Le prophète Moïse a pris les traits de l’acteur américain Charlton Heston (1923-2008) depuis son rôle dans le film de Cecil B. DeMille, Les Dix Commandements (1956). La scène cinématographique de la traversée de la mer Rouge fait désormais partie de la mémoire visuelle contemporaine.
Presque tous les chercheurs avertis savent que Moïse, personnage central de l’Ancien Testament, n’a laissé aucune trace archéologique. En réalité, l’Exode et Moïse, cette « fiction littéraire » – selon le mot de Yaïr Zakovith, doyen de la faculté de lettres de l’université hébraïque de Jérusalem – est bâtie sur la véritable histoire de leurs ancêtres.
Il y eut effectivement une sorte d’Exode au XIIe siècle menée par un personnage charismatique, mais celui-ci ne correspond en rien, au récit biblique. Il s’agit du chancelier Beya ayant pris la direction de l’Ethiopie (voir mon ouvrage sur les ancêtres des Falachas, qui se seraient métissés avec les compagnons de ce personnage ayant fui l’Egypte). En fait bien que transformés et sublimés, le personnage et l’histoire que racontent les auteurs des récits bibliques, sont vraisemblablement ceux du chancelier Beya.
A la mort du Pharaon Séthi II (1204-1198), petit-fils de Ramsès II et 6e Pharaon de la XIXe dynastie, Beya aida Taousert (1192-1190), la première veuve du souverain défunt, à installer Siptah sur le trône d’Egypte. Mais ce sera une corégence avec l’ambitieuse Taousert, car Siptah (1198-1192) âgé de douze ans, était le fils d'Amemnès, surnommé l’usurpateur, simple demi-frère de Séthi II.
A la mort aussi mystérieuse que subite de Siptah, après six ans de règne, Taousert décida de lui succéder seule, avec l’appui de Beya, contre l’avis de Sethnakht, un militaire égyptien qui n’était pas de sang royal, mais prétendant au pouvoir. Ce différend déclenchera une meurtrière guerre civile. Vers 1186 avant notre ère, Sethnakht en sortit vainqueur et décida de poursuivre Beya à la tête d’une armée, qu’il ne réussit jamais à rattraper. Ces combattants choisirent en fait de prendre la direction de l’Ethiopie et non de traverser la mer Rouge, pour gagner la Terre promise d’Israël.
Beya était métis afro-asiatique de père nubien, non syrien comme l’affirment certains auteurs. Ayant commencé sa carrière comme scribe sous le règne de Séthi Ier, il deviendra chancelier après l’intronisation de Siptah. Mais Beya n’aurait pas régné, contrairement à l’inscription du papyrus Harris, qui le décrit comme étant Iarsou, usurpateur étranger. C’est après sa fuite que Setnakht s’installa au pouvoir, pour inaugurer la XXe dynastie égyptienne.
Il y eut effectivement une sorte d’Exode au XIIe siècle menée par un personnage charismatique, mais celui-ci ne correspond en rien, au récit biblique. Il s’agit du chancelier Beya ayant pris la direction de l’Ethiopie (voir mon ouvrage sur les ancêtres des Falachas, qui se seraient métissés avec les compagnons de ce personnage ayant fui l’Egypte). En fait bien que transformés et sublimés, le personnage et l’histoire que racontent les auteurs des récits bibliques, sont vraisemblablement ceux du chancelier Beya.
A la mort du Pharaon Séthi II (1204-1198), petit-fils de Ramsès II et 6e Pharaon de la XIXe dynastie, Beya aida Taousert (1192-1190), la première veuve du souverain défunt, à installer Siptah sur le trône d’Egypte. Mais ce sera une corégence avec l’ambitieuse Taousert, car Siptah (1198-1192) âgé de douze ans, était le fils d'Amemnès, surnommé l’usurpateur, simple demi-frère de Séthi II.
A la mort aussi mystérieuse que subite de Siptah, après six ans de règne, Taousert décida de lui succéder seule, avec l’appui de Beya, contre l’avis de Sethnakht, un militaire égyptien qui n’était pas de sang royal, mais prétendant au pouvoir. Ce différend déclenchera une meurtrière guerre civile. Vers 1186 avant notre ère, Sethnakht en sortit vainqueur et décida de poursuivre Beya à la tête d’une armée, qu’il ne réussit jamais à rattraper. Ces combattants choisirent en fait de prendre la direction de l’Ethiopie et non de traverser la mer Rouge, pour gagner la Terre promise d’Israël.
