Saphirnews.com : Charlie hebdo est-il allé trop loin en publiant ces caricatures ?
Oui. Ils cherchaient la provocation et ils ont eu exactement ce qu’ils voulaient, une réaction de musulmans qui allaient les attaquer, pour se présenter comme les défenseurs de la liberté. Il faut savoir que même Philippe Val n’a pas hésité, pour des questions qui touchaient sa rédaction, à intervenir pour qu’un livre ne soit pas publié. Que Caroline Fourest (NDLR : journaliste à Charlie Hebdo), grand défenseur de la liberté d’expression devant l’Eternel (sic), est quant même allée jusqu’en Grèce pour demander que la parole me soit interdite (NDLR : au forum social européen). Ils ont donc une liberté d’expression sélective.
Quel est l’enjeu de ce procès pour les musulmans de France ?
Aucun. Je crois que c’est un procès qui est devenu électoral et électoraliste dont Charlie Hebdo veut faire une tribune pour se présenter comme le défenseur de la liberté d’expression face à l’obscurantisme. Ils ont d’ailleurs déjà gagné symboliquement ce procès. Ils l’ont gagné médiatiquement, et financièrement, ils vont récolter pas mal d’argent par les ventes qu’ils vont en faire. Pour nous, il y a eu un acte citoyen de les poursuivre en justice, mais je ne crois pas qu’il y ait grand chose à gagner au terme de ce procès.
Une question est de savoir si on peut opposer deux libertés : la liberté d’expression et la liberté de conscience ?
Non. Le vrai débat n’est pas entre ceux qui défendent la liberté d’expression et ceux qui défendent la liberté de conscience. C'est vers ce schéma que Philippe Val et Charlie Hebdo aimeraient nous mener. Le vrai débat est entre démocrates, entre ceux qui disent uniquement, la démocratie c’est le droit et on fait ce qu’on veut avec ce droit, et ceux qui disent, non, la démocratie c’est le droit et la civilité, on fait attention à ce qu’on dit et on ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Et surtout, on n’a pas de rapport sélectif au droit. Car certains défendent un certain type de rapport au droit. Ils ne critiqueront jamais la souffrance du peuple juif, par exemple, parce qu’ils savent que c’est légal mais que cela ne se fait pas. Par contre, ils pourront critiquer le sacré de certaines personnes, car nous sommes dans une atmosphère qui le permet. Le vrai débat est donc : de quelle type de liberté d’expression parlons-nous. Je pense que cette liberté ne doit pas être sélective et doit être digne pour tous.