Dans la tourmente des révolutions arabes, certains États sous tension (la Syrie en donne un triste exemple) utilise comme il se doit l’épouvantail de « l’ennemi étranger » afin de défendre tant bien que mal une légitimité mise en lambeaux par la torture et la répression.
Historiquement, la peur en Occident prenait le visage conjoint de la peste et de l’islamité : au XVe siècle, la quarantaine était la période de 40 jours imposés par les autorités vénitiennes à tous les voyageurs en provenance des pays musulmans. Ce système de protection contre la peste s’est imposé dès le XIVe siècle à partir des ports (Raguse, Marseille). Ce système, selon Bernard Lewis, a été légitimé du fait des disparités croissantes en termes de santé et d’hygiène. Cet isolement était vécu par les Occidentaux comme un spectacle permettant d’observer les musulmans dans leurs « exoticité ».
En Occident, la peste comme le terrorisme aujourd’hui est symbolisé par la figure de l’altérité islamique (l’Empire ottoman, symbolisé par le pavillon jaune). En terre d’Islam, une logique identique est à l’œuvre afin de stigmatiser les logiques d’altérité ou de dissidence.
Historiquement, la peur en Occident prenait le visage conjoint de la peste et de l’islamité : au XVe siècle, la quarantaine était la période de 40 jours imposés par les autorités vénitiennes à tous les voyageurs en provenance des pays musulmans. Ce système de protection contre la peste s’est imposé dès le XIVe siècle à partir des ports (Raguse, Marseille). Ce système, selon Bernard Lewis, a été légitimé du fait des disparités croissantes en termes de santé et d’hygiène. Cet isolement était vécu par les Occidentaux comme un spectacle permettant d’observer les musulmans dans leurs « exoticité ».
En Occident, la peste comme le terrorisme aujourd’hui est symbolisé par la figure de l’altérité islamique (l’Empire ottoman, symbolisé par le pavillon jaune). En terre d’Islam, une logique identique est à l’œuvre afin de stigmatiser les logiques d’altérité ou de dissidence.
Du panislamisme au panturquisme
L’origine peut être située à mon sens avec la politique panislamique du sultan ottoman Abdul-Hamid II (1878-1909). En 1878, Abdul-Hamid II, porté au pouvoir par les partisans de l’occidentalisation, inaugure un règne de 30 ans. Son régime est marqué par la suspension de la promulgation de la Constitution, et débute par le renvoi sine die du Parlement. Durant près de 30 ans (1879-1909), le sultan organise un panislamisme d’État qui vise à rénover les liens d’allégeances avec les différentes parties de l’Empire sous le vocable de la solidarité panislamique de l’oumma (communauté des croyants musulmans).
Cette idéologie qui vise à remettre en question l’occidentalisation n’a pour autant pas les moyens de sa politique, car l’Empire est sous la dépendance financière de l’Occident avec, notamment, le rôle de la Banque ottomane (banque franco-anglaise fondée en 1863). Cette soumission financière est institutionnalisée par le décret de Muharrem (20 déc. 1881) qui institue une gouvernance financière occidentale pourvoyeuse des financements et percevant certains revenus de l’État ottoman.
Cette colonisation économique organisée pour les bénéfices de différentes puissances étrangères (entreprises anglaises, françaises, allemandes, autrichiennes, belges) structurent la mise en place de véritables monopoles occidentaux dans la vie économique avec obtention de concession des principaux services. Ainsi, les Allemands détiennent la concession du chemin de fer de Bagdad et l’exploitation des gisements pétrolifères (Turkish Petroleum Company).
Paradoxe apparent, l’accroissement de l’influence occidentale accentue une volonté impériale d’organiser un ordre panislamique de type autoritaire et exclusiviste, qui se traduit par une politique systématique d’oppression envers les minorités (massacres envers les Arméniens de 1894 et de 1896).
Cette politique de l’identité marque durablement le champ politique et intellectuel jusqu’à être perpétuée de manière sanglante par l’opposition au sultan (Les Jeunes-Turcs du comité Union et Progrès), qui, dès leur prise de pouvoir en 1909, continue ce modèle idéologique de l’identité non plus par le panislamisme mais par le panturquisme, qui se préoccupe de regrouper dans une seule communauté toutes les populations turques. La traduction politique de ce mouvement fut le soutien sans faille à l’Allemagne pendant la guerre de 1914-1918 et en interne le génocide arménien.
