Tout esprit rationnel recherche la vérité à travers un ordre des faits, un ordre qui relie les choses entre elles. Autrement dit, un fait ou une chose ne délivre sa véracité que rapporté dans son contexte et relié à tous les autres faits et choses qui relèvent du même contexte et de la même réalité.
Partant de ce paradigme, analyser un fait, en restant dans ses limites, c’est forcément restreindre la raison et priver la vérité de se manifester de manière éclatante et évidente. Il en est ainsi quand on s’efforce de justifier la vérité d’une interprétation d’un texte en se limitant à son contenu, donc à ses postulats et à ses affirmations. En effet, quand on se cloître dans les limites d’un espace idéel, on se trouve fatalement prisonnier de ses propres réflexes qui tendent à affirmer ou à conforter nos pensées et nos tendances. C’est en quelque sorte l’adoption du principe de l’immanence dans l’interprétation et l’explication d’un texte.
Le débat qui agite depuis quelques années le monde islamique autour de sa religion et de sa capacité à suivre les mouvements de la modernité, en rapport avec tous les pays cultivant une certaine proximité géographique, politique et aussi humaine avec lui, me semble baigner dans cette atmosphère où les mêmes arguments et contre-arguments s’exhibent et se ressassent, puisant tous leur force de conviction dans le corpus coranique. Cette « orthodoxie », obligeant à puiser son argumentaire exclusivement dans le texte fondateur, en l’occurrence le Coran, me semble dénoter les insuffisances suivantes.
Partant de ce paradigme, analyser un fait, en restant dans ses limites, c’est forcément restreindre la raison et priver la vérité de se manifester de manière éclatante et évidente. Il en est ainsi quand on s’efforce de justifier la vérité d’une interprétation d’un texte en se limitant à son contenu, donc à ses postulats et à ses affirmations. En effet, quand on se cloître dans les limites d’un espace idéel, on se trouve fatalement prisonnier de ses propres réflexes qui tendent à affirmer ou à conforter nos pensées et nos tendances. C’est en quelque sorte l’adoption du principe de l’immanence dans l’interprétation et l’explication d’un texte.
Le débat qui agite depuis quelques années le monde islamique autour de sa religion et de sa capacité à suivre les mouvements de la modernité, en rapport avec tous les pays cultivant une certaine proximité géographique, politique et aussi humaine avec lui, me semble baigner dans cette atmosphère où les mêmes arguments et contre-arguments s’exhibent et se ressassent, puisant tous leur force de conviction dans le corpus coranique. Cette « orthodoxie », obligeant à puiser son argumentaire exclusivement dans le texte fondateur, en l’occurrence le Coran, me semble dénoter les insuffisances suivantes.
Le dilemme des lectures plurielles du Coran
1. Les thèses et interprétations qu’on entend réfuter puisent pareillement leurs arguments à la même source ; par conséquent, il y a égalité des armes argumentaires. Une interprétation aussi progressiste que possible, sélectionnant ses moyens de défense dans la même source, ne présente aucun avantage par rapport à toutes les autres interprétations possibles. Elle leur reste égale en droit et en liberté de pensée. Certes, on finit par reconnaître que le Coran est susceptible de plusieurs lectures ; cependant, cela ne tranche en rien le débat, ni ne dissuade les littéralistes à soumettre avec force arguments le présent et le futur au passé, au nom d’une orthodoxie conforme à la volonté manifeste de Dieu. Faute d’un arbitrage suprême concluant, donc convaincant, point de possibilité de sortir de la cacophonie dans laquelle s’est installée la réflexion sur l’islam.
2. Ce recours obligé à la même source signifie aussi possibilité d’y trouver les arguments qui étayent, de façon égale, les différentes interprétations qu’une lecture orientée fonde. Vous me présentez un verset qui corrobore votre thèse ? Je vous oppose un autre, qui ne la réfute certes pas mais, étant puisé dans le même texte, en retire la même force textuelle et peut contredire votre point de vue.
3. Un vrai dilemme se dresse devant la raison, notamment dans le cas d’impossibilité de recourir à l’arbitrage de l’auteur du texte et en l’absence d’une autorité disposant du pouvoir de dire le droit et donc la vérité.
En conséquence, on n’est pas sorti de l’auberge ! La seule et unique issue à ce dilemme est de recourir à la raison. Cette raison, qui, comme nous le disions supra, consiste à satisfaire la tendance fondamentale et naturelle de l’esprit.
