Tout le monde a constaté , même les sourds et les non-voyants, qu’une vague islamophobe toujours plus grande déferle sur notre pays avec des dégâts considérables pour les populations victimes mais aussi pour la cohésion sociale et notre fameuse identité nationale.
A l’image d’un tsunami, cette vague destructrice a bien une origine que la majorité de la classe politique feint d’ignorer, alors qu’elle en est elle-même en très grande partie responsable.
Depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, les hommes et femmes politiques de droite et de gauche ont diabolisé l’islam et les musulmans, que ce soit dans les quartiers, dans les usines ,dans les foyers de travailleurs, dans les établissements scolaires et même dans la rue.
De Pierre Mauroy, qui islamisait déjà la question sociale de nos parents en lutte dans les usines pour leurs droits de salariés, en passant par le bruit et les odeurs de Chirac, puis « les femmes voilées, femmes violées » de Ségolène en passant par les moutons dans la baignoire de Sarkozy, et pour finir, plus près de chez nous, les propos essentialisants de Nadine Morano sur le jeune musulman ou André Gérin sur la burqa, ont bien constitué, à partir du plus haut sommet de l’Etat, le socle et la culture commune qui ont permis ces déchaînements racistes et islamophobes.
Les gouvernements successifs n’ont rien trouvé de mieux que de nous pondre une loi d’exception le 15 mars 2004 pour stigmatiser définitivement une partie de la population française, en encourageant les replis communautaires qui n’ont fait qu’augmenter depuis.
Un fond postcolonial, raciste et islamophobe, couplé à la lepénisation des esprits et à des calculs politiciens, n’a fait que traduire dans les faits un subconscient collectif dans lequel l’arabo-musulman reste l’Autre, l’indésirable, et, si besoin, en temps de crise, le bouc émissaire. Nos chers médias et certains intellectuels peu scrupuleux n’ont fait que souffler sur les braises !
Donc notre situation ne serait qu’une suite logique, me diriez vous ? Oui, mais ce qui l’est moins, c’est l’attitude des citoyens français de confession musulmane et des imams, responsables et autres pseudo-représentants du culte musulman qui ont choisi de brader leur dignité, soit en courant derrière ces partis de l’extrême droite à l’extrême gauche, pour avoir une petite place ou une égalité illusoire, soit en s’attablant à tout prix dans les salons de la République pour y avaler toutes sortes de couleuvres, et servir de caution à une politique d’Etat, qui consiste à museler, à contrôler l’islam de France et à le formater selon les désideratas des tenants du pouvoir et des dominants.
La question palestinienne, la guerre en Afghanistan, les révoltes des quartiers populaires, la liberté d’expression dans les mosquées, le droit d’affirmer sa foi conformément à la laïcité, la liberté d’aller et de venir sont sacrifiés sur l’autel de la représentativité et de ce qu’on appelle naïvement l’islam de France ou moins naïvement l’islam modéré.
Combien d’imams ont été expulsés de France sans jugement et sous des prétextes fallacieux dans l’indifférence de ces pseudo-représentants ou responsables (malheureusement, parfois, grâce à leur excès de zèle et leur servilité pour prétendument trier le bon grain de l’ivraie) ? Combien de musulmans engagés ont perdu leur travail ? Combien de musulmanes portant le voile sont obligées de s’humilier quotidiennement pour aller travailler ou étudier en quittant leur foulard ? Combien de musulmans sont fichés simplement parce qu’ils ne mangent pas de viande de porc, ne boivent pas d’alcool, ou font la prière ou s’absentent le jour de l’Aïd ? Combien d’imams et responsables de mosquées ont reçu l’ordre d’aller en préfecture recevoir les injonctions de la ministre de l’Intérieur lors des massacres de Gaza ? Même la transmission de la prière du vendredi est censurée et brouillée sur une radio communautaire, lorsque l’imam s’aventure à faire des invocations pour le peuple palestinien !