Cette réduction de l’identité va encourager les penseurs arabes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (Abduh, Rida) à définir une idéologie « arabo-islamique » censée reprendre le panislamisme antérieur, en lui donnant une identité exclusivement arabe.
Cette idéologie qui vise à remettre en question l’occidentalisation n’a pour autant pas les moyens de sa politique, car l’Empire est sous la dépendance financière de l’Occident avec, notamment, le rôle de la Banque ottomane (banque franco-anglaise fondée en 1863). Cette soumission financière est institutionnalisée par le décret de Muharrem (20 déc. 1881) qui institue une gouvernance financière occidentale pourvoyeuse des financements et percevant certains revenus de l’État ottoman.
Cette colonisation économique organisée pour les bénéfices de différentes puissances étrangères (entreprises anglaises, françaises, allemandes, autrichiennes, belges) structurent la mise en place de véritables monopoles occidentaux dans la vie économique avec obtention de concession des principaux services. Ainsi, les Allemands détiennent la concession du chemin de fer de Bagdad et l’exploitation des gisements pétrolifères (Turkish Petroleum Company).
Paradoxe apparent, l’accroissement de l’influence occidentale accentue une volonté impériale d’organiser un ordre panislamique de type autoritaire et exclusiviste, qui se traduit par une politique systématique d’oppression envers les minorités (massacres envers les Arméniens de 1894 et de 1896).
Cette politique de l’identité marque durablement le champ politique et intellectuel jusqu’à être perpétuée de manière sanglante par l’opposition au sultan (Les Jeunes-Turcs du comité Union et Progrès), qui, dès leur prise de pouvoir en 1909, continue ce modèle idéologique de l’identité non plus par le panislamisme mais par le panturquisme, qui se préoccupe de regrouper dans une seule communauté toutes les populations turques. La traduction politique de ce mouvement fut le soutien sans faille à l’Allemagne pendant la guerre de 1914-1918 et en interne le génocide arménien.
Cette réduction de l’identité va encourager les penseurs arabes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (Abduh, Rida) à définir une idéologie « arabo-islamique » censée reprendre le panislamisme antérieur, en lui donnant une identité exclusivement arabe.
La construction idéologique du modèle islamo-nationaliste
À partir des années 1920, les mouvements nationalistes font de l’authenticité et de l’identité les armes de l’émancipation vis-à-vis de la domination occidentale.
À l’aune de cette archéologie historique, l’accession à l’indépendance dans les années 1950 et 1960 constituera non pas la fin de du langage de l’identité mais sa reconversion dans le cadre interne d’une lutte pour le pouvoir.
« La nation », « l’islam » « la langue arabe » sont les tryptiques discursifs d’une nouvelle orthodoxie organisée afin de définir un ordre social et politique. Construction idéologique dont le modèle islamo-nationaliste est la quintessence.
Les différentes guerres israélo-arabes, les échecs des différents régimes en termes économiques et sociaux, la crise de légitimation de pouvoirs par nature policiers, la montée de contestations politiques (islamistes, autonomistes) : toutes ces raisons expliquent la rigidification d’un certain langage de l’identité ; langage instrumentalisé par les États autoritaires en place pour pérenniser une rente menacée par les mouvements de l’Histoire.
Dans ce parcours des représentations, il est important de venir à l’idée de l’« Occident » construite par les pays arabes à partir des années 1960.
De manière contemporaine, l’« Occident » et « Israël » sont le binôme explicatif des malheurs arabes. Des entités interchangeables utilisables ad nauseam pour définir et construire des paramètres lisibles pour l’« homme de la rue arabe ».
La construction des identités générales reprise dans les journaux et les discours érudits ou politiques est symptomatique de la manière de situer les problèmes analysés uniquement par le prisme global de la confusion. Confusion activée de manière explicite par des États gouvernés d’abord par la volonté de préservation. Comme moyen de consolider l’idéologie de l’Un face à l’Occident, aux juifs, aux femmes, aux minorités non arabes, non musulmanes.