Beya était métis afro-asiatique de père nubien, non syrien comme l’affirment certains auteurs. Ayant commencé sa carrière comme scribe sous le règne de Séthi Ier, il deviendra chancelier après l’intronisation de Siptah. Mais Beya n’aurait pas régné, contrairement à l’inscription du papyrus Harris, qui le décrit comme étant Iarsou, usurpateur étranger. C’est après sa fuite que Setnakht s’installa au pouvoir, pour inaugurer la XXe dynastie égyptienne.
Pas de trace de Moïse dans les annales égyptiennes
Il est établi aujourd’hui que les historiens égyptiens étaient méticuleux et précis quant aux événements de leurs époques. Or leurs annales, pourtant abondantes et détaillées, ne mentionnent nulle part Moïse, l’Exode, les plaies d’Egypte et tous les faits relatés par le Pentateuque.
En fait, aucun document antérieur au IVe siècle avant notre ère, qu’il soit égyptien, cananéen, assyrien, babylonien ou perse, ne mentionne le personnage de Moïse. Même Hérodote, l’ancêtre des historiens, n’a fait aucune allusion au personnage de Moïse dans ses enquêtes au Ve siècle avant notre ère.
Les rédacteurs de la Bible se seraient inspirés du personnage Beya et de l’épisode de sa fuite d’Egypte, qui sont bien présents dans les annales égyptiennes, pour coucher et affiner le mythe de Moïse et de l’Exode. Un autre détail important contredit aussi les tenants de la thèse de l’historicité de « Moïse et de son « Exode. » Ces derniers avancent que le Patriarche hébreu aurait repris à son compte le monothéisme d'Akhenaton, pharaon du XIVe siècle avant notre ère, qui a proclamé Aton Dieu unique.
Le docteur Sigmund Freud, qui était de cet avis, prétendait aussi que Moïse, fils d'une princesse égyptienne, fut inspiré par le monothéisme d'Akhenaton. C’est tout simplement en réaction contre l’emprise du clergé d’Amon qu'Aménophis IV (futur Akhenaton) érigea Aton en Dieu unique. Mais Aton symbolisait le disque solaire et n’avait rien de commun avec l’idée d’une alliance ou d’un contrat entre un Dieu unique et le peuple qu’il aurait élu.
En fait, aucun document antérieur au IVe siècle avant notre ère, qu’il soit égyptien, cananéen, assyrien, babylonien ou perse, ne mentionne le personnage de Moïse. Même Hérodote, l’ancêtre des historiens, n’a fait aucune allusion au personnage de Moïse dans ses enquêtes au Ve siècle avant notre ère.
Les rédacteurs de la Bible se seraient inspirés du personnage Beya et de l’épisode de sa fuite d’Egypte, qui sont bien présents dans les annales égyptiennes, pour coucher et affiner le mythe de Moïse et de l’Exode. Un autre détail important contredit aussi les tenants de la thèse de l’historicité de « Moïse et de son « Exode. » Ces derniers avancent que le Patriarche hébreu aurait repris à son compte le monothéisme d'Akhenaton, pharaon du XIVe siècle avant notre ère, qui a proclamé Aton Dieu unique.
Le docteur Sigmund Freud, qui était de cet avis, prétendait aussi que Moïse, fils d'une princesse égyptienne, fut inspiré par le monothéisme d'Akhenaton. C’est tout simplement en réaction contre l’emprise du clergé d’Amon qu'Aménophis IV (futur Akhenaton) érigea Aton en Dieu unique. Mais Aton symbolisait le disque solaire et n’avait rien de commun avec l’idée d’une alliance ou d’un contrat entre un Dieu unique et le peuple qu’il aurait élu.
De la monolâtrie au monothéisme
En réalité la religion des Israélites de cette époque était monolâtre, c’est-à-dire une théologie qui consiste à adorer un seul Dieu, tout en reconnaissant qu’il peut en exister d’autres.
La stèle du monarque Mesha souverain du royaume de Moab, et qui est au Louvre, indique que : « Moab a son Dieu, Kamosh, comme Israël a son Dieu. » L’on trouve pour la première fois une allusion au nom de Yahvé comme Dieu d’Israël et de tout l’Univers aux environs de 540 avant notre ère – donc très longtemps après l’époque dite de l’Exode –, dans les écrits d’un prophète nommé Deutéro-Isaï. Le passage des peuples hébreux de la monolâtrie au monothéisme se situerait vers cette époque. Et cela n’aurait donc aucun rapport avec le Pharaon Akhenaton.