Recourir à la raison ne signifie pas sa supériorité à la parole de Dieu. La Création ne saurait surpasser le Créateur. Rien n’est supérieur à Dieu et à Sa parole. L’esprit humain n’est pas étranger à la parole de Dieu, il lui est intimement lié. Si Dieu s’adresse à l’homme, c’est parce que celui-ci dispose de l’esprit (Dieu ne s’adresse pas aux autres créatures dépourvues de la raison). Il est le moyen unique dont Dieu a doté l’homme pour qu’il recherche la vérité (il n’est pas besoin de citer des versets qui vont dans ce sens), qui commence par la reconnaissance de Son existence et des bienfaits qu’Il lui dispense.
Ainsi, seule la raison est à même de départager les différentes interprétations et, par conséquent, de conforter celle qui est conforme à la vérité et à la justice et de barrer la route à celles qui prêchent l’obscurantisme.
2. Ce recours obligé à la même source signifie aussi possibilité d’y trouver les arguments qui étayent, de façon égale, les différentes interprétations qu’une lecture orientée fonde. Vous me présentez un verset qui corrobore votre thèse ? Je vous oppose un autre, qui ne la réfute certes pas mais, étant puisé dans le même texte, en retire la même force textuelle et peut contredire votre point de vue.
3. Un vrai dilemme se dresse devant la raison, notamment dans le cas d’impossibilité de recourir à l’arbitrage de l’auteur du texte et en l’absence d’une autorité disposant du pouvoir de dire le droit et donc la vérité.
En conséquence, on n’est pas sorti de l’auberge ! La seule et unique issue à ce dilemme est de recourir à la raison. Cette raison, qui, comme nous le disions supra, consiste à satisfaire la tendance fondamentale et naturelle de l’esprit.
Recourir à la raison ne signifie pas sa supériorité à la parole de Dieu. La Création ne saurait surpasser le Créateur. Rien n’est supérieur à Dieu et à Sa parole. L’esprit humain n’est pas étranger à la parole de Dieu, il lui est intimement lié. Si Dieu s’adresse à l’homme, c’est parce que celui-ci dispose de l’esprit (Dieu ne s’adresse pas aux autres créatures dépourvues de la raison). Il est le moyen unique dont Dieu a doté l’homme pour qu’il recherche la vérité (il n’est pas besoin de citer des versets qui vont dans ce sens), qui commence par la reconnaissance de Son existence et des bienfaits qu’Il lui dispense.
Ainsi, seule la raison est à même de départager les différentes interprétations et, par conséquent, de conforter celle qui est conforme à la vérité et à la justice et de barrer la route à celles qui prêchent l’obscurantisme.
La foi solidement charpentée par la raison
Ce dont nous avons besoin, c’est de la rationalisation de la foi. Faire la partie belle à la foi dans le dos de la raison, c’est fricoter avec la superstition. C’est faire bande à part, c’est se désolidariser de la matrice qui nous porte tous, à savoir l’humanité considérée comme un tout solidaire dans la destinée.
Le Coran est certes sacré. Cependant, sa sacralité devrait, selon la raison humaine, correspondre dans l’harmonie avec les lois de Dieu qui régissent la Création et, en premier lieu, la loi déterminante et rationnelle de l’évolution dans le temps et par l’effet du temps.
L’homme, par l’esprit dont il bénéficie par la grâce de Dieu, se doit, conformément à la mission qui lui est confiée par son Créateur, de rechercher et de découvrir la vérité. Aucune vérité n’est toute disposée dans la clarté et l’accessibilité à l’homme, autrement il n’y aurait eu ni envois de prophètes et de messagers, ni de parole Divine à l’adresse de l’homme, celui-ci se serait suffi à lui-même.
Si la parole de Dieu est venue guider l’homme vers la lumière de la vérité, il n’empêche qu’elle s’adresse d’abord et surtout à sa raison. La foi en découlera pour tout ce que cette raison, dans son état du moment, ne peut découvrir tant par la réflexion pure que par l’expérience. Autant dire que la foi et la raison se conjuguent pour guider l’homme, orienter son action, dans un décorticage mutuellement consenti.
C’est ce qu’on peut appeler : conjuguer la foi et la raison pour un résultat humain. La foi étant solidement charpentée par la raison et la foi assumant son rôle assagissant à l’égard de la raison. Osons dire que le musulman se doit de reconnaître la vérité par la foi en Dieu, sans pour autant négliger de l’étayer par la raison. Autrement dit, la foi affirme et la raison démontre.
