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Sur le vif

Esther Benbassa : le rapport sur l’intégration « sacrifié sur l'autel de l'islamophobie »

Rédigé par La Rédaction | Lundi 16 Décembre 2013 à 16:41

           


La polémique enfle dans le paysage politique français. Un rapport sur l’intégration remis au Premier ministre, le mois dernier et rendu public le 13 décembre, a préconisé la fin de l’interdiction du voile dans les établissements scolaires publics.

Paradoxalement, la polémique ne donne pas lieu à un débat de fond car à gauche comme à droite, on s’accorde tous pour dire que le voile n’a pas sa place à l’école. Mais quelques voix discordantes se font entendre dans les rangs des politiques. La sénatrice Europe-Ecologie Les Verts (EELV) du Val-de-Marne, Esther Benbassa,, est l’une des (très) rares personnes qui juge les propositions de ce rapport « intéressantes ». Elle estime qu’il faut « réaménager la loi » du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux à l’école, comme elle le prône dans une interview accordée au Figaro samedi 14 décembre.

Dans une tribune intitulée « Quand les "Arabes" prennent le pouvoir par la plume : ces rapports qui font trembler le gouvernement » publiée lundi 16 décembre sur le Huffington Post, elle revient sur la polémique déclenchée par la publication de ce rapport. « Ce qui fait mal à la France, c'est son islam. Et la bronca des derniers jours nous le rappelle. Le voile, toujours le voile, agité comme un épouvantail, brandi à nouveau à chaque échéance électorale pour pallier l'absence de contenu des programmes politiques ! L'excitation est générale, touchant aussi bien les copéistes que les marinistes (ou néo-lepénistes) en perpétuelle concurrence », dénonce-t-elle.

« La laïcité, "valeur suprême" de la République, est sollicitée inlassablement par les uns comme par les autres. Une laïcité qui, on l'oublie, émerge finalement assez tard dans l'histoire de cette République, et qui relève plus d'un contrat que d'une valeur. Mais quand on est bien à court d'arguments et de projets, voilà qu'elle sert d'armure pour cacher - ou pour se cacher - son islamophobie », fustige encore la sénatrice.

Le grand « Nous inclusif » aux oubliettes

Le président de la République François Hollande et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ont déjà déclaré qu’ils ne reviendront « évidemment » pas sur la loi du 15 mars 2004 et que ce rapport ne reposait pas « du tout la position du gouvernement ». « Voilà comment cinq rapports (le rapport intégral compte 5 volets, ndlr) ont été sacrifiés sur l'autel de l'islamophobie des uns et de la frilosité des autres », estime Mme Benbassa.

« Chaque fois qu'on propose une idée intéressante ou novatrice, notre exécutif, les yeux fixés sur la droite et l'extrême droite, se montrant vite effarouché, fait marche arrière sans hésiter, histoire de ne pas risquer de perdre trop de voix au centre, et même à gauche, bien sûr, une gauche pas toujours moins conservatrice que la droite », déplore-t-elle. Pourtant, le constat établi par les auteurs du rapport notamment sur la stigmatisation de l’islam ainsi que leurs préconisations méritent d’être pris en compte. « Ce diagnostic est posé par les concernés eux-mêmes. Pas par des technocrates à la langue de bois », note la sénatrice, qui fait remarquer que la « liberté de parole » du conseiller d'Etat Thierry Tuot, qui avait livré à Matignon en février dernier un rapport livrant des conclusions similaires, lui avait « coûté son poste ».

« C'est sûr : ces chercheurs aux noms à consonance arabe (à côté, tout de même, de quelques autres aux noms "bien français"), ces associatifs qui sont sur le terrain, tous ces auditionnés venus d'"en bas" ne sont de toute évidence pas les mieux placés pour parler de ce dont ils parlent... On le sait depuis longtemps, et on n'est pas étonné : les élites sont un vrai frein pour l'"inclusion", le grand "Nous" préconisé par les rapporteurs leur fait peur. Et si ces gens-là, si mal-nommés, venaient un jour leur prendre leurs places ? », analyse Esther Benbassa.

« N'enterrons pas ces rapports ! Enrichissons-nous de leur contenu ! N'ayons pas peur ! C'est un devoir de la gauche que de décrisper la société et d'œuvrer à la construction de ce grand "Nous" », exhorte-t-elle. Le devoir que s'est surtout donnée la gauche est d'éteindre l'incendie provoquée par les réactions d'indignation de l'opposition.

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