À l’aune de cette archéologie historique, l’accession à l’indépendance dans les années 1950 et 1960 constituera non pas la fin de du langage de l’identité mais sa reconversion dans le cadre interne d’une lutte pour le pouvoir.
« La nation », « l’islam » « la langue arabe » sont les tryptiques discursifs d’une nouvelle orthodoxie organisée afin de définir un ordre social et politique. Construction idéologique dont le modèle islamo-nationaliste est la quintessence.
Les différentes guerres israélo-arabes, les échecs des différents régimes en termes économiques et sociaux, la crise de légitimation de pouvoirs par nature policiers, la montée de contestations politiques (islamistes, autonomistes) : toutes ces raisons expliquent la rigidification d’un certain langage de l’identité ; langage instrumentalisé par les États autoritaires en place pour pérenniser une rente menacée par les mouvements de l’Histoire.
Dans ce parcours des représentations, il est important de venir à l’idée de l’« Occident » construite par les pays arabes à partir des années 1960.
De manière contemporaine, l’« Occident » et « Israël » sont le binôme explicatif des malheurs arabes. Des entités interchangeables utilisables ad nauseam pour définir et construire des paramètres lisibles pour l’« homme de la rue arabe ».
La construction des identités générales reprise dans les journaux et les discours érudits ou politiques est symptomatique de la manière de situer les problèmes analysés uniquement par le prisme global de la confusion. Confusion activée de manière explicite par des États gouvernés d’abord par la volonté de préservation. Comme moyen de consolider l’idéologie de l’Un face à l’Occident, aux juifs, aux femmes, aux minorités non arabes, non musulmanes.
L’« Occident », source fantasmatique et explicatif universel
L’Occident est à la fois un choix réaliste de politique étrangère et un repoussoir commode visant à produire du consensus culturel à une population mise sous tutelle des pouvoirs militaires et policiers. L’« Occident » est une identité polymorphe utilisée selon les aléas et les contextes, les intérêts et les échecs internes. Il est la source fantasmatique des maux intérieurs (corruptions, relâchements des mœurs, homosexualités) et l’explicatif universel des échecs extérieurs (guerres israélo-arabes, alliance israélo-américaine).
Plus l’État arabe perd en autonomie stratégique vis-à-vis de l’Occident, et en particulier des États-Unis, plus il est tenté de produire un anti-occidentalisme, antisémite de commande, apte à donner un cadre d’union nationale dépolitisée à une société sous domination.
Par conséquent, l’« Occident » est une massue idéologique utilisée pour asservir la société civile et délégitimer ses aspirations. Il vise à resserrer les liens d’allégeances inégalitaires entre le Prince et les sujets, au nom d’une conception dévoyée du nationalisme arabe.
La volonté de produire des boucs émissaires extérieurs permet de favoriser une idéologie du ressentiment, dont les multiples métastases sont le militarisme, le terrorisme, le radicalisme religieux. Tous ces fléaux participent d’un modèle paranoïaque, dont le conspirationnisme n’est que la face explicite. La généralisation par amalgame permet d’homogénéiser des réalités sociales et politiques différentes pour valider une thèse, dont les fondements se constituent de faits non réels mais pris comme preuve.
Ainsi, chaque élément de l’actualité devient un moyen de confirmation du complot forcément exogène : occidental ou israélien.
Plus l’État arabe perd en autonomie stratégique vis-à-vis de l’Occident, et en particulier des États-Unis, plus il est tenté de produire un anti-occidentalisme, antisémite de commande, apte à donner un cadre d’union nationale dépolitisée à une société sous domination.
Par conséquent, l’« Occident » est une massue idéologique utilisée pour asservir la société civile et délégitimer ses aspirations. Il vise à resserrer les liens d’allégeances inégalitaires entre le Prince et les sujets, au nom d’une conception dévoyée du nationalisme arabe.