« Et Nous n’avons envoyé de messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer » (Coran, s. 14, v. 4). La parole de Dieu nous éclaire, c’est-à-dire nous facilite la compréhension de la vérité des choses que nous devons entreprendre par le biais de la raison. La parole de Dieu est un éclairage, une lumière qui guide notre réflexion et non une dispense de réflexion.
Le Coran est certes sacré. Cependant, sa sacralité devrait, selon la raison humaine, correspondre dans l’harmonie avec les lois de Dieu qui régissent la Création et, en premier lieu, la loi déterminante et rationnelle de l’évolution dans le temps et par l’effet du temps.
L’homme, par l’esprit dont il bénéficie par la grâce de Dieu, se doit, conformément à la mission qui lui est confiée par son Créateur, de rechercher et de découvrir la vérité. Aucune vérité n’est toute disposée dans la clarté et l’accessibilité à l’homme, autrement il n’y aurait eu ni envois de prophètes et de messagers, ni de parole Divine à l’adresse de l’homme, celui-ci se serait suffi à lui-même.
Si la parole de Dieu est venue guider l’homme vers la lumière de la vérité, il n’empêche qu’elle s’adresse d’abord et surtout à sa raison. La foi en découlera pour tout ce que cette raison, dans son état du moment, ne peut découvrir tant par la réflexion pure que par l’expérience. Autant dire que la foi et la raison se conjuguent pour guider l’homme, orienter son action, dans un décorticage mutuellement consenti.
C’est ce qu’on peut appeler : conjuguer la foi et la raison pour un résultat humain. La foi étant solidement charpentée par la raison et la foi assumant son rôle assagissant à l’égard de la raison. Osons dire que le musulman se doit de reconnaître la vérité par la foi en Dieu, sans pour autant négliger de l’étayer par la raison. Autrement dit, la foi affirme et la raison démontre.
« Et Nous n’avons envoyé de messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer » (Coran, s. 14, v. 4). La parole de Dieu nous éclaire, c’est-à-dire nous facilite la compréhension de la vérité des choses que nous devons entreprendre par le biais de la raison. La parole de Dieu est un éclairage, une lumière qui guide notre réflexion et non une dispense de réflexion.
Sacralité originelle et contexte en mouvement
La sacralité du Coran est incontestable par son origine. Cependant, par sa destination, la parole de Dieu se plie à ses lois sur Terre et la première de ces lois est, répétons-le encore une fois, la loi du changement, de l’évolution des mentalités, des modes de vie, qui se conforment au progrès que cette loi instille en l’homme. Comme un juste et instructif parallèle, rappelons que la liberté de Dieu (et donc son pouvoir) est illimitée et infinie : « Et Allah fait ce qu’Il veut » (Coran, s. 14, v. 27) ; « Quand Il veut une chose, Il lui dit : “sois” et elle est » (Coran, s. 36, v. 82).
Et pourtant, par sa bonté infinie à l’égard de l’homme, Dieu a limité Son omnipotence en étant Juste et en recommandant la justice à l’homme. Il en est de même de la parole de Dieu, qui ne perd absolument rien de sa sacralité originelle en s’adaptant au contexte et à l’étape historique où elle est révélée. Le seul et unique moyen de reconnaître cette justice, de l’établir ou de la rétablir, est justement la raison, guidée et éclairée par la parole de Dieu.
En définitive peut-on dire que la parole de Dieu est un code de compréhension du sens et de conduite, où les principes achevés, les vérités immatérielles ‒ donc tout l’universel, qui est immuable ‒ côtoient des vérités temporelles, pratiques et répondant à des besoins immédiats, fruits d’une étape dans le développement de l’intellect ne permettant de découvrir que cette partie de la vérité accessible à un moment donné et dans un espace déterminé de l’Histoire humaine.
****
Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.
Et pourtant, par sa bonté infinie à l’égard de l’homme, Dieu a limité Son omnipotence en étant Juste et en recommandant la justice à l’homme. Il en est de même de la parole de Dieu, qui ne perd absolument rien de sa sacralité originelle en s’adaptant au contexte et à l’étape historique où elle est révélée. Le seul et unique moyen de reconnaître cette justice, de l’établir ou de la rétablir, est justement la raison, guidée et éclairée par la parole de Dieu.
En définitive peut-on dire que la parole de Dieu est un code de compréhension du sens et de conduite, où les principes achevés, les vérités immatérielles ‒ donc tout l’universel, qui est immuable ‒ côtoient des vérités temporelles, pratiques et répondant à des besoins immédiats, fruits d’une étape dans le développement de l’intellect ne permettant de découvrir que cette partie de la vérité accessible à un moment donné et dans un espace déterminé de l’Histoire humaine.
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