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Finance éthique

De l'économie à la finance islamique : itinéraire de l'ajustement d'un produit identitaire à la globalisation libérale

Par Khaled Sor*

Rédigé par Khaled Sor | Lundi 23 Avril 2012 à 18:46

           


« L’économie islamique », notion profondément moderne née dans les années 1940, s’est, au cours des ans, profondément modifiée.

Elle a d’abord fonctionné dans une perspective identitaire : adossée à une vision de l’islam comme système globalisant, elle se voulait troisième voie, alternative aux autres paradigmes économiques dominants, le capitalisme libéral et le communisme.

Pourtant, la réflexion sur l’économie islamique traça moins une troisième voie qu’elle n’oscilla entre les deux paradigmes qu’elle entendait au départ dépasser avant de rallier progressivement les réseaux et les credos de la globalisation libérale.

En effet, si elle se caractérise par son indétermination politique (elle peut s’ancrer à gauche comme à droite), le premier moment « socialisant » de l’économie islamique (dans les années 1950 et 1960), plutôt narratif et théologico-philosophique, va céder la place, dès les années 1970, à la finance islamique, savoir technique et modélisable plus à même de se fondre dans la mondialisation financière. Il est aussi beaucoup plus en phase avec ses nouveaux promoteurs : les institutions de finance sharia compliant qui se développent à cette époque dans les pays du Golfe.

Ces institutions vont arracher l’économie islamique à sa matrice militante initiale et imposer son virage à droite. Ce ne sont plus des idéologues, mais un corps de spécialistes, techniciens et « oulémas de la finance », qui vont contribuer à la diffusion des pratiques bancaires légitimées par la référence à l’islam et assurer leur intégration dans les circuits de la finance internationale.

Dans ce nouveau cadre, la finance intègre non seulement les institutions du marché, mais se laisse également infuser par sa « culture » (le management, le culte de la réussite, la valorisation de l’enrichissement). Elle perd de sa verve identitaire initiale et vise au final moins l’alternative globale que la création d’une niche dans une économie capitaliste libérale acceptée dans ses fondements. En conséquence, elle devient acceptable, y compris pour des non-musulmans.

Et de fait, avec la crise financière de 2008, l’acceptabilité tourne à l’engouement. La droite française n’avait aucun problème à allier frondes identitaires contre hijab et autres « burka » et bienveillance pour les différents produits mis sur le marché par les opérateurs de la finance islamique.

Dans le monde de la finance, l’islam n’est plus perçu en termes identitaires, mais dans une vision pragmatique, à savoir un secteur marqué par un fort potentiel de croissance et une capacité, par sa prohibition notamment de la spéculation et de l’intérêt, à moraliser un capitalisme financier très critiqué pour ses dérives.

Un demi-siècle après sa naissance, l’économie – devenue finance – islamique est désormais inscrite dans une démarche très éloignée du contexte et de l’esprit contestataire animant les pères fondateurs.

Pourtant, si la finance islamique se réconcilie aujourd’hui avec une certaine globalisation, cet alignement idéologique se fait aussi au détriment d’une véritable réflexion sur la justice sociale, objectif central pour les pionniers de l’économie islamique, mais largement passé à la trappe de sa « normalisation ».

Pour lire la suite complète de l'étude de Khaled Sor, in Etudes et analyses de Religioscope, n° 25, avril 2012, cliquer ici


* Économiste (Université de Mons) et anthropologue (Université catholique de Louvain) en Belgique, Khaled Sor possède un diplôme en finance islamique de la CISI (The Carhtered Institute for Securitites & Investment UK) en Angleterre. il a notamment participé à l'ouvrage Discours musulmans contemporains (Éd. Académia), sous la direction du professeur F. Dassetto.






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