La volonté de produire des boucs émissaires extérieurs permet de favoriser une idéologie du ressentiment, dont les multiples métastases sont le militarisme, le terrorisme, le radicalisme religieux. Tous ces fléaux participent d’un modèle paranoïaque, dont le conspirationnisme n’est que la face explicite. La généralisation par amalgame permet d’homogénéiser des réalités sociales et politiques différentes pour valider une thèse, dont les fondements se constituent de faits non réels mais pris comme preuve.
Ainsi, chaque élément de l’actualité devient un moyen de confirmation du complot forcément exogène : occidental ou israélien.
La peur de l’Autre, outil de légitimation des politiques sécuritaires
Dans cette époque anxiogène se construit un nouveau type de récit sur l’Autre : fait de mise en jeu de peur profonde, de faits divers et de focalisations médiatiques. La peur devient le maître mot, l’outil de légitimation des pratiques politiques et sécuritaires.
Dans ce contexte, les conséquences du 11-Septembre ont marqué un tournant majeur. L’Occident prend l’aspect protéiforme de différentes figures (le dissident politique, l’Américain, l’Israélien, l’homosexuel, la femme). De fait, sa diabolisation s’inscrit dans cette volonté de fixer par l’antagonisme le caractère monosémique de l’identité « arabo-islamique ».
Ainsi, l’ennemi est celui qui se déplace de l’extérieur vers l’intérieur ou celui qui agit depuis l’intérieur où il est infiltré. C’est dire combien, à travers les formations discursives, l’ennemi intérieur n’est pas directement identifiable. Il est une figure de l’indétermination dont les contours sont flous et une figure qui est construit catégoriellement dans cet « intérieur » dans lequel il est censé agir. Dans cette crise des lieux d’appartenances se conjuguent une série de rejets structurés autour du langage de l’identité.
À partir de la politisation de cette peur le récit autour de l’Autre (l’étranger, l’Occidental, le dissident) fait de la source policière, la matière du récit journalistique et enfin du discours politique. La haine et l’emballement sont les produits de cette machine infernale qui déréalise dramatiquement l’Autre : enclenchant les mécanismes de généralisation des stéréotypes et des représentations.
Les silences et les non-dits des États autoritaires produisent un discours officieux construits sur la censure étatique. Ceux-ci peuvent utiliser ces rumeurs pour matérialiser à bon compte l’ennemi extérieur. Il existe une véritable « islamisation » des problèmes intérieurs vue à partir de catégories ethnoculturelles dépolitisé et sur-idéologisé.
Les États en peine de légitimité veulent concurrencer, par l’accentuation du thème de l’arabité, différents discours sur l’identité islamique. Ainsi, l’islamocentrisme d’État de l’Arabie Saoudite, qui récuse toute démarche séculariste et aspire à renouveler les paramètres classiques du panislamisme dans une version intégraliste et théocentriste. Cette vision légitimée par des théologiens (par exemple, Ibn Baz, décédé en 1999) s’articule en étroite adéquation avec le pouvoir d’État, dont il relève en termes de fonction et de légitimité. Marqué par un accord global de coopération avec les États-Unis, l’Arabie Saoudite tend à produire une idéologie de la séparation ontologiquement opposée à ses propres intérêts de Real Politik.
Dans ce contexte, les conséquences du 11-Septembre ont marqué un tournant majeur. L’Occident prend l’aspect protéiforme de différentes figures (le dissident politique, l’Américain, l’Israélien, l’homosexuel, la femme). De fait, sa diabolisation s’inscrit dans cette volonté de fixer par l’antagonisme le caractère monosémique de l’identité « arabo-islamique ».
Ainsi, l’ennemi est celui qui se déplace de l’extérieur vers l’intérieur ou celui qui agit depuis l’intérieur où il est infiltré. C’est dire combien, à travers les formations discursives, l’ennemi intérieur n’est pas directement identifiable. Il est une figure de l’indétermination dont les contours sont flous et une figure qui est construit catégoriellement dans cet « intérieur » dans lequel il est censé agir. Dans cette crise des lieux d’appartenances se conjuguent une série de rejets structurés autour du langage de l’identité.
À partir de la politisation de cette peur le récit autour de l’Autre (l’étranger, l’Occidental, le dissident) fait de la source policière, la matière du récit journalistique et enfin du discours politique. La haine et l’emballement sont les produits de cette machine infernale qui déréalise dramatiquement l’Autre : enclenchant les mécanismes de généralisation des stéréotypes et des représentations.
