C’est avec stupeur et avec un sentiment de trahison que j’ai découvert un article paru dans Libération écrit par un de mes collègues, Soufiane Zitouni, enseignant de philosophie au lycée Averroès. Ce papier, qui ne peut me laisser indifférent, puisqu’il parle de l’équipe pédagogique du lycée dont je fais partie, m’oblige à infirmer toutes les assertions avancées par M. Zitouni.
Je suis enseignant de SVT titulaire de l’enseignement public. J’ai découvert le lycée Averroès depuis 2005, date à laquelle j’ai commencé à y donner des cours à titre bénévole. Desormais, je suis rattaché à ce lycée depuis 2008. Depuis le début de ma carrière, il y a 12 ans, j’ai eu l’occasion d’enseigner dans d’autres lycées publics comme les lycées lillois Faidherbe et Montebello. A aucun moment, je ne me suis présenté comme musulman, juif, chrétien ou d’une quelconque origine supposée de mes parents mais plutôt comme prof de SVT, transmettant des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, ce qui participe de l’éducation des élèves que nous avons sous notre responsabilité.
Je suis enseignant de SVT titulaire de l’enseignement public. J’ai découvert le lycée Averroès depuis 2005, date à laquelle j’ai commencé à y donner des cours à titre bénévole. Desormais, je suis rattaché à ce lycée depuis 2008. Depuis le début de ma carrière, il y a 12 ans, j’ai eu l’occasion d’enseigner dans d’autres lycées publics comme les lycées lillois Faidherbe et Montebello. A aucun moment, je ne me suis présenté comme musulman, juif, chrétien ou d’une quelconque origine supposée de mes parents mais plutôt comme prof de SVT, transmettant des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, ce qui participe de l’éducation des élèves que nous avons sous notre responsabilité.
Averroès n'a rien changé de mes pratiques
A mon arrivée au lycée Averroès, j’ai découvert une institution en pleine ébullition parce qu’en pleine création. J’y ai mené des expérimentations pédagogiques que je n’aurais pas pu mener ailleurs parce que l’équipe de direction, toujours dévouée et à l’écoute, a su me faire confiance. Les collègues aussi ont su tout de suite me mettre à l’aise. Les priorités du lycée et les miennes étaient les mêmes : placer l’élève au centre du système éducatif.
Quand j'étais en poste dans des établissements publics, je ne me suis jamais posé la question de savoir si, en face de moi, j'avais des élèves croyants ou non. Comme tous les autres collègues, j'ai toujours respecté cet espace de laïcité si cher à mes yeux. Je considère en effet que la laïcité est un outil formidable pour transmettre aux enfants des réalités scientifiques inhérentes à mon cours de SVT sans heurter leur sensibilité et leur croyance.
J'ai toujours animé des débats autour de la question de l’évolution en terminale S, de la reproduction en première S ou de la théorie du genre en première ES sans que les élèves ne se soient sentis agressés ni inhibés. J'ai toujours aimé leur rappeler le caractère muable de la science, comme le faisait Karl Popper, en insistant sur la réalité temporelle d’un fait scientifique qui peut être modifié ou amélioré à la lumière des nouvelles découvertes.
Jamais je ne me suis posé en despote intellectuel en affirmant que la Vérité ne pouvait venir que de nos enseignements. Jamais non plus je n’ai remis en cause un fait scientifique avéré, jusqu’à ce que de nouvelles données ne viennent éclairer un peu plus le chemin sinueux de la science. Enfin, je n'ai jamais outrepassé mon devoir de réserve ni de neutralité que le statut d'enseignant impose. En témoignent les inspections faites par mon inspecteur pédagogique régional et qui ont toujours conduit à une conformité stricte du respect de l'esprit des programmes et des directives officielles.
Quand j'étais en poste dans des établissements publics, je ne me suis jamais posé la question de savoir si, en face de moi, j'avais des élèves croyants ou non. Comme tous les autres collègues, j'ai toujours respecté cet espace de laïcité si cher à mes yeux. Je considère en effet que la laïcité est un outil formidable pour transmettre aux enfants des réalités scientifiques inhérentes à mon cours de SVT sans heurter leur sensibilité et leur croyance.
J'ai toujours animé des débats autour de la question de l’évolution en terminale S, de la reproduction en première S ou de la théorie du genre en première ES sans que les élèves ne se soient sentis agressés ni inhibés. J'ai toujours aimé leur rappeler le caractère muable de la science, comme le faisait Karl Popper, en insistant sur la réalité temporelle d’un fait scientifique qui peut être modifié ou amélioré à la lumière des nouvelles découvertes.
Jamais je ne me suis posé en despote intellectuel en affirmant que la Vérité ne pouvait venir que de nos enseignements. Jamais non plus je n’ai remis en cause un fait scientifique avéré, jusqu’à ce que de nouvelles données ne viennent éclairer un peu plus le chemin sinueux de la science. Enfin, je n'ai jamais outrepassé mon devoir de réserve ni de neutralité que le statut d'enseignant impose. En témoignent les inspections faites par mon inspecteur pédagogique régional et qui ont toujours conduit à une conformité stricte du respect de l'esprit des programmes et des directives officielles.
La transmission par le dialogue
Mon arrivée au lycée Averroès n’a en rien changé mes pratiques. Je m’attendais à trouver un établissement, en manque de moyens, parce qu’en cours de développement. Je m'attendais à trouver des élèves en difficulté scolaire parce que Lille Sud draine un public qui n'est pas des plus favorisés mais surtout pas des élèves antisémites, prosélytes ou intégristes dont parle M. Zitouni, ce qui serait contraire aux valeurs de ces mêmes élèves. J’ai trouvé un lycée empreint de valeurs parce que c’est le socle sur lequel repose cet établissement mais aussi profondément laïque dans son fonctionnement.