Face à ces dérives sécuritaires et cette gestion néocoloniale de l’islam de France, nos chers responsables, qui auraient pu saisir les tribunaux ou interpeller leurs tuteurs politiques au gouvernement lorsqu’un fonctionnaire des Renseignements généraux décide sur ordre du préfet de ficher le personnel musulman de la ville de Lyon et du conseil régional Rhône-Alpes, n’ont rien trouvé de mieux que d’aller boire le café au ministère de l’Intérieur, et rester bien dociles en créant un précédent à la Vichy.
Comment peut-on accepter de cautionner par son silence ou sa complicité de telles pratiques gouvernementales dignes, en effet, de Vichy et de la chasse aux Juifs avant-guerre, et venir ensuite prétendre défendre la communauté musulmane ou lutter contre l’islamophobie ? Il est vrai que lorsqu’on a mis un doigt dans l’engrenage, le système vous broie, comme l’avait dit François Mitterand !
Comment peut-on nous dire, comme certains responsables musulmans, que la loi du 15 mars 2004 (traitée par Jean-Michel Belorgey de loi scélérate, et qui reste foncièrement injuste et discriminatoire) doit être acceptée et que maintenant qu’elle est votée il faut lui obéir ? A croire que certains n’attendaient que cela pour faire fleurir les écoles privées musulmanes, qui bien que répondant partiellement aux besoins des jeunes filles exclues est en train de favoriser le communautarisme et la sélection par l’argent.
Aujourd’hui, les responsables de mosquées et d’associations musulmanes doivent prendre leur responsabilités et avoir le courage de s’opposer, je dirai même se révolter, contre ce traitement discriminatoire par la République et ses représentants de l’islam et des musulmans de France. Ils doivent, comme nous l’avons fait et continuons à le faire, dénoncer les atteintes à la laïcité que commet le pouvoir actuel en s’immisçant dans les affaires musulmanes directement ou à travers les consulats étrangers. Ils doivent dénoncer la politique de la peur qui pèse plus particulièrement sur les titulaires de cartes de résident parmi ceux qui refusent de collaborer avec la police ou d’autres services en vue de criminaliser leurs frères, ou faire expulser ceux qui ne prônent pas un islam soumis aux injonctions des politiques impérialistes et colonialistes de l’Occident.
Ordonnons le boycott des relations entre l’Etat, les musulmans et leurs représentants réels ou supposés, en exigeant que la République nous traite de manière égalitaire dans le respect strict de la loi et du cadre laïc et démocratique qui doit régir tous les citoyens. Refusons de répondre aux enquêteurs qui viennent régulièrement prendre la température dans nos mosquées ou nos quartiers, refusons les invitations piégées et intéressées de tel ou tel élu de droite ou de gauche, qui ne nous sollicite que comme pions dans son jeu d’échec politique et sa stratégie électoraliste. Soyons libres de toute pression et de tout chantage ou appât du gain et nous aurons tout à gagner !
Refusons les appels directs ou indirects des médias et autres personnalités politiques qui nous sollicitent après nous avoir diabolisés et jetés en pâture sur la place publique, pour ensuite nous dire : aidez-nous à lutter contre les extrémistes et autres intégristes.
Nous ne voulons pas de privilèges, en sommant le gouvernement ou nos hommes et femmes politiques à venir faire allégeance lors de telle ou telle cérémonie, ni obtenir des passe-droits, ni d’instaurer des bachagas pour parler en notre nom, nous émettre des fatwas pour tel ou tel événement ou nous prêcher la bonne parole du maître, mais nous voulons simplement le respect de nos droits constitutionnels et notre indépendance : l’islam de France sera libre ou ne sera pas.
Obtenir la nationalité française, une carte de résident ou un emploi ou un avantage social au détriment de nos principes n’est, en effet ,pas digne et risque de se payer très cher ici et dans l’au-delà.