C’est le chancelier Beya qui aurait profondément influencé la culture cananéenne, par le canal au moins de ses compagnons d’exil, en y introduisant outre l’histoire de sa fuite d’Egypte à la tête des Cananéens, mais aussi un nouveau Dieu unique : Yahvé, que les peuples israélites adopteront en masse – en abandonnant la monolâtrie –, bien des siècles plus tard.
Raison pour laquelle la Bible – après l’avoir « Moïsisé » – aurait mystérieusement fait disparaître le personnage en précisant que : « Moïse fut enterré par Dieu dans un lieu méconnu quelque part sur le mont Nebo, avant d’atteindre la Terre promise. »
La stèle du monarque Mesha souverain du royaume de Moab, et qui est au Louvre, indique que : « Moab a son Dieu, Kamosh, comme Israël a son Dieu. » L’on trouve pour la première fois une allusion au nom de Yahvé comme Dieu d’Israël et de tout l’Univers aux environs de 540 avant notre ère – donc très longtemps après l’époque dite de l’Exode –, dans les écrits d’un prophète nommé Deutéro-Isaï. Le passage des peuples hébreux de la monolâtrie au monothéisme se situerait vers cette époque. Et cela n’aurait donc aucun rapport avec le Pharaon Akhenaton.
C’est le chancelier Beya qui aurait profondément influencé la culture cananéenne, par le canal au moins de ses compagnons d’exil, en y introduisant outre l’histoire de sa fuite d’Egypte à la tête des Cananéens, mais aussi un nouveau Dieu unique : Yahvé, que les peuples israélites adopteront en masse – en abandonnant la monolâtrie –, bien des siècles plus tard.
Raison pour laquelle la Bible – après l’avoir « Moïsisé » – aurait mystérieusement fait disparaître le personnage en précisant que : « Moïse fut enterré par Dieu dans un lieu méconnu quelque part sur le mont Nebo, avant d’atteindre la Terre promise. »
Une construction mythique
Toute cette construction mythique est en totale contradiction avec l’immigration ou une forme primitive de refuge politique qui aurait en réalité amené des combattants égyptiens, ancêtres des Falachas, en Ethiopie. Il faut dire que les rédacteurs de la Bible n’ont pu bénéficier de nos sources actuelles. Autrement, ils auraient placé leur histoire sous Séthi II ou Setnakht.
Les récits de la Bible auraient été réellement écrits à l’époque perse (539-332) ou hellénistique, c’est-à-dire beaucoup plus tard que les dates et événements qu’ils relatent. Et le contexte moral, religieux et théologique était différent. Alors qu’en 1186 avant notre ère, dans l’armée de Beya, se côtoyaient non seulement des Hébreux mais aussi des Shosous, qualificatif égyptien des Asiatiques installés sur le Nil et qui vénéraient aussi le Dieu Yahou ou Yahvé.
Avant d’émigrer en Egypte, ces populations d’éleveurs vivaient dans les régions désertiques et les hautes terres à la frontière entre Canaan et la Transjordanie. Les autres combattants de l’armée de Beya étaient, il est vrai, des Habirous ou Apirous (qui donnera par la suite le mot Hébreu.) Ces Habirous étaient une des tribus nomades guerrières, travailleurs de force ou mercenaires qui ont longtemps sévi dans la région. Ces compagnons d’exil de Beya restèrent sur place en Ethiopie et seraient les véritables ancêtres des Falachas.
Bien qu’au cours de la fuite d’Egypte beaucoup d’hommes entraînèrent leurs familles, le groupe ne comptait pas assez de femmes dans ses rangs. Ils finirent donc par se mélanger avec la tribu locale des Agaws. C’est ainsi qu’apparut d’abord la branche métissée des Quémmantes. Celle-ci a longtemps parlé le falachina et pratiqué une religion pagano-hébraïque. On ignore dans quelles circonstances exactes une partie d’entre eux s’en est séparée, pour constituer ce qui sera par la suite le groupe des Falachas.
Du profond métissage des débuts avec les combattants shosous et plus généralement hébreux, les Quémmantes et leur fraction devenue Falacha sont aujourd’hui d’authentiques Ethiopiens, aussi clairs que les Peuls certes, mais Nègres africains. Ce qui les a rendus suspects pendant des siècles aux yeux des rabbins orthodoxes.
