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Société

Contre la violence faite aux femmes : Diam's, ambassadrice des femmes de foi ?

Interview de Mehrezia Labidi-Maïza*

Rédigé par Leïla Belghiti | Mercredi 25 Novembre 2009 à 00:55

           

« Non à la violence contre les femmes, et restaurer la dignité » : tel est le leitmotiv du Réseau Global Women of Faith de Religions for Peace, la plus importante coalition multiconfessionnelle, qui s'unit à l'UNIFEM (Fonds de développement des Nations unies pour la femme) dans une importante campagne de sensibilisation. Mehrezia Labidi-Maïza* est une des figures incontournables de la branche féminine de Religions for Peace. Entretien avec une femme de conviction, à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.



L'actrice australienne Nicole Kidman est ambassadrice de bonne volonté de l'UNIFEM (Fonds de développement des Nations unies pour la femme), pour dénoncer les violences faites aux femmes dans le monde.
L'actrice australienne Nicole Kidman est ambassadrice de bonne volonté de l'UNIFEM (Fonds de développement des Nations unies pour la femme), pour dénoncer les violences faites aux femmes dans le monde.

Saphirnews : Qu'est-ce que le Réseau international des femmes croyantes pour la paix ?

Mehrezia Labidi-Maiza : C’est une branche de Religions for peace, qui existe maintenant depuis plus de dix ans et qui rassemble des femmes de tous horizons spirituels, sur les cinq continents. Global Woman of Faith Network (Réseau international des femmes croyantes pour la paix) a pour ambition de promouvoir la paix dans le monde, à travers de multiples moyens d’actions.
En tant que femmes et croyantes, nous avons un immense rôle à jouer, car témoigner de sa foi, ce n’est pas uniquement la manière de s’habiller, de manger ou de faire ses prières ! C’est surtout être une voix pour la justice !

Aujourd'hui, 25 novembre, a lieu la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Quelle justice pour ces femmes ?

M. L.-M. : Notre réseau est très impliqué dans cette question. Nous menons actuellement en Europe, mais aussi en Afrique et ailleurs dans le monde, un vaste programme de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous avons été plus loin et l’avons intitulé « Restoring dignity » (« Restaurer la dignité ») : lorsqu’on laisse toute une partie de l’humanité victime de maltraitance et de violences, n’est-ce pas porter atteinte à la dignité humaine ?

Est-ce à dire que les religions peuvent contribuer à l'amélioration de la condition des femmes ?

M. L.-M. : Évidemment ! Vous savez, les religions sont le réseau humain le plus dense, le plus riche et le plus propice aux interactions humaines. Et pour lutter contre les violences faites aux femmes, en tant que femmes croyantes, nous utilisons notre patrimoine religieux.
Le réseau est composé de toutes les spiritualités (sikh, hindoue, chrétienne, musulmane, etc.), et nous reprenons les citations qui prouvent que « la religion est un message de paix ».
Il faut amener les gens à mieux connaître leur religion, car la violence vient aussi de traditions culturelles néfastes et d'une mauvaise compréhension de la religion. Nous voulons dire aux femmes qu’au nom de leur spiritualité elles peuvent dire « Non ! » à la violence.

Cela nécessite un titanesque travail pédagogique...

M. L.-M. : Oui. Les beaux discours, on peut certes en trouver. Le véritable défi, c’est l’éducation.
En ce sens, nous appuyons notre démarche en utilisant des exemples de femmes et d’hommes qui luttent, à l’instar de Monseigneur Oneika au Niger et le grand mufti d’Ouganda, qui vont tous deux visiter des villages, des femmes et hommes, imams, curés, pour mettre en garde contre les violences faites aux femmes.
Personnellement, j’ai lancé un appel aux imams de France pour les inviter à en parler davantage dans les prêches du vendredi, par exemple. J’ai également été voir le curé de mon quartier, qui a beaucoup apprécié l’initiative. Il est urgent de sensibiliser la population sur la question de la femme, par tous les moyens.

Y a-t-il des populations plus touchées que d’autres ?

M. L.-M. : Les violences faites aux femmes sont vieilles comme le monde et traversent les cultures et les classes sociales, et elles sont multiples : violences physiques, violences psychologiques, xénophobie...
Les réseaux de prostitutions en Europe centrale sont aussi, parmi tant d’autres exemples, une forme terrible de violence contre laquelle il faut lutter. Nous nous mobilisons contre toutes les violences et nous appelons à ce que les lois existantes soient scrupuleusement appliquées et qu’il y ait plus de lois notamment dans les pays en conflit ou post-conflits, où les femmes se retrouvent doublement en danger.

On parle actuellement en France de « bracelets électroniques » pour les maris violents, qu’en pensez-vous ?

M. L.-M. : Vendredi, une jeune femme (à Meaux, ndlr) a été brûlée vive par son mari, qui l’a aspergée d’essence : c’est affreux ! J’espère que la sanction sera exemplaire...
Je dirais que le bracelet peut être une solution − mais provisoire seulement − pour sauver une femme en danger dans l’immédiat.
La violence est synonyme d’incapacité à résoudre un conflit : être violent, c’est une pathologie.
Le vrai travail porte sur l’éducation et on ne peut avancer si les hommes ne s’impliquent pas. C’est un combat perpétuel, et les traditions religieuses peuvent indéniablement diffuser un apport positif et catalysant.
Nous apportons également notre expertise à diverses organisations internationales et gouvernementales.

Que pensez-vous des actions menées par le mouvement Ni putes ni soumises ?

M. L.-M. : C’est une organisation qui essaie d’agir, et je respecte leur engagement.
Cela dit, j’aimerais que les porte-parole de ces associations cessent d’amalgamer violences subies par les femmes et religion. Leur méthode est tout sauf productive, car il y a beaucoup d’exagérations et de simplifications.
Entretenir un discours anti-religieux tous azimuts dessert la cause féminine. Je suis pour l’agir ensemble plutôt que les uns contre les autres.
J’ai été très étonnée d’entendre la présidente de l’association (Siham Habchi, ndlr) dire lors, d’une émission télévisée, que Diam’s, par sa conversion, se désolidarisait de la cause des femmes. Cela n’est pas lutter pour la dignité de la femme. C’est son choix, il est à respecter. Je dirais même que lorsqu’on se reconnaît dans une foi, on est encore plus engagé !
J’en profite pour lancer aujourd’hui une invitation à Diam’s : c’est avec plaisir que nous la verrions ambassadrice du Global Woman of Faith Network !



* Diplômée de l'École normale supérieure, traductrice-interprète, Mehrezia Labidi-Maïza est coordinatrice du Global Women of Faith Network et co-présidente de Religions for peace , un réseau qui comprend un Conseil mondial de dirigeants religieux de haut niveau issus de toutes les régions du monde, qu'elle a rejoint en 1996.

Voir aussi le site du ministère www.stop-violences-femmes.gouv.fr , qui fait témoigner des femmes victimes de violences, donne des renseignements juridiques et les numéros d'urgence.





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