* Abdelaziz Chaambi est président de la Coordination contre le racisme et l'islamophobie : www.crifrance.com
Du même auteur :
Consensus islamophobe à Lyon
Khaled Kelkal : une réflexion à partager 10 ans après
A l’image d’un tsunami, cette vague destructrice a bien une origine que la majorité de la classe politique feint d’ignorer, alors qu’elle en est elle-même en très grande partie responsable.
Depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, les hommes et femmes politiques de droite et de gauche ont diabolisé l’islam et les musulmans, que ce soit dans les quartiers, dans les usines ,dans les foyers de travailleurs, dans les établissements scolaires et même dans la rue.
De Pierre Mauroy, qui islamisait déjà la question sociale de nos parents en lutte dans les usines pour leurs droits de salariés, en passant par le bruit et les odeurs de Chirac, puis « les femmes voilées, femmes violées » de Ségolène en passant par les moutons dans la baignoire de Sarkozy, et pour finir, plus près de chez nous, les propos essentialisants de Nadine Morano sur le jeune musulman ou André Gérin sur la burqa, ont bien constitué, à partir du plus haut sommet de l’Etat, le socle et la culture commune qui ont permis ces déchaînements racistes et islamophobes.
Les gouvernements successifs n’ont rien trouvé de mieux que de nous pondre une loi d’exception le 15 mars 2004 pour stigmatiser définitivement une partie de la population française, en encourageant les replis communautaires qui n’ont fait qu’augmenter depuis.
Un fond postcolonial, raciste et islamophobe, couplé à la lepénisation des esprits et à des calculs politiciens, n’a fait que traduire dans les faits un subconscient collectif dans lequel l’arabo-musulman reste l’Autre, l’indésirable, et, si besoin, en temps de crise, le bouc émissaire. Nos chers médias et certains intellectuels peu scrupuleux n’ont fait que souffler sur les braises !
Donc notre situation ne serait qu’une suite logique, me diriez vous ? Oui, mais ce qui l’est moins, c’est l’attitude des citoyens français de confession musulmane et des imams, responsables et autres pseudo-représentants du culte musulman qui ont choisi de brader leur dignité, soit en courant derrière ces partis de l’extrême droite à l’extrême gauche, pour avoir une petite place ou une égalité illusoire, soit en s’attablant à tout prix dans les salons de la République pour y avaler toutes sortes de couleuvres, et servir de caution à une politique d’Etat, qui consiste à museler, à contrôler l’islam de France et à le formater selon les désideratas des tenants du pouvoir et des dominants.
La question palestinienne, la guerre en Afghanistan, les révoltes des quartiers populaires, la liberté d’expression dans les mosquées, le droit d’affirmer sa foi conformément à la laïcité, la liberté d’aller et de venir sont sacrifiés sur l’autel de la représentativité et de ce qu’on appelle naïvement l’islam de France ou moins naïvement l’islam modéré.
Combien d’imams ont été expulsés de France sans jugement et sous des prétextes fallacieux dans l’indifférence de ces pseudo-représentants ou responsables (malheureusement, parfois, grâce à leur excès de zèle et leur servilité pour prétendument trier le bon grain de l’ivraie) ? Combien de musulmans engagés ont perdu leur travail ? Combien de musulmanes portant le voile sont obligées de s’humilier quotidiennement pour aller travailler ou étudier en quittant leur foulard ? Combien de musulmans sont fichés simplement parce qu’ils ne mangent pas de viande de porc, ne boivent pas d’alcool, ou font la prière ou s’absentent le jour de l’Aïd ? Combien d’imams et responsables de mosquées ont reçu l’ordre d’aller en préfecture recevoir les injonctions de la ministre de l’Intérieur lors des massacres de Gaza ? Même la transmission de la prière du vendredi est censurée et brouillée sur une radio communautaire, lorsque l’imam s’aventure à faire des invocations pour le peuple palestinien !