Pour autant, des pans entiers de la Bible comme la geste des Patriarches, la fuite d’Egypte ou la prise de Jéricho doivent définitivement être rangés du côté de l’épopée mythique. L’un des grands spécialistes juifs de littérature biblique, Yaïr Zakovith, doyen de la faculté de Lettres de l’université hébraïque de Jérusalem, a fini par reconnaître que : « Même la sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse ne doit plus être envisagée sous l’angle historique, mais comme une fiction littéraire constitutive d’une idéologie politique et religieuse que l’on pourrait qualifier de splendide isolement…Il n’y a probablement jamais eu d’Exode, car Israël est issu du monde cananéen comme le prouvent sa langue, ses mythes, ses Dieux. »
C’est cela la réalité, il n’existe aucune trace dans les archives égyptiennes relatant une histoire d’Exode et un personnage nommé Moïse ; mais de Beya et sa fuite d’Egypte, oui.
****
Tidiane N’Diaye est auteur, notamment, de Les Falachas, Nègres errants du peule juif (Gallimard, 2004 ; sélection Prix Fetkann de la recherche 2005) ; Le Génocide voilé (Gallimard, 2008 ; sélection Prix Fetkann de la recherche 2008, nommé Prix Renaudot Essai 2008) ; Le Jaune et le Noir (Gallimard, 2013 ; nommé au Prix Fetkann de la recherche 2013).
Les récits de la Bible auraient été réellement écrits à l’époque perse (539-332) ou hellénistique, c’est-à-dire beaucoup plus tard que les dates et événements qu’ils relatent. Et le contexte moral, religieux et théologique était différent. Alors qu’en 1186 avant notre ère, dans l’armée de Beya, se côtoyaient non seulement des Hébreux mais aussi des Shosous, qualificatif égyptien des Asiatiques installés sur le Nil et qui vénéraient aussi le Dieu Yahou ou Yahvé.
Avant d’émigrer en Egypte, ces populations d’éleveurs vivaient dans les régions désertiques et les hautes terres à la frontière entre Canaan et la Transjordanie. Les autres combattants de l’armée de Beya étaient, il est vrai, des Habirous ou Apirous (qui donnera par la suite le mot Hébreu.) Ces Habirous étaient une des tribus nomades guerrières, travailleurs de force ou mercenaires qui ont longtemps sévi dans la région. Ces compagnons d’exil de Beya restèrent sur place en Ethiopie et seraient les véritables ancêtres des Falachas.
Bien qu’au cours de la fuite d’Egypte beaucoup d’hommes entraînèrent leurs familles, le groupe ne comptait pas assez de femmes dans ses rangs. Ils finirent donc par se mélanger avec la tribu locale des Agaws. C’est ainsi qu’apparut d’abord la branche métissée des Quémmantes. Celle-ci a longtemps parlé le falachina et pratiqué une religion pagano-hébraïque. On ignore dans quelles circonstances exactes une partie d’entre eux s’en est séparée, pour constituer ce qui sera par la suite le groupe des Falachas.
Du profond métissage des débuts avec les combattants shosous et plus généralement hébreux, les Quémmantes et leur fraction devenue Falacha sont aujourd’hui d’authentiques Ethiopiens, aussi clairs que les Peuls certes, mais Nègres africains. Ce qui les a rendus suspects pendant des siècles aux yeux des rabbins orthodoxes.
Pour autant, des pans entiers de la Bible comme la geste des Patriarches, la fuite d’Egypte ou la prise de Jéricho doivent définitivement être rangés du côté de l’épopée mythique. L’un des grands spécialistes juifs de littérature biblique, Yaïr Zakovith, doyen de la faculté de Lettres de l’université hébraïque de Jérusalem, a fini par reconnaître que : « Même la sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse ne doit plus être envisagée sous l’angle historique, mais comme une fiction littéraire constitutive d’une idéologie politique et religieuse que l’on pourrait qualifier de splendide isolement…Il n’y a probablement jamais eu d’Exode, car Israël est issu du monde cananéen comme le prouvent sa langue, ses mythes, ses Dieux. »
C’est cela la réalité, il n’existe aucune trace dans les archives égyptiennes relatant une histoire d’Exode et un personnage nommé Moïse ; mais de Beya et sa fuite d’Egypte, oui.
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