Zahra Ali, doctorante à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et à l’Institut Français du Proche-Orient et auteur de l’ouvrage « Féminismes islamiques » (La Fabrique, 2012).
A Paris, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), une salle est bondée, jeudi 7 mars, dans l’après-midi. Il faut dire que la conférence, qui s’y tient à ce moment-là, aborde un sujet peu commun. Intitulé « Femmes, féminismes et islams en France », le colloque « propose une réflexion inédite sur la question du féminisme islamique et des femmes musulmanes dans leurs réalités françaises».
Après avoir abordé, durant la matinée, des questions d’ordre sociologique « plus théoriques », l’après-midi fut consacré au thème « Entre faire parler et donner la parole : les représentations des femmes musulmanes ». Pour cette partie, Diletta Guidi et Carlotta Gracci, les deux doctorantes du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE-GSRL), organisatrices du colloque, ont décidé de faire appel à l’art visuel.
Après avoir abordé, durant la matinée, des questions d’ordre sociologique « plus théoriques », l’après-midi fut consacré au thème « Entre faire parler et donner la parole : les représentations des femmes musulmanes ». Pour cette partie, Diletta Guidi et Carlotta Gracci, les deux doctorantes du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE-GSRL), organisatrices du colloque, ont décidé de faire appel à l’art visuel.
« Ceci n’est pas une femme musulmane », oeuvre de Mehdi-Georges Lahlou.
Les NiqaBitch opposées à la loi anti-voile intégral
« Ceci n’est pas une femme musulmane », peut-on ainsi lire en légende d’une photo de l’artiste Mehdi Georges Lahlou projetée dans la salle. Coiffé d’un voile islamique, le Maroco-Espagnol ne risque pas de faire illusion avec sa barbe.
La femme musulmane semble l’inspirer tant ses œuvres la représentant sont nombreuses. Mais derrière ses images se cache un message subtil de l’artiste. Ainsi, avec son installation « 72 vierges », qui correspondent à autant d'autoportraits de femmes coiffées d'un hijab en plâtre blanc, il souhaite interpeller le public. « Le blanc est souvent associé au deuil dans l’islam. Chez les catholiques, il est un symbole d’extase et de pureté. Ces deux religions ont une appréhension du corps différente. On retrouve le foulard chez les catholiques ou des Turques, qui n’ont rien à voir avec l’islam. Mais à quel moment, le voile devient-il musulman ? », interroge-t-il.
Les NiqaBitch, quant à elles, ont suscité d’autres questions. Ces femmes vêtues de courts niqab cachant leur visage et de mini-shorts dévoilant leurs jambes avaient fait sensation en 2010. En plein débat sur la loi anti-voile intégral, elles avaient arpenté les rues de la capitale, jaugées sur leur hauts talons. Après deux ans de silence, ce duo anonyme a choisi de répondre par une vidéo au colloque « Femmes, féminismes et islams en France ».
Celles qui se présentent « comme des féministes de 2010 », indiquent, dans leur montage où on les voit prendre la pose devant des institutions comme le ministère de l’Immigration, avoir trouvé la loi contre le niqab « stérile ». Il faut donc croire que leur action, qui a pu être ressentie comme de la moquerie par des musulmans, est surtout un message politique et un pied-de-nez à cette législation.
La femme musulmane semble l’inspirer tant ses œuvres la représentant sont nombreuses. Mais derrière ses images se cache un message subtil de l’artiste. Ainsi, avec son installation « 72 vierges », qui correspondent à autant d'autoportraits de femmes coiffées d'un hijab en plâtre blanc, il souhaite interpeller le public. « Le blanc est souvent associé au deuil dans l’islam. Chez les catholiques, il est un symbole d’extase et de pureté. Ces deux religions ont une appréhension du corps différente. On retrouve le foulard chez les catholiques ou des Turques, qui n’ont rien à voir avec l’islam. Mais à quel moment, le voile devient-il musulman ? », interroge-t-il.
Les NiqaBitch, quant à elles, ont suscité d’autres questions. Ces femmes vêtues de courts niqab cachant leur visage et de mini-shorts dévoilant leurs jambes avaient fait sensation en 2010. En plein débat sur la loi anti-voile intégral, elles avaient arpenté les rues de la capitale, jaugées sur leur hauts talons. Après deux ans de silence, ce duo anonyme a choisi de répondre par une vidéo au colloque « Femmes, féminismes et islams en France ».
Celles qui se présentent « comme des féministes de 2010 », indiquent, dans leur montage où on les voit prendre la pose devant des institutions comme le ministère de l’Immigration, avoir trouvé la loi contre le niqab « stérile ». Il faut donc croire que leur action, qui a pu être ressentie comme de la moquerie par des musulmans, est surtout un message politique et un pied-de-nez à cette législation.
Sous la burqa, des féministes comme les autres
La loi interdisant le niqab sera finalement adoptée et mise en application en avril 2011. C’est dans l’univers des femmes qui le portent que nous entraîne Agnès De Féo, présente au colloque de l’EHESS. La sociologue a réalisé deux documentaires Sous la burqa et Niqab, hors la loi. Elle a pu proposer un montage de 10 minutes d’extraits de propos tenus par ces femmes, à qui l’on donne peu la parole.
