des papys sont tabassés, au petit matin, sur le chemin de la mosquée, le CFCM réagit par un communiqué. Que faire d'autre ? Ils l'ignorent, c'est sûr.

Pour réformer ce CFCM, nos leaders doivent apprendre l'action publique en France. Se dépouiller de leurs complexes. Dépasser leurs intérêts mesquins qu'ils pensaient protéger en taillant le CFCM sur mesure, un chasuble pour les mosquées et leurs fédérations. Exclu la jeunesse, la mixité, les voix de l'islam vivant... hors des mosquées ! Dans ce continuum colonial, ils se passent de Larbi Kechat, de Bétoule Fekkar-Lambiotte et de Dhaou Meskine. C'est un islam de France sans Éric Geoffroy, sans Dounia Bouzar, sans Tariq Ramadan, sans Abdennour Bidar, ni Abdelaziz Chambi, ni Farid Abdelkrim, ni même Mamadou Daffé ou Cheikh Zakaria Seddiki... Bref, un CFCM sans pensée de France, sinon de bigoteries puériles qui finissent par agacer. L'islam de France mérite mieux !

Réformer ce CFCM ? Non : il faut le refonder. C'est à ses fondations qu'il a mal. Un coup de peinture sur ses murs ne suffit pas. Il faut arrêter de travestir les mosquées en QG de campagne, d'encourager les mosquées-cathédrales, de jurer par les petits fours de l'Élysée et les makrout du bled. Il faut en tomber les murs de ce CFCM pour laisser souffler l'islam de France, qui, on le sait, à moins d'être hypocrite, se vit dans les mosquées et hors des mosquées. C'est alors que les pères fondateurs auront fait œuvre utile et qu'ils trouveront grâce à nos yeux.




Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



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