Les silences et les non-dits des États autoritaires produisent un discours officieux construits sur la censure étatique. Ceux-ci peuvent utiliser ces rumeurs pour matérialiser à bon compte l’ennemi extérieur. Il existe une véritable « islamisation » des problèmes intérieurs vue à partir de catégories ethnoculturelles dépolitisé et sur-idéologisé.
Les États en peine de légitimité veulent concurrencer, par l’accentuation du thème de l’arabité, différents discours sur l’identité islamique. Ainsi, l’islamocentrisme d’État de l’Arabie Saoudite, qui récuse toute démarche séculariste et aspire à renouveler les paramètres classiques du panislamisme dans une version intégraliste et théocentriste. Cette vision légitimée par des théologiens (par exemple, Ibn Baz, décédé en 1999) s’articule en étroite adéquation avec le pouvoir d’État, dont il relève en termes de fonction et de légitimité. Marqué par un accord global de coopération avec les États-Unis, l’Arabie Saoudite tend à produire une idéologie de la séparation ontologiquement opposée à ses propres intérêts de Real Politik.
Un nouveau discours théocentriste qui légitime les pouvoirs en place
La théologisation de l’identité est néanmoins indexé aux intérêts bien compris de la dynastie saoudienne. On peut le voir dans les années 1980 avec le conflit d’Afghanistan et le conflit au Yémen : le théologien Ibn Bâz décréta que le jihâd en Afghanistan contre les communistes est une obligation individuelle, tout en appuyant ceux-ci contre le régime en place au Yémen (Majmoû’ Al Fatâwâ, volume 5, page 151 ; Majmoû’ Al Fatâwâ, volume 5, page 251).
Même équilibre subtil avec la question israélo-palestinienne, qui a poussé le théologien à différentes variations afin de concilier les logiques contradictoires de la raison d’État et de la raison religieuse : versant dans un jihadisme sans complexes :
« Je vois qu’il n’est pas possible de sortir de ce problème sans en tenir compte d’un point de vue islamique, il faut que les musulmans s’épaulent mutuellement pour la libération. Et le jihad contre les juifs est un jihad islamique ; jusqu’à ce que la terre revienne à son propriétaire, et que les juifs retournent dans les pays desquels ils sont venus. » Avant de modérer de manière radicale son propos à mesure que le processus de paix de 1993 s’accélérait : « Nous enjoignons tous les Palestiniens à s’accorder sur la paix, et à s’entraider dans le bien et la piété, la préservation du sang et l’union autour de la parole véridique, pour renverser les ennemis cherchant à diviser et séparer. » (Majmoû‘ Fatâwâ, volume 1, page 277 ; Majmoû‘ Fatâwâ, volume 8, page 215.)
Dans ce cas, il vise comme les États séculiers arabes à définir un espace social originel dont la frontière idéale s’organiserait de manière binaire entre la société musulmane « pure » et la société mécréante « impure ». Cette mise en frontière est conçue doublement en interne et en externe : entre musulmans et non-musulmans ; musulmans pratiquants et musulmans non pratiquants ; musulmans rigoristes et musulmans libéraux.
Dans ce cadre, l’identité arabe n’est plus considérée comme un cadre pertinent, car elle s’est traduite par un processus généralisé de déculturation lié à l’occidentalisation ; il faudrait, au contraire, pour cette idéologie théologiser définitivement l’identité islamique, en l’expurgeant de toute référence nationale ou étatique.
Comme nous le voyons, l’« identité » est un objet d’instrumentalisation, qui, pour tout État en mal d’assises, permet de retrouver une fonction tribunicienne : fonction mise en question par l’alliance structurelle avec l’Occident.
Dans le dernier espace de production de cette idéologie du ressentiment, il ne faudrait pas oublier la critique de la démocratie vue comme un modèle exogène associé de cette manière avec l’Occident et les péchés qui le caractériseraient. Un nouveau discours théocentriste est mis en place, organisé autour de thèmes d’exclusion (taghout ; celui qui adore un autre que Dieu ; chirk : celui qui associe Dieu à d’autres divinités). Pour le théologien néowahabite Abou Mouhammah ‘Âçim Al Maqdissî, la démocratie est « un terme grec et non arabe » : une religion qui est, à ses yeux, par essence impie et dangereuse ; tous ceux qui la suivraient ne sont pour lui que « des seigneurs législateurs ou des suiveurs qui les adorent ».
