Logo de la CPI
Saphirnews : Le dépôt de plainte contre les principaux dirigeants israéliens auprès de la Cour pénale internationale (CPI) a été confirmé la semaine dernière. Quel message avez-vous envie de passer à travers cette initiative ?
Abdelaziz Chaambi : C’est un message fort à l’intention de la population palestinienne et des centaines de milliers de personnes en France et ailleurs qui la soutient. La France a joué un rôle moteur dans la création de la CPI. Elle est signataire du traité de Rome (qui a permis la création de la juridiction internationale en 1998, ndlr). La France se fait donc l’obligation de l’appliquer conformément au traité lui-même. Si rien n’est fait de sa part, elle se met en travers de ses engagements qu’elle se doit de respecter. Nicolas Sarkozy a le choix. Il peut nous recevoir, saisir la CPI au nom de la France et envoyer ce message fort au nom du droit ; ou bien jeter de l’huile sur le feu en ne faisant rien et dans ce cas, il n’est pas le président de la République mais celui du lobby sioniste.
Cela fait soixante ans que le conflit israélo-palestinien dure et qu’Israël viole le droit international. Des bombardements contre Gaza ont déjà été perpétrés ces dernières années. Pourquoi entamer cette démarche aujourd’hui ?
Ce dépôt de plainte collectif est un acte de citoyenneté que l’on fait par intérêt public. On pense que le vivre-ensemble doit être protégé, que le droit doit l’être aussi. Que l’on soit juif, arabe ou musulman, on est tous égaux et on doit tous être considérés de la même manière. Cela fait soixante ans que le conflit dure mais soixante ans que les Palestiniens ont été ignorés par la communauté internationale. En général, les gens descendent dans la rue puis plus rien ne se passe. On s’est dit que cette fois qu’il ne faut plus de manifestation sans avoir de suite. On veut adresser un message aux Palestiniens ainsi qu’aux personnes qui manifestent massivement depuis quinze jours car le droit international est négligé. Il faut le faire appliquer.
Abdelaziz Chaambi
Vous avez remis la plainte à l’Elysée ce lundi. M. Sarkozy a déclaré être un « ami d’Israël ». On peut conclure que cette plainte a peu –pour ne dire pas– de chances d’aboutir. Pourquoi le faire alors que les chances semblent minces?
Il n’a pas à être l’ami d’Israël ni celui des Arabes mais l’ami du droit et de la justice. Il y a clairement un agresseur et un agressé dans ce conflit et la situation s’aggrave pour les Palestiniens chaque fois que rien n’est fait à l’encontre d’Israël. La France comme l’Union européenne ne peuvent pas continuer à commercer avec ce pays qui se moque du droit international. De plus, la France, vu sa composition démographique et sociologique, a intérêt à se situer au dessus de la mêlée. On ne veut pas se laisser faire. C’est pourquoi on se donne les moyens pour que le droit international soit appliqué. On ne veut pas de parti pris de la part de la CPI. Si on (le Conseil de Sécurité dont fait partie la France, ndlr) a pu faire saisir le TPI pour faire condamner Omar el-Béchir (président soudanais, ndlr) pour crimes contre l’humanité dans l’affaire du Darfour, on est capable de le faire à l’encontre des dirigeants israéliens. Notre démarche est aussi une manière de faire pression sur la classe politique et la mettre face à ses responsabilités. Si ce dépôt de plainte n’est pas suivi de faits concrets, on en tirera alors des conclusions politiques et électorales. Nous n’excluons pas de mettre la question palestinienne au centre des prochaines campagnes électorales par exemple.
Dans le cas où ce dépôt de plainte n’aboutit pas, quel autre recours envisagez-vous de faire ?
Il existe une troisième voie que l’on va exploiter et qui consiste à saisir le Procureur de la République de la part de familles françaises ou de personnes résidantes en France dont la famille vit dans les territoires palestiniens. Une fois saisi, le Procureur peut diligenter une enquête pour rechercher des coupables. D’ailleurs, de nombreux soldats qui se battent pour l’armée israélienne sont aussi Français. On va donc bientôt lancer une campagne d’aide aux victimes. On invite donc ceux qui ont de la famille là-bas et qui sont victimes à nous contacter. Cette troisième voie permettra d’aider ces personnes gratuitement et le plus efficacement possible afin qu’elles puissent constituer un dossier le plus complet possible. Mais aujourd’hui on se concentre surtout sur l’action collective auprès de l’Elysée afin de donner un exemple à nos voisins européens et ailleurs et qu’ils entreprennent une démarche similaire.