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Société

Des chibanis, anciens combattants marocains, livrent leurs secrets à des collégiens de Dreux

Rédigé par | Mercredi 19 Juillet 2017 à 08:00

           

Des élèves du collège Pierre et Marie Curie de Dreux (Eure-et-Loir) ont travaillé pendant 18 mois sur un projet en collaboration avec des chibanis d’un foyer Adoma. Pour terminer l'année scolaire en beauté, ils en ont tiré un recueil intitulé « Frères d’armes… Enfants de la liberté ». Un témoignage chargé en émotion.



Des chibanis, anciens combattants marocains, livrent leurs secrets à des collégiens de Dreux
Reçus en grande pompe à l’Elysée, 28 tirailleurs sénégalais ont été naturalisés en avril dernier. Ces furtifs coups de projecteurs n’ont cependant pas mis en lumière la problématique d’ensemble des anciens combattants de l’armée française issus des anciennes colonies.

A Dreux, une trentaine de Marocains ayant servi la France lors des guerres coloniales qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale vivent reclus dans un foyer de travailleurs migrants dans des chambres de 10 m². Il y a encore une dizaine d’années, ils étaient 130. Aujourd’hui, âgés pour la plupart de 72 à 96 ans, leur mémoire risque de disparaître. C’est pourquoi des élèves drouais du collège Pierre et Marie Curie ont décidé d'aller à leur rencontre. Frères d’armes… Enfants de la liberté est un ouvrage, fruit de 18 mois d’entretiens et de récits entre collégiens et vétérans.

Après avoir servi l’armée française lors de la guerre d’Indochine (1945-1954) ou la guerre du Vietnam pour la plupart, les soldats se sont reconvertis en ouvriers dans l’Hexagone. N’ayant pas la nationalité française, ils doivent justifier d'un habitat en France pour continuer à percevoir leurs pensions de retraite. Début juillet, les collégiens ont adressé une lettre au président Emmanuel Macron afin qu’il intervienne pour « réparer cette injustice ».

« Ils aimeraient retourner dans leurs pays pour de bon en continuant à toucher facilement leur allocation car ils veulent profiter de leurs derniers jours aux côtés de leurs proches. Leur allocation les aide à faire vivre plusieurs personnes au pays, ils ne peuvent pas s’en passer car ils n’ont pas beaucoup de moyens là-bas », peut-on lire dans la lettre accessible sur le site de L’Echo Républicain. « Cette année, l’un de nos chibanis est mort dans une maison de convalescence à Dreux, tout seul, sans personne de sa famille pour lui tenir la main. Pour eux, c’est la pire chose qui puisse arriver. Nous ne voulons pas que cela arrive aux autres ! », ajoutent-ils.

« A cause de la guerre d’Indochine, je n’ai pas pu être auprès de mes parents quand ils sont morts »

Les jeunes drouais ont noué des liens très forts avec les chibanis et les portraits qu’ils en ont tiré l’atteste. « Quand il m’a dit qu’il me considérait comme son fils car je lui ressemble, ça m’a vraiment touché. Et puis, j’étais fier de lui ressembler. Quand on était à Paris, on s’est assis sur un banc ensemble et il a demandé qu’on nous prenne en photo tous les deux, il riait et il disait : ''Faites la photo de mon fils et moi, on se ressemble comme des frères !'' », raconte Théo lorsqu’il évoque M’Hammed Bis.

L’homme de 87 ans a été décoré de la Croix du combattant après ses services en tant qu’infirmier à Haï Phong durant la guerre du Vietnam. La petite Halima aussi parle de lui avec émotion : « Je suis si émue quand il m’appelle la petite fille de ma ville, Khénifra, il le dit en arabe : "Bin’t saghira min madinati". Un jour, il m’a raconté qu’il avait mangé des pomme de terre crues et là, je me suis dit que je n’aurais pas pu. »

Souleymane, lui, retient une anecdote toute particulière concernant Lahcen Zouhairi, 87 ans : « Il nous montre une vieille photo sur laquelle il est au volant d’une Jeep, à côté de lui, une jeune femme, il sourit et nous dit que c’était (sa) petite fiancée chinoise. » Une confusion que font régulièrement ces anciens soldats, envoyés combattre les « Indochinois ». L’Indochine française s’étendait à l'époque sur un territoire qui comprend aujourd’hui le Vietnam, le Cambodge et le Laos.

Alexia, de son côté, a été impressionnée par la prestance de Mohammad Manan, 94 ans. « Il se tient droit comme un arbre alors qu’il est très âgé, il a beaucoup de dignité. Pourquoi quelqu’un comme lui doit vivre dans un foyer social, ça je ne peux pas le comprendre ! », explique-t-elle. Même rage chez Inès qui retranscrit le drame d’Abderrahmane Barji, 87 ans : « A cause de la guerre d’Indochine, je n’ai pas pu être auprès de mes parents quand ils sont morts. Cinquante ans après, mon fils est mort. J’étais en France pour toucher ma pension d’ancien combattant. A nouveau, je n’ai pas pu être là. »

Ce sont pour tous ces moments de vies volés et qui continuent que le combat pour la reconnaissance des droits des anciens combattants de l’armée coloniale que l’action du collège Pierre-et-Marie-Curie se justifie. L’ouvrage Freres d’armes.. Enfants de la liberté a été imprimé à 5 000 exemplaires et est distribué gratuitement aux établissements scolaires, associations de quartiers et centres culturels qui en font la demande sur le site de la préfecture d’Eure-et-Loir.






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