Par le moyen de la critique de l’identité occidentale, le concept « arabo-islamique » s’est construit comme un système alternatif d’opposition et d’identification : ce qui était concevable en période de lutte pour l’émancipation s’est peu à peu transformé en idéologie d’État à partir des années 1960 et 1970 ; légitimée au gré des intérêts des pouvoirs en place.
* Nasser Suleiman Gabryel est chercheur en sociologie politique et chargé de cours à l’université de Mohammedia – Faculté polydisciplinaire d’El Jadida (Maroc).
Même équilibre subtil avec la question israélo-palestinienne, qui a poussé le théologien à différentes variations afin de concilier les logiques contradictoires de la raison d’État et de la raison religieuse : versant dans un jihadisme sans complexes :
« Je vois qu’il n’est pas possible de sortir de ce problème sans en tenir compte d’un point de vue islamique, il faut que les musulmans s’épaulent mutuellement pour la libération. Et le jihad contre les juifs est un jihad islamique ; jusqu’à ce que la terre revienne à son propriétaire, et que les juifs retournent dans les pays desquels ils sont venus. » Avant de modérer de manière radicale son propos à mesure que le processus de paix de 1993 s’accélérait : « Nous enjoignons tous les Palestiniens à s’accorder sur la paix, et à s’entraider dans le bien et la piété, la préservation du sang et l’union autour de la parole véridique, pour renverser les ennemis cherchant à diviser et séparer. » (Majmoû‘ Fatâwâ, volume 1, page 277 ; Majmoû‘ Fatâwâ, volume 8, page 215.)
Dans ce cas, il vise comme les États séculiers arabes à définir un espace social originel dont la frontière idéale s’organiserait de manière binaire entre la société musulmane « pure » et la société mécréante « impure ». Cette mise en frontière est conçue doublement en interne et en externe : entre musulmans et non-musulmans ; musulmans pratiquants et musulmans non pratiquants ; musulmans rigoristes et musulmans libéraux.
Dans ce cadre, l’identité arabe n’est plus considérée comme un cadre pertinent, car elle s’est traduite par un processus généralisé de déculturation lié à l’occidentalisation ; il faudrait, au contraire, pour cette idéologie théologiser définitivement l’identité islamique, en l’expurgeant de toute référence nationale ou étatique.
Comme nous le voyons, l’« identité » est un objet d’instrumentalisation, qui, pour tout État en mal d’assises, permet de retrouver une fonction tribunicienne : fonction mise en question par l’alliance structurelle avec l’Occident.
Dans le dernier espace de production de cette idéologie du ressentiment, il ne faudrait pas oublier la critique de la démocratie vue comme un modèle exogène associé de cette manière avec l’Occident et les péchés qui le caractériseraient. Un nouveau discours théocentriste est mis en place, organisé autour de thèmes d’exclusion (taghout ; celui qui adore un autre que Dieu ; chirk : celui qui associe Dieu à d’autres divinités). Pour le théologien néowahabite Abou Mouhammah ‘Âçim Al Maqdissî, la démocratie est « un terme grec et non arabe » : une religion qui est, à ses yeux, par essence impie et dangereuse ; tous ceux qui la suivraient ne sont pour lui que « des seigneurs législateurs ou des suiveurs qui les adorent ».
Par le moyen de la critique de l’identité occidentale, le concept « arabo-islamique » s’est construit comme un système alternatif d’opposition et d’identification : ce qui était concevable en période de lutte pour l’émancipation s’est peu à peu transformé en idéologie d’État à partir des années 1960 et 1970 ; légitimée au gré des intérêts des pouvoirs en place.
* Nasser Suleiman Gabryel est chercheur en sociologie politique et chargé de cours à l’université de Mohammedia – Faculté polydisciplinaire d’El Jadida (Maroc).