Depuis dix ans, je n'ai toujours pas vu ce genre d’élèves. Je ne dis pas non plus que je n'ai jamais eu affaire à des réticences, à des incompréhensions ou à des interrogations, mais ni plus ni moins que dans les autres lycées que j’ai fréquentés. Ce qui est sûr, c’est qu’à chaque fois, par le dialogue, par l’explication, j'ai réussi à leur donner les outils pour forger leurs propres réflexions, leur propre opinion et leur propre discernement pour mieux comprendre le monde qui les entoure, du moins, je l’espère.
Depuis dix ans, je n'ai toujours pas vu ce genre d’élèves. Je ne dis pas non plus que je n'ai jamais eu affaire à des réticences, à des incompréhensions ou à des interrogations, mais ni plus ni moins que dans les autres lycées que j’ai fréquentés. Ce qui est sûr, c’est qu’à chaque fois, par le dialogue, par l’explication, j'ai réussi à leur donner les outils pour forger leurs propres réflexions, leur propre opinion et leur propre discernement pour mieux comprendre le monde qui les entoure, du moins, je l’espère.
Aujourd'hui encore, je m’interroge
Durant les dix années que j'ai passées au lycée Averroès, je n'ai pas vu ce que décrit Soufiane Zitouni durant les cinq mois où il a enseigné au lycée.
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Dans son article, je lis que Soufiane Zitouni taxe les musulmans d'un manque d’humour alors que nous riions aux éclats autour d'une table tous les vendredis. Nous avions fait de ce rendez-vous hebdomadaire une occasion de partager nos ressentis, nos impressions sur les élèves, les difficultés avec le travail demandé à un enseignant en France aujourd’hui. Mais je n'ai jamais ressenti le malaise qu’il expose dans son article.
Aujourd'hui encore, je m'interroge. Pourquoi veut-il cristalliser des fantasmes autour de la question de la prière qui serait faite au sein de l’établissement ? N’est-il pas normal, pour un établissement privé, de permettre aux élèves, et éventuellement au personnel, de vivre leur spiritualité comme ils l'entendent, notamment sous forme de prières ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi dit-il que son article a été retiré du panneau d'affichage alors que la direction a insisté pour qu'il le soit ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi dit-il qu'aucun ouvrage d'Averroès n'était présent dans le lycée alors que si l'on cherche bien on se rend compte qu'un dossier spécial lui est consacré ? Et quand bien même il n'y en aurait pas, je n'ai pas été offusqué de ne trouver aucun écrit sur Faidherbe ni sur Montebello au sein des mêmes lycées éponymes dans lesquels j’étais en poste.
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi veut-il, comme il l’écrit, « contribuer au développement sur notre territoire national d'un islam éclairé par la raison, comme le philosophe andalou du 12e siècle », en choisissant précisément d'enseigner dans un lycée privé musulman et ensuite de citer des clichés dont les médias sont friands surtout au lendemain de la terrible tragédie qui a traversé notre pays ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi taxe-t-il ce lycée d'antisémite alors qu'il a lui-même été le modérateur d'une rencontre avec un rabbin organisée par le lycée ?
Je n'ai pas de réponses à toutes ces questions. Tout que j'espère, c'est que mon témoignage permettra de mettre en perspective la réalité qu'a vécue M. Zitouni et que n'ont pas vécu les 75 enseignants du lycée Averroès, 1er lycée de France en 2013, dont je suis fier d’appartenir.
****
Abdelkader Saïm est enseignant de SVT au lycée Averroès.
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Dans son article, je lis que Soufiane Zitouni taxe les musulmans d'un manque d’humour alors que nous riions aux éclats autour d'une table tous les vendredis. Nous avions fait de ce rendez-vous hebdomadaire une occasion de partager nos ressentis, nos impressions sur les élèves, les difficultés avec le travail demandé à un enseignant en France aujourd’hui. Mais je n'ai jamais ressenti le malaise qu’il expose dans son article.
Aujourd'hui encore, je m'interroge. Pourquoi veut-il cristalliser des fantasmes autour de la question de la prière qui serait faite au sein de l’établissement ? N’est-il pas normal, pour un établissement privé, de permettre aux élèves, et éventuellement au personnel, de vivre leur spiritualité comme ils l'entendent, notamment sous forme de prières ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi dit-il que son article a été retiré du panneau d'affichage alors que la direction a insisté pour qu'il le soit ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi dit-il qu'aucun ouvrage d'Averroès n'était présent dans le lycée alors que si l'on cherche bien on se rend compte qu'un dossier spécial lui est consacré ? Et quand bien même il n'y en aurait pas, je n'ai pas été offusqué de ne trouver aucun écrit sur Faidherbe ni sur Montebello au sein des mêmes lycées éponymes dans lesquels j’étais en poste.
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi veut-il, comme il l’écrit, « contribuer au développement sur notre territoire national d'un islam éclairé par la raison, comme le philosophe andalou du 12e siècle », en choisissant précisément d'enseigner dans un lycée privé musulman et ensuite de citer des clichés dont les médias sont friands surtout au lendemain de la terrible tragédie qui a traversé notre pays ?
Aujourd'hui encore, je m’interroge. Pourquoi taxe-t-il ce lycée d'antisémite alors qu'il a lui-même été le modérateur d'une rencontre avec un rabbin organisée par le lycée ?
Je n'ai pas de réponses à toutes ces questions. Tout que j'espère, c'est que mon témoignage permettra de mettre en perspective la réalité qu'a vécue M. Zitouni et que n'ont pas vécu les 75 enseignants du lycée Averroès, 1er lycée de France en 2013, dont je suis fier d’appartenir.
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