Face à ces dérives sécuritaires et cette gestion néocoloniale de l’islam de France, nos chers responsables, qui auraient pu saisir les tribunaux ou interpeller leurs tuteurs politiques au gouvernement lorsqu’un fonctionnaire des Renseignements généraux décide sur ordre du préfet de ficher le personnel musulman de la ville de Lyon et du conseil régional Rhône-Alpes, n’ont rien trouvé de mieux que d’aller boire le café au ministère de l’Intérieur, et rester bien dociles en créant un précédent à la Vichy.
Comment peut-on accepter de cautionner par son silence ou sa complicité de telles pratiques gouvernementales dignes, en effet, de Vichy et de la chasse aux Juifs avant-guerre, et venir ensuite prétendre défendre la communauté musulmane ou lutter contre l’islamophobie ? Il est vrai que lorsqu’on a mis un doigt dans l’engrenage, le système vous broie, comme l’avait dit François Mitterand !
Comment peut-on nous dire, comme certains responsables musulmans, que la loi du 15 mars 2004 (traitée par Jean-Michel Belorgey de loi scélérate, et qui reste foncièrement injuste et discriminatoire) doit être acceptée et que maintenant qu’elle est votée il faut lui obéir ? A croire que certains n’attendaient que cela pour faire fleurir les écoles privées musulmanes, qui bien que répondant partiellement aux besoins des jeunes filles exclues est en train de favoriser le communautarisme et la sélection par l’argent.
Aujourd’hui, les responsables de mosquées et d’associations musulmanes doivent prendre leur responsabilités et avoir le courage de s’opposer, je dirai même se révolter, contre ce traitement discriminatoire par la République et ses représentants de l’islam et des musulmans de France. Ils doivent, comme nous l’avons fait et continuons à le faire, dénoncer les atteintes à la laïcité que commet le pouvoir actuel en s’immisçant dans les affaires musulmanes directement ou à travers les consulats étrangers. Ils doivent dénoncer la politique de la peur qui pèse plus particulièrement sur les titulaires de cartes de résident parmi ceux qui refusent de collaborer avec la police ou d’autres services en vue de criminaliser leurs frères, ou faire expulser ceux qui ne prônent pas un islam soumis aux injonctions des politiques impérialistes et colonialistes de l’Occident.
Ordonnons le boycott des relations entre l’Etat, les musulmans et leurs représentants réels ou supposés, en exigeant que la République nous traite de manière égalitaire dans le respect strict de la loi et du cadre laïc et démocratique qui doit régir tous les citoyens. Refusons de répondre aux enquêteurs qui viennent régulièrement prendre la température dans nos mosquées ou nos quartiers, refusons les invitations piégées et intéressées de tel ou tel élu de droite ou de gauche, qui ne nous sollicite que comme pions dans son jeu d’échec politique et sa stratégie électoraliste. Soyons libres de toute pression et de tout chantage ou appât du gain et nous aurons tout à gagner !
Refusons les appels directs ou indirects des médias et autres personnalités politiques qui nous sollicitent après nous avoir diabolisés et jetés en pâture sur la place publique, pour ensuite nous dire : aidez-nous à lutter contre les extrémistes et autres intégristes.
Nous ne voulons pas de privilèges, en sommant le gouvernement ou nos hommes et femmes politiques à venir faire allégeance lors de telle ou telle cérémonie, ni obtenir des passe-droits, ni d’instaurer des bachagas pour parler en notre nom, nous émettre des fatwas pour tel ou tel événement ou nous prêcher la bonne parole du maître, mais nous voulons simplement le respect de nos droits constitutionnels et notre indépendance : l’islam de France sera libre ou ne sera pas.
Obtenir la nationalité française, une carte de résident ou un emploi ou un avantage social au détriment de nos principes n’est, en effet ,pas digne et risque de se payer très cher ici et dans l’au-delà.
* Abdelaziz Chaambi est président de la Coordination contre le racisme et l'islamophobie : www.crifrance.com
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Khaled Kelkal : une réflexion à partager 10 ans après