« Je défends toutes les femmes. Je les défends contre toutes les violences. Je défends toutes les causes féministes », « Mon corps m’appartient, il n’appartient pas à l’Etat ! » : les messages formulés par ces femmes sont forts. On y retrouve d’ailleurs Kenza Drider, qui avait souhaité se présenter à l’élection présidentielle de 2012.
En les prenant pour cible, l’Etat les a obligées à se défendre. Résultat : elles adoptent une position quasi-féministe. « J’ai commencé mes tournages en 2008. J’ai pu interroger 150 femmes âgées entre 16 et 55 ans durant cinq années de terrain. Aujourd’hui, le port de la burqa est mondialisé mais, en France, elles sont majoritairement très jeunes. Elles n’ont pas reçu d’éducation religieuse et découvre l’islam sur le tard. Elles en veulent à leurs parents pour cela et sont dans l’ordre de la rébellion. Celles qui ont entre 25 et 40 ans sont dans une phase de rédemption et souhaitent racheter leurs péchés ; quant à celles de 50 ans et plus, elles adoptent une démarche piétiste », explique Agnès De Féo. « Elles tiennent beaucoup à leur indépendance et s’approprient la religion », commente-t-elle également.
En montrant des femmes dévoilant leur lingerie ou s’entraînant à la boxe, la vidéo de la sociologue provoque des rires dans la salle. Au moment des questions-réponses, certaines jeunes filles dans le public indiquent trouver ces rires déplacés et regretter, à raison, la non-présence de femmes portant le niqab qui pourraient parler pour elles-mêmes. Mais pour Mme De Féo, le choix d’extraits humoristiques avait pour but de « dédramatiser » le sujet.
« Je défends toutes les femmes. Je les défends contre toutes les violences. Je défends toutes les causes féministes », « Mon corps m’appartient, il n’appartient pas à l’Etat ! » : les messages formulés par ces femmes sont forts. On y retrouve d’ailleurs Kenza Drider, qui avait souhaité se présenter à l’élection présidentielle de 2012.
En les prenant pour cible, l’Etat les a obligées à se défendre. Résultat : elles adoptent une position quasi-féministe. « J’ai commencé mes tournages en 2008. J’ai pu interroger 150 femmes âgées entre 16 et 55 ans durant cinq années de terrain. Aujourd’hui, le port de la burqa est mondialisé mais, en France, elles sont majoritairement très jeunes. Elles n’ont pas reçu d’éducation religieuse et découvre l’islam sur le tard. Elles en veulent à leurs parents pour cela et sont dans l’ordre de la rébellion. Celles qui ont entre 25 et 40 ans sont dans une phase de rédemption et souhaitent racheter leurs péchés ; quant à celles de 50 ans et plus, elles adoptent une démarche piétiste », explique Agnès De Féo. « Elles tiennent beaucoup à leur indépendance et s’approprient la religion », commente-t-elle également.
En montrant des femmes dévoilant leur lingerie ou s’entraînant à la boxe, la vidéo de la sociologue provoque des rires dans la salle. Au moment des questions-réponses, certaines jeunes filles dans le public indiquent trouver ces rires déplacés et regretter, à raison, la non-présence de femmes portant le niqab qui pourraient parler pour elles-mêmes. Mais pour Mme De Féo, le choix d’extraits humoristiques avait pour but de « dédramatiser » le sujet.
Des féministes islamiques reconnues
Reste qu’au vu de leur propos, personne ne peut dire que ces femmes ne sont pas féministes au motif qu’elles portent la burqa.
Et le colloque tenu un jour avant la Journée internationale de la femme a eu pour mérite de permettre une « reconnaissance du féminisme musulman », salue Florence Rochefort, historienne, chargée de recherche au CNRS au sein du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité.
« C’est déjà un acquis, qu’il y ait reconnaissance de ce nouveau fait social qui prend plusieurs caractéristiques », note-t-elle. Ces féminismes islamiques sont surtout le fruit de « mouvements de théologiennes isolées, singulières et très éduquées », constate-t-elle également. Ils prennent par ailleurs de multiples formes et dépendent ainsi des différentes interprétations de l’islam.
L'existence des féminismes sont primordiaux alors qu’en Orient comme en Occident la femme - musulmane ou pas - demeure victime de discriminations et de violences en tout genre.
Et le colloque tenu un jour avant la Journée internationale de la femme a eu pour mérite de permettre une « reconnaissance du féminisme musulman », salue Florence Rochefort, historienne, chargée de recherche au CNRS au sein du Groupe Sociétés, Religions et Laïcité.
« C’est déjà un acquis, qu’il y ait reconnaissance de ce nouveau fait social qui prend plusieurs caractéristiques », note-t-elle. Ces féminismes islamiques sont surtout le fruit de « mouvements de théologiennes isolées, singulières et très éduquées », constate-t-elle également. Ils prennent par ailleurs de multiples formes et dépendent ainsi des différentes interprétations de l’islam.
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