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Monde

Européennes : la menace d'une forte abstention

Voter : oui, mais pour quels enjeux ?

Rédigé par Anissa Ammoura | Vendredi 29 Mai 2009 à 12:09

           

Du 4 au 7 juin s'ouvre l'élection des 736 députés, représentant les 27 États membres de l'Union européenne. Au total, ce sont 375 millions d'électeurs qui se rendront aux urnes... ou pas. Selon les sondages, le taux d'abstention des Français risque cette année de dépasser le taux déjà vertigineux de 2004, alors de 57,2 %. Au niveau européen, le taux de 47,42 % de 2004 risque de rester encore élevé cette année et de toucher presque un électeur sur deux. Saphirnews a sondé des électeurs français, militants ou non, pour tenter de connaître les raisons d'un tel désintérêt.



Devant le Parlement européen de Strasbourg, les drapeaux, qui semblent eux aussi en berne, préfigurent-ils l'abstention si redoutée du prochain scrutin 2009 ?
Devant le Parlement européen de Strasbourg, les drapeaux, qui semblent eux aussi en berne, préfigurent-ils l'abstention si redoutée du prochain scrutin 2009 ?


Les sondages sont en berne : près d'un électeur européen risque de ne pas aller voter. Au-delà de la crise, les raisons de ce désintérêt sont multiples : le décalage avec les préoccupations de la vie quotidienne ; le manque d'information sur les candidats ; la capacité des politiques à motiver les troupes proche de zéro ; l'ignorance du rôle des députés et de celui du Parlement européen ; mais aussi le nombre important de scrutins nationaux parallèles, programmés cette année dans 14 pays de l'Union européenne.

Ainsi, Nimwa, 32 ans, responsable NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) dans l'Oise, « n'attend pas grand-chose » de ce scrutin : « L'Europe est très loin. Peut-être va-t-elle permettre certaines facilités économiques, mais je crois vraiment que ce sont les décisions du gouvernement qui auront plus de répercussions sur ma vie. Aller voter, oui, car c'est un droit. Je voterai toujours pour la sensibilité politique à laquelle j'appartiens ; mais, cette fois, sans me soucier du contenu de leur programme. »

En effet, les inquiétudes liées à la crise financière font partie des priorités des élections européennes. Selon une enquête Eurobaromètre sur l’opinion publique dans l’Union européenne, parue en décembre 2008, 71 % des participants se déclarent « particulièrement pessimistes » concernant la situation de l’économie mondiale.
Quant aux sujets comme l'environnement et l'immigration, les citoyens sont respectivement 82 % et 74 % à estimer que les « solutions n'existent qu'au niveau européen », selon un autre sondage, celui de l’institut LH2 du 6 mars 2009. Les participants à l'enquête attendent également davantage « de coordination économique et de politique sociale au niveau européen », et ce d'autant plus dans le contexte actuel de crise économique et financière.

« Actuellement, les gens sont inquiets, ils ne savent pas s'ils vont garder leur emploi, en ont marre des emplois précaires »
, explique Naïma, 35 ans, animatrice multimédia, qui se déplacera dans son bureau de vote à Creil (Oise), le 7 juin prochain pour aller voter. « Les gens ont peur de devenir sans domicile fixe, mais ils veulent justement qu'on reloge ces SDF, que les personnes âgées des maisons de retraite soient mieux traitées... Que l'on traite tout simplement des problèmes sociétaux des Français. L'entrée dans l'Europe de la Turquie et l'immigration sont le cadet de leurs soucis ! Au départ, je ne voulais pas me déplacer pour voter mais, en voyant le spot TV de l'UMP parlant de la Turquie et de l'immigration, je me suis dit : “Il ne faut pas qu'ils passent ! ” Je crois qu'ils n'ont rien compris ou bien font semblant de ne rien comprendre aux problèmes des gens. Ils veulent orienter le débat ailleurs ! »

Un rendez-vous important, mais un manque de convictions

Tous s'accordent à croire qu'il s'agit là d'élections importantes, mais restent encore indécis sur le fait de savoir s'ils vont se déplacer aux urnes ou non.
Pour Dorothée, journaliste de 27 ans, les hommes politiques n'ont pas rempli leur rôle : « Je dois faire une procuration si je veux voter aux élections le 7 juin prochain. Mais je me moque tellement de ces élections, et uniquement de celles-ci, que je reporte toujours au lendemain. Pourtant, je suis une Européenne convaincue », regrette-t-elle. « Je souhaite voter, mais uniquement parce que j'accorde une importance civique au vote, mais non parce que ces élections m'intéressent. Idéologiquement, je veux que les socialistes sortent vainqueurs mais, aujourd'hui, les ténors du parti semblent préférer les querelles intestines et les guerres de pouvoir à l'élaboration d'une véritable politique. À cause d'eux, je ne suis plus très motivée pour faire une procuration. »

Du côté, des leaders musulmans, le constat est le même. La place faite à ces élections en France a été trop petite. « À l'image des Français, toutes confessions confondues, on n'attend pas grand-chose de ces élections, bien qu'elles soient importantes. En France, on ne donne pas assez d'importance à l'Europe : ce qui centralise le plus les électeurs, ce sont les élections présidentielles. Pourtant, la France a joué un rôle important dans la construction européenne », commente Samy Debah, président du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). « Le Parlement européen, la seule institution qui représente vraiment les Européens, doit prendre l'importance qui est la sienne. D'autre part, l'Europe doit se prononcer plus fortement contre les discriminations et l'islamophobie. Selon moi, les initiatives européennes condamnant cette dernière sont encore trop timides. Pourtant, la lutte contre l'islamophobie est un enjeu fondamental dans la construction de l'Europe. »

Quant à Dorsaf Ben Dhiab, basée à Lille et secrétaire générale du Forum européen des femmes musulmanes (EFOMW), elle constate « le peu d'information que possède l'électeur pour se sentir complètement impliqué ». « De plus, les listes électorales ratissent un espace géographique étendu inhabituel, donc les électeurs ne se reconnaissent pas forcément dans les candidats représentés ; et, à défaut de connaître les programmes et le fonctionnement de cette institution, l'abstention s'impose de fait », déplore-t-elle. Elle poursuit : « Il y a des enjeux d'importance, notamment sur l'adoption du traité de Lisbonne et les nouvelles propositions qui vont dans le sens d'une modification des règles de procédure (...). En tant qu'électeur, j'attends plus de justice sociale et plus d'intérêt pour l'avenir de notre planète. » Et d'insister vivement sur ces élections, qui, pour elle, constituent « un rendez-vous important à ne pas manquer ».
Électeurs votants ou pas, les résultats sont attendus pour le 8 juin.






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