Faire preuve d'ouverture d'esprit et de tolérance est un sport départemental à l'Ile de La Réunion. A douze heures d'avion de Paris, les Réunionnais ont leur histoire propre. Musulmans, juifs, chrétiens, hindous, chinois, athées vivent ici en bonne intelligence avec les pratiques traditionnelles africaines. Le réflexe insulaire aidant, chacun met un point d'honneur à ne poser ni sa culture, ni ses convictions religieuses en facteur de division.
Une visibilité commerciale
Si les musulmans constituent une population très minoritaire, ils n'en sont pas moins présents par l'intermédiaire du commerce. Et leur réussite dans ce secteur les rend plutôt très visible. Généreux et pieux, ils savent aussi se montrer solidaires en affaires. C'est du moins la réputation qu'on leur envie sur l'île et qu'on évoque pour expliquer leur forte présence au centre-ville de Saint-Denis. Ce qui n'est pas sans conséquence. Car «malgré le charme du centre ville, il est impossible de s'y poser tranquille pour boire une bière. Tous les commerces sont Zarabes et les Zarabes ne vendent pas d'alcool », se plaint Dominique, venue de Paris pour vivre à Saint-Denis il y a déjà quelques années.
Mais d'une manière générale, les musulmans de La Réunion ont échappé au piège du commerce communautaire. Leurs activités économiques dépassent le cadre des produits « ethnik» classiques que sont le Halal, le Hajj et l'édition musulmane. Ils dirigent des magasins de vêtements à la mode, des magasins de meubles, de parfums, bijoux et bien d'autres types de produits sans connotation religieuse.
Durant ce mois de ramadan, le magasin Conforama de Saint-Denis, spécialisé dans le mobilier de maison, a adopté des horaires aménagés. « Cela permet au personnel Zarabe de rentrer à la maison pour la rupture du jeûne » nous explique une employée. Faut-il voir ici le résultat d'une revendication syndicale ? « Pas du tout, nous rétorque-t-on, c'est une décision de la direction: notre patron lui-même est Zarabe. Et ça arrange le personnel. Moi qui ne suis pas Zarabe, ça me permet de finir une demi-heure plus tôt. Mais après Ramadan on reprend l'horaire habituel. »
Le proviseur au secours des Zarabes
Dans un autre registre, M. Ibrahim Cadjée, chef d'établissement, a adressé une lettre à M. Abdoullah Mollan, président de l'Association islamique Sounnate Djamatte (AISD), la plus grande association musulmane de l'île. Dans cette lettre datée du 5 octobre, M. Cadjée explique les congés des enseignants musulmans le jour de l'Aïd. « Ces absences, au vu de la législation et du règlement, constituent un droit dans la mesure où elles sont comptabilisées avec le fonctionnement normal du service et elles ne sauraient être soumises à aucune récupération ou retenue de traitement. » Pour soutenir ses propos, le Proviseur y joint une photocopie du texte du Bulletin officiel de l'Education nationale précisant les jours de l'Aïd de l'année (BO N° 46 du 15 décembre 2005).
Dans Le Journal de l'île, un des deux quotidiens les plus populaires de l'Ile, le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) publie un encart intitulé « Eid Mubarack ». Dans un message en son nom et au nom de la CCI, il souhaite « à la communauté musulmane de l'île, une joyeuse fête de l'Eid ». De son côté, M. Michel Fontaine, maire de la ville de Saint-Pierre, où vit une forte communauté Zarabe très structurée, publie un encart publicitaire dans le même journal. Il souhaite « à tous les membres de la communauté musulmane un joyeux Eid el-Fitr ».
Loin de la polémique parisienne sur le début et la fin du Ramadan, le Zarabe de l'île de la Réunion a commencé le ramadan le lundi 25 septembre et a fêté l'Aïd le 24 octobre. A un jour près, il aura suivi le calendrier du Conseil français du culte musulman CFCM où des personnalités le représentent. Ce qui n'est pas encore le cas des musulmans de l'île de Mayotte, l'autre île française de l'Océan indien dont le statut est aujourd'hui la source d'une polémique des plus sensibles entre la France et la République islamique des Comores.