Votre portrait de « la femme voilée du métro » est l’aboutissement de décennies de déshumanisation. Vous êtes, contrairement à ce que vous pensez peut-être, dans la masse.
Je ne peux vous reprocher de penser ce que pense une majorité de vos concitoyens car c’est le produit d’une longue et lente pédagogie qui a consisté à nourrir chaque nouvel amalgame de l’amalgame précédent.
Je ne sais pas où vous étiez en 1989. Moi, j’étais au lycée et cette année m’a marquée car elle a gravement renforcé des préjugés qui pèsent sur la femme voilée d’aujourd’hui. Les préjugés ont force de la vérité car ils s’autojustifient : si vous avez peur de ce qu’une femme voilée peut cacher sous ses vêtements amples, votre instinct de survie s’exprime et le bénéfice du doute n’a alors pas le droit d’exister, vous choisissez donc de quitter la rame. On ne sait jamais… Si elle explose, vous vous féliciterez de votre perspicacité ; si elle n’explose pas, vous pourrez toujours vous dire que c’est anodin, quand la vie est en jeu on ne se pose pas de question : on file ! Et puis… vous n’avez fait de mal à personne.
Mais voilà ! Vous avez fait du tort à cette femme. Le fait de publier vos pensées à l’état brut porte préjudice à cette femme voilée malgré l’effort qu’elle a déployé depuis janvier 2015 pour continuer à vivre normalement, pour ne pas céder à la panique, pour ne pas prêter attention aux regards suspicieux et insistants, voire menaçants, pour continuer à rire, à être aimable. Vous avez tout fichu en l’air. Près de 12 mois d’efforts en vain, près de 12 mois de travail acharné brûlé par le papier incandescent que vous avez publié.
Vous avez transformé le sentiment d’insécurité de milliers de Français se reconnaissant en vous en acte légitime : quitter la rame de métro. On optera peut-être bientôt, sous la pression démocratique, pour la mise en quarantaine des femmes voilées. Vous imaginez un panneau à l’entrée d’une rame de chaque métro de Paris : « Pour femme voilée uniquement. Sinon c’est à vos risques et périls. Toute réclamation sera rejetée. »
Je ne peux vous reprocher de penser ce que pense une majorité de vos concitoyens car c’est le produit d’une longue et lente pédagogie qui a consisté à nourrir chaque nouvel amalgame de l’amalgame précédent.
Je ne sais pas où vous étiez en 1989. Moi, j’étais au lycée et cette année m’a marquée car elle a gravement renforcé des préjugés qui pèsent sur la femme voilée d’aujourd’hui. Les préjugés ont force de la vérité car ils s’autojustifient : si vous avez peur de ce qu’une femme voilée peut cacher sous ses vêtements amples, votre instinct de survie s’exprime et le bénéfice du doute n’a alors pas le droit d’exister, vous choisissez donc de quitter la rame. On ne sait jamais… Si elle explose, vous vous féliciterez de votre perspicacité ; si elle n’explose pas, vous pourrez toujours vous dire que c’est anodin, quand la vie est en jeu on ne se pose pas de question : on file ! Et puis… vous n’avez fait de mal à personne.
Mais voilà ! Vous avez fait du tort à cette femme. Le fait de publier vos pensées à l’état brut porte préjudice à cette femme voilée malgré l’effort qu’elle a déployé depuis janvier 2015 pour continuer à vivre normalement, pour ne pas céder à la panique, pour ne pas prêter attention aux regards suspicieux et insistants, voire menaçants, pour continuer à rire, à être aimable. Vous avez tout fichu en l’air. Près de 12 mois d’efforts en vain, près de 12 mois de travail acharné brûlé par le papier incandescent que vous avez publié.
Vous avez transformé le sentiment d’insécurité de milliers de Français se reconnaissant en vous en acte légitime : quitter la rame de métro. On optera peut-être bientôt, sous la pression démocratique, pour la mise en quarantaine des femmes voilées. Vous imaginez un panneau à l’entrée d’une rame de chaque métro de Paris : « Pour femme voilée uniquement. Sinon c’est à vos risques et périls. Toute réclamation sera rejetée. »
Voilà ce que je vous reproche. En tant que journaliste, vous n’avez pas eu assez de discernement pour travailler votre portrait et en faire un article soigné, digne d’un professionnel. Vous vous êtes contenté de prêter votre plume à votre boucher ou votre banquier sans prendre la peine de le relire.
L’Histoire se répète mais je rêve encore que l’issue ne sera pas semblable. Je rêve encore qu’il y a assez de bonnes volontés en France pour barrer la route à cette menace grandissante. L’heure est grave, Monsieur, mais je continue de rêver que, dans 30 ans, je serais encore debout dans cette rame de métro avec vous à mes côtés et tous vos concitoyens, chacun vaquant à ses occupations, chacun se souciant de l’autre comme un ami de toujours, comme un être humain tout simplement avec la joie et la tristesse qui marquent nos vies. Solidaires dans l’adversité et courageux face aux tentatives de tous bords de déshumaniser l’Autre.
Je rêve, Monsieur, qu’un jour nous prendrons la peine de partager un café sur une terrasse pour parler de la pluie et du beau temps afin de tordre le cou aux Cassandre des deux bords ou tout simplement pour le plaisir de partager un moment futile entre humains.
Je rêve, Monsieur, que vous ferez œuvre de réflexion sur vos écrits en lisant ma lettre et que vous serez heureux de découvrir sous le voile quelqu’un de semblable à vous, qui pense, qui doute et qui veut construire. Bien à vous.
*****
Zakia Abajjane est médecin.
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Unis dans la diversité, agissons avec responsabilité!
L’Histoire se répète mais je rêve encore que l’issue ne sera pas semblable. Je rêve encore qu’il y a assez de bonnes volontés en France pour barrer la route à cette menace grandissante. L’heure est grave, Monsieur, mais je continue de rêver que, dans 30 ans, je serais encore debout dans cette rame de métro avec vous à mes côtés et tous vos concitoyens, chacun vaquant à ses occupations, chacun se souciant de l’autre comme un ami de toujours, comme un être humain tout simplement avec la joie et la tristesse qui marquent nos vies. Solidaires dans l’adversité et courageux face aux tentatives de tous bords de déshumaniser l’Autre.
Je rêve, Monsieur, qu’un jour nous prendrons la peine de partager un café sur une terrasse pour parler de la pluie et du beau temps afin de tordre le cou aux Cassandre des deux bords ou tout simplement pour le plaisir de partager un moment futile entre humains.
Je rêve, Monsieur, que vous ferez œuvre de réflexion sur vos écrits en lisant ma lettre et que vous serez heureux de découvrir sous le voile quelqu’un de semblable à vous, qui pense, qui doute et qui veut construire. Bien à vous.
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Zakia Abajjane est médecin.
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