Le recteur de la Mosquée de Paris a mis fin à la crise du CFCM. Président du Conseil Français du culte musulman, M. Dalil Boubakeur a levé sa menace de boycotter les prochaines élections du Conseil. Mais avant que cette sagesse ne soit rendue publique et que le CFCM affiche l’image d’unité attendue, les Musulmans français ont célébré la fin du ramadan dans la confusion la plus totale. Certains ont fêté l’Aïd le samedi, comme en Arabie Saoudite. D’autres ont attendu dimanche comme le CFCM l’a annoncé, mais assez tardivement. Le Cheikh Khalil Merroun, recteur de la mosquée d’Evry, n’a voulu fâcher personne : il a ouvert la mosquée le samedi pour les uns. Il l’a ouverte le dimanche pour les autres. Nous avons voulu comprendre.
Saphirnet.info : Votre mosquée a célébré l’Aïd le samedi, puis vous l’avez célébré dimanche aussi. Comment justifiez-vous ce choix assez inhabituel ?
Khalil Merroun : Je ne suis pas un déserteur. J’ai ouvert la mosquée le samedi pour ceux qui voulaient célébrer l’Aïd. Et j’ai fait le plein. Il y avait près de 8 000 personnes. Dans la grande salle, dans les couloirs, dans les cours. Tous les espaces de la mosquée étaient occupés par les fidèles. Imaginez un seul instant que je ne les aie pas accueillis. Vous m’imaginez fermer la porte de la mosquée au nez de 8000 Musulmans qui sont partis de chez eux pour venir prier ? Même pour la Zakat el fitr (une aumône rituelle donnée avant la prière de l’Aïd, ndr), nous avons recueilli 13 000 € ce qui n’est pas loin des 15 000 € habituels. Ce n’est pas une question d’argent. Mais ce montant est un indice assez révélateur. Aujourd’hui (dimanche, ndr) nous avons accueilli environ 3000 personnes.
N’est ce pas pour suivre l’Arabie Saoudite que vous avez voulu fêter l’Aïd le samedi ?
Pas du tout. Il est vrai que l’Arabie Saoudite a fêté hier. Mais s’il n’y avait que les Saoudiens qui avaient fêté l’Aïd le samedi, je ne l’aurais pas fait. Mais il y a beaucoup d’autres pays comme le Qatar, la Palestine et bien d’autres encore… Pour prendre ma décision j’ai consulté des savants dont certains sont responsables de très prestigieuses mosquées au Maroc. J’ai désigné un imam pour le samedi et un autre pour le dimanche.
Mais ici en France, le Conseil français du culte musulmans dont vous êtes membre a fixé le jour de l’Aïd aujourd’hui dimanche.
Autrefois, bien avant le CFCM, nous nous réunissions entre imams, à la Mosquée de Paris, pour déterminer le début et la fin du Ramadan ensemble. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas, Dalil Boubakeur est venu et c’est lui qui décide tout maintenant. Il veut le faire tout seul. Il a encore beaucoup de choses à apprendre, y compris dans le domaine de la religion. Si cette décision du CFCM avait été concertée, elle aurait eu plus de mérite. Encore une fois, dans la situation actuelle, c’est M. Boubakeur qui veut tout décider tout seul…
Pourtant les CRCM se sont réunis jeudi 11 novembre à Paris. C’est dire qu’il y a des voies de discussion possibles. Seriez-vous pour la dislocation du CFCM ?
J’étais à la réunion de jeudi à Paris. J’étais en voyage mais je suis rentré spécialement, la veille de la réunion, pour y participer et j’ai exprimé clairement ce que j’avais sur le cœur. Mais vous savez bien que je suis favorable au CFCM. Actuellement ce sont les CRCM qui sont une réalité. Ceux qui y siègent ont été élus démocratiquement. C’est de cela qu’ils tiennent leur légitimité. Il faut donner la même légitimité au CFCM. M. Boubakeur a pris des engagements à Nainville-les-Roches. Il faut qu’il les respecte. La noblesse passe par le respect des engagements.
Pour l’heure, il y a des risques que la Mosquée de Paris de M. Boubakeur sorte unilatéralement du CFCM. Est-ce un schéma qui vous convient ?
Non. Parce que la Mosquée de Paris est très importante pour nous tous. C’est le premier lieu qui symbolise notre religion ici. Et cette mosquée a été construite pour le sang de nos aînés qui a été versé. Tout cela en fait un symbole qui est très important pour nous. Mais je fais une différence entre les personnes et les institutions. Moi je fais la différence entre les hommes et les murs.