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Société

Défenseur des droits : quel soutien pour musulmans discriminés ?

La lutte contre les abus policiers, un cheval de bataille

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Lundi 9 Septembre 2013 à 08:55

           

Le rapport annuel 2012 du Défenseur des droits a été remis au président de la République le 2 septembre. Si l’origine reste un facteur de discrimination important, de nombreuses bavures policières ont été constatées alors que le ministère de l’Intérieur a mis au placard la mesure du récépissé remis en cas de contrôle d’identité. Le facteur religieux est en revanche un des moins signifiants à l'heure où les actes islamophobes continuent leur inexorable progression.



Défenseur des droits : quel soutien pour musulmans discriminés ?
RIP la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), le Défenseur des enfants, le médiateur de la République et le CNDS. Depuis juin 2011, place au Défenseur des droits, l’institution incarnée par Dominique Baudis, à la notoriété grandissante. Tout citoyen désireux de faire respecter ses droits est appelé à le saisir s’il estime être touché par une injustice. Le 2 septembre, le Défenseur des droits a remis à François Hollande son rapport annuel portant sur l’année 2012 [plus bas]. Un rapport qui retrace son activité au long de sa première « année pleine ».

La société, affaiblie par une crise économique durable, exclut toujours plus de citoyens. « C’est par exemple une femme de plus de 90 ans "mise à la porte" de sa maison de retraite, ou bien une enfant de 5 ans "exclue" de la cantine scolaire sous les yeux de ses camarades. C’est aussi le cas de cette famille pauvre à laquelle il a été demandé de quitter un espace culturel car sa présence gênait les autres visiteurs », cite, en préambule du rapport, Dominique Baudis.

Un quart des dossiers liés aux bavures policières

Au total, en 2012, le Défenseur des Droits a reçu plus de 100 000 demandes d’intervention ou de conseils, dont 82 416 dossiers de réclamations représentant plus de 90 000 réclamants et 31 116 appels. Autant de monde qui n’ont pas hésité à faire valoir leurs droits.

Dans son volet Lutte contre les discriminations, le Défenseur des droits a été saisi en priorité pour des discriminations liées à l’état de santé et au handicap (25, 9 %), puis à l’origine (22,5 %), un facteur apparu au top 1 des discriminations dans le premier rapport partiel de l’institution en juin 2012,. Mais « si les discriminations à l’embauche en raison de l’origine demeurent importantes, les condamnations en France restent rares en dépit du fait qu’il s’agit d’un des principaux critères invoqués dans les réclamations dont ont été successivement saisis la Halde puis le Défenseur des droits », fait remarquer le rapport.

Parmi les 42,2 % de l’ensemble des dossiers qui ont fait l’objet d’investigations approfondies, une position sur le fond a été prise pour 27,2 % d’entre eux. « Un quart de ces dossiers révèlent un manquement à la déontologie de la sécurité », note le rapport. Dans ce volet, 63,3 % des dossiers concernent la police, 14,4 % les gendarmes, 11,8 % l’administration policière, précise le rapport 2013. Les principaux motifs de ces réclamations portent pour 31,6 % sur une « contestation de mesure de contrainte » (garde à vue, audition, perquisition, contrôle d’identité, palpation, menottage...) et 30,7 % sur des violences.

En juin 2012, le Défenseur des droits notait déjà une hausse de plus de 100 % des saisines sur les questions ayant trait à la déontologie de la sécurité. Face à ce problème, dans un rapport relatif aux relations police-population et aux contrôles d'identité, Dominique Baudis plaidait en octobre dernier pour un retour du matricule et soutenait, prudemment, la solution du récépissé de contrôle d'identité, réclamé par des associations comme le collectif Stop le contrôle au faciès.

Alors que François Hollande avait fait de la création du récépissé, un engagement de campagne, celle-ci a été enterrée par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls.

Un site contre les abus policiers lancé

Pour tenter de calmer les esprits, le ministère donne la possibilité aux citoyens, depuis le 2 septembre, de saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, via Internet en cas d'abus policiers. A condition que le plaignant s'identifie et qu'il produise des preuves pour donner une crédibilité à son dossier... L'efficacité de la procédure est d'ores et déjà interrogée et les associations luttant contre le délit au faciès réclament toujours le récépissé. Ce dispositif mis au placard, le Défenseur des Droits « appelle de ses vœux une mise en œuvre rapide » de l’apposition du matricule sur les uniformes des forces approuvée par le ministre de l’Intérieur.

Le Défenseur des droits « peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui », rappelle Dominique Baudis. C’est ainsi qu’en 2012 plus de 200 policiers ou gendarmes ont été entendus à la suite de plaintes dont le Défenseur des droits était saisi. «Ceux-ci sont tenus de répondre aux demandes d’explications qu’il leur adresse et de déférer à ses convocations», précise M. Baudis.

La religion, un facteur de discriminations peu marquant

Dans un autre registre, « 63 dossiers ouverts en 2012 ont permis de traiter la situation de quelque 900 mineurs » roms, isolés étrangers, placés en centres de rétention administrative, est-il également indiqué par l’institution chargée de la protection de l’enfance.

Si la religion ne représente que 2,2 % des réclamations portant sur une discrimination, le Défenseur des droits rapporte le récit de Pascale, une jeune convertie portant le voile. La jeune femme « s’était inscrite à un concours et avait réussi l’épreuve écrite. Elle s’est présentée à l’épreuve orale en portant le foulard islamique. Les deux membres du jury lui ont indiqué que le port du voile était un critère d’élimination au concours », rapporte le Défenseur des droits. Or, « aucun texte ne prohibant le port par un adulte d’un signe religieux ostensible à l’occasion d’un concours, l’appréciation par le jury de la valeur de réclamante n’aurait donc dû se fonder que sur la qualité de ses réponses, et non sur sa religion ou ses convictions », indique-t-il.

Dans cette affaire, « le caractère discriminatoire de l’appréciation portée par le jury a été pleinement reconnu par les institutions concernées ». Pascale a alors pu se présenter à nouveau à l’oral sans avoir à repasser l’épreuve écrite d’admissibilité qu’elle avait déjà obtenue. Son histoire en dit long sur les discriminations fréquentes dont font l’objet les femmes musulmanes voilées.

En 2012, le Défenseur des droits avait contribué « de façon indépendante » à l’élaboration de plusieurs rapports européens notamment à celui de la Commission européenne pour l’élimination du racisme et de l’intolérance (ECRI) , un organe de protection des droits de l'Homme du Conseil de l’Europe qui alerte depuis plusieurs années sur la montée d’un discours xénophobe dans lequel les musulmans sont devenus des cibles favorites.

Ces derniers sont naturellement incités à saisir le Défenseur des droits en cas de discriminations. Cependant, très peu sont signalés à ce jour auprès de cette institution alors que les actes islamophobes - dont le rapport ne fait pas écho - ont explosé en 2012. Le soutien juridique aux victimes que délivre notamment le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) ou encore depuis peu la Ligue de défense judiciaire des musulmans (LDJM) est plus que nécessaire.

*Téléchargez le rapport annuel du Défenseur des droits ci-dessous :






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