Djelloul Seddiki, Sociologue et directeur de l’Institut de théologie de la Grande Mosquée
Saphirnews : Pouvez-vous nous donner les raisons de votre démission ?
Djelloul Seddiki : Les raisons sont toutes simples. Quelques jours avant cette guerre à Gaza, l’AJMF avait organisé une grande manifestation pour protester contre la profanation du cimetière musulman (près d’Arras, en décembre dernier, ndlr). On était main dans la main et j’ai senti qu’on avançait dans le dialogue judéo-musulman, qu’on avait fait un bon travail ensemble depuis les cinq ans où l’on a sillonné la France.
Et voilà que les bombardements ont eu lieu. Gaza est devenu un véritable « camp de concentration » et ce n’est pas moi qui le dit mais le ministre de la Justice du Vatican. Les mosquées, les hôpitaux, les bâtiments humanitaires et même les cimetières ne sont pas épargnés. On voit des images d’enfants déchiquetés et personne ne dit rien. J’ai été étonné que mon coprésident (Michel Serfaty, ndlr) ne se soit pas exprimé et ne m’a même pas contacté depuis le début du conflit. Je suis choqué que personne ne réagisse. Je comprends que le CRIF, qui est une organisation politique, se mette du côté d’Israël. Mais qu’un religieux (M. Serfaty est rabbin, ndlr) qui se dit ami des musulmans ne s’exprime pas est catastrophique. En tant qu’imam, je ne peux pas ne pas réagir. Le silence devient complice et ce silence remet en cause le dialogue judéo-musulman. L’amitié se construit sur le respect mutuel et non sur l’atteinte à la dignité de l’un des deux partis. Je suis très déçu et consterné par la situation et par le peu de réactions des gens que j’ai pris pour des amis.
Et voilà que les bombardements ont eu lieu. Gaza est devenu un véritable « camp de concentration » et ce n’est pas moi qui le dit mais le ministre de la Justice du Vatican. Les mosquées, les hôpitaux, les bâtiments humanitaires et même les cimetières ne sont pas épargnés. On voit des images d’enfants déchiquetés et personne ne dit rien. J’ai été étonné que mon coprésident (Michel Serfaty, ndlr) ne se soit pas exprimé et ne m’a même pas contacté depuis le début du conflit. Je suis choqué que personne ne réagisse. Je comprends que le CRIF, qui est une organisation politique, se mette du côté d’Israël. Mais qu’un religieux (M. Serfaty est rabbin, ndlr) qui se dit ami des musulmans ne s’exprime pas est catastrophique. En tant qu’imam, je ne peux pas ne pas réagir. Le silence devient complice et ce silence remet en cause le dialogue judéo-musulman. L’amitié se construit sur le respect mutuel et non sur l’atteinte à la dignité de l’un des deux partis. Je suis très déçu et consterné par la situation et par le peu de réactions des gens que j’ai pris pour des amis.
Depuis votre démission, avez-vous été contacté par l’autre parti de l’AJMF ? Comment les autres membres ont réagi ?
Michel Sarfaty m’a contacté seulement lorsqu’il a reçu ma démission. Il m’a envoyé un sms me proposant qu’on se rencontre la semaine prochaine mais moi, je dis que c’est trop tard. Le choc est terrible. Des gens m’ont interpellé me demandant si c’est ça l’amitié dont je leur parlais quant j’étais venu les voir. Cette situation remet en cause beaucoup de choses. Je serai toujours le défenseur du respect de l’autre et toujours du côté des plus faibles. Dommage que ces cinq années de travail ont été détruites ainsi. Les bombardements à Gaza ont malheureusement détruit les ponts de l’amitié entre juifs et musulmans en France.
Selon vous, l’amitié judéo-musulmane doit-elle forcément être liée, voire conditionnée, par le conflit israélo-palestinien ?
Durant mes voyages, j’ai toujours dit que c’est un conflit territorial entre Israéliens et Palestiniens et non un conflit religieux. Je n’ai pas changé de position. Mais je m’aperçois du mutisme le plus total des membres juifs de l’instance. Devant cette situation, soutenir un Etat comme Israël n’est pas approprié. Dans ces conditions, c’est quoi un dialogue ? En tant que musulman et imam, je me sens proche de mes frères de Gaza.
L’amitié entre juifs et musulmans en a pris un coup depuis le début de l’offensive israélienne à Gaza…
Toute personne est libre de soutenir qui il veut. Mais ce qui me bouleverse, ce sont les bombardements de civils, c’est le génocide qui s’opère à Gaza. Ce ne sont pas deux armées qui se battent mais une armée qui bombarde par mer, par air et par terre 1,5 millions de personnes. Comment peut-on rester silencieux face à ce carnage ? On ne peut pas se taire sinon cela signifie qu’on a perdu notre humanité. J’ai servi cette association avec beaucoup d’amour mais si la partie complémentaire (de l’AJMF, ndlr) ne fait rien alors je ne peux pas continuer à travailler avec elle. C’est comme un couple. Si l’un des deux lui arrive quelque chose, l’autre peut choisir de le soutenir ou de le quitter. Le proverbe dit qu’on peut choisir ses amis mais pas sa famille. Voilà.
Qu’attendez-vous aujourd’hui de vos partenaires juifs de l’AJMF ?
Tout ce que j’attends aujourd’hui, c’est un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la fin des bombardements israéliens. C’est tout ce qui m’importe. La vie est sacrée dans l’Islam. Dans le Coran, il est dit que celui qui tue une personne a tué toute l’humanité. Après, la politique revient aux hommes politiques. Je n’en suis pas un. Peut-être que plus tard, d’autres sujets nous rapprocheront (juifs et musulmans, ndlr) mais en ce moment, ma position ne me permet pas de rester indifférent au drame qui se joue à Gaza et que je vis intensément. C’est un réflexe de citoyen qui croit aux principes de la République qui a pour devise « liberté, égalité, fraternité ».