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Lionnes et gazelles

Gaza, qui nous libère

Par Mehrézia Labidi-Maïza*

Rédigé par Mehrézia Labidi-Maïza | Mercredi 9 Juin 2010 à 13:24

           

« Nous avons pris part à la Flottille de la liberté non pas seulement pour libérer Gaza, mais surtout pour nous libérer nous-mêmes, Gaza nous a libérés alors qu’elle est assiégée. »



Mehrézia Labidi-Maïza : « Si Gaza nous a libérés, elle demeure toujours assiégée. »
Mehrézia Labidi-Maïza : « Si Gaza nous a libérés, elle demeure toujours assiégée. »
Ces mots, ce sont ceux de Hanine Zohbi, cette jeune femme, citoyenne arabe israélienne et députée au Knesset, représentant le parti patriotique démocrate. Ces mots, elle les a chèrement payés : violemment prise à partie le lendemain de son retour par plusieurs députés israéliens, elle vient d'être sanctionnée par une commission au Knesset, qui lui a supprimé ses privilèges de députée élue, et a aussi reçu des menaces de mort, selon le site arabe d'information panet).

Par le « nous », Hanine Zohbi désignait toutes les personnes qui était à bord des bateaux formant la Flottille et notamment le Marmara. Ces hommes et ces femmes, jeunes et vieux, qui se sont trouvés à bord du même bateau dans un même état d’esprit : ils se sentaient libérés, libérés de la peur d’affronter l’une des plus puissantes armées au monde, auteur de l’injustice qu’est le blocus de Gaza, même s’ils savaient qu’elle avait les moyens de mettre ses menaces à exécution, libérés de leur égoïsme et de leurs préoccupations quotidiennes, libérés de leurs différences ethniques, politiques et religieuses.

Et ils étaient unis par le même but : forcer le blocus « immoral », selon les mots de Ban Kimoon lui-même, et apporter un peu de joie et de vie à la population de Gaza. Le porte-parole de l’armée, qui a envoyé ses soldats tuer à bout portant neuf d’entre eux et intercepter de force leur bateau, accuse ces hommes et ces femmes d’être « provocateurs » et d’avoir un agenda politique.

C’est à leur honneur de provoquer de cette manière par « un acte de désobéissance civile internationale » et bienvenu à leur agenda politique, s’il s’agit de mettre fin au siège imposé à un million et demi d’êtres humains. En fait, ils réhabilitent, par leur action, notre humanité à tous. Ils sauvent aussi les valeurs de la religion juive et les valeurs humaines qui nous réunissent de la barbarie et de l’aveuglement des leaders politiques et militaires israéliens.

D’ailleurs, le grand éditorialiste de Haaretz. Gidéon Levy, le dit bien dans son éditorial du 31 juin 2010 : « la vraie provocation » est de maintenir le siège inhumain de Gaza et de continuer la colonisation. Le jugement qu’il porte sur « la prise de contrôle mortelle » de la Flottille de la liberté est sans appel. Il rappelle ses prises de position lors de la frappe de Gaza et assure que l’armée israélienne s’est discréditée, « l’armée la plus morale au monde a échoué encore une fois ».

En lisant son éditorial, je me suis dis heureusement qu’il y a des voix libres comme lui qui savent franchir les barrières de la solidarité aveugle avec les siens pour condamner les actes condamnables commis par eux. Pourvu que des journalistes français suivent son exemple et nous épargnent leurs « euphémismes » qui ne veulent rien dire, à part le fait qu’ils sont en perte de leur capacité d’indignation et d’intégrité journalistiques. Seraient-ils les seuls réfractaires à l’élan libérateur de Gaza ?

Cet élan qui a entrainé tout le monde, en témoignent les centaines, voire plus, de manifestations qui ont eu lieu en même temps dans les métropoles européennes et mondiales.

Oui, il y avait certainement de la colère contre le gouvernement et l’armée israéliens, qui s’enfoncent de plus en plus dans leur logique violente et meurtrière, tel un mastodonte effrayé et surarmé qui écrase tous les petits David, même s’ils ne le visent pas par des pierres mais seulement portent du pain à leurs frères affamés. Quand est-ce que ce géant apeuré et destructeur va-t-il être libéré de sa violence destructrice des vies humaines et de l’espoir de paix ?

J’ai lu sur le site du CRIF que M. Prasquier prévoit de fournir un effort d’explication à la suite de l’attaque de la Flottille de la liberté : j’espère que ses explications s’adresseront aussi aux dirigeants israéliens pour leur faire comprendre que s’enliser dans la violence démesurée ne fait qu’alimenter la colère et la haine et dévaster les projets de réconciliation et de paix.

J'ai dit qu’il y avait de la colère chez les manifestants mais surtout de l’amour, un amour envers leurs frères humains qui souffrent tels que les habitants de Gaza, jeunes ou vieux, musulmans ou chrétiens, hommes ou femmes, et amour envers les frères qui ont donné leur vie pour sauver les autres tels que les neuf victimes de l’arraisonnement musclé de Marmara et telle que Rachel Corrie dont le nom est porté pour le deuxième navire arraisonné, Dieu merci sans occasionner d’autres victimes.

Mais, si Gaza nous a libérés, elle demeure toujours assiégée. Donc continuons à nous mobiliser pour qu’elle respire de nouveau l’air de la liberté. On ne peut servir la paix sans dénoncer la violence !


* Mehrézia Labidi-Maïza est coordinatrice de Femmes croyantes pour la paix.






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