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Société

L'empowerment pour donner le pouvoir aux citoyens des cités de France

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 25 Juin 2013 à 07:00

           

Les dernières élections présidentielles de 2012 ont été marquées par une forte abstention des habitants des quartiers populaires, dont beaucoup ne croit plus en la politique. Pourtant, en s’organisant en groupe, cette population a les cartes en main pour améliorer son quotidien. Si des mobilisations citoyennes ont existé et existent dans ce sens, Graines de France, un club de réflexion à destination des quartiers populaires et auteur du rapport « Organisez-vous ! Construire la participation politique en quartiers populaires », constate la nécessité de développer ces démarches.



Tout à droite William D. Burns, à côté de Réda Didi, président de Graines de France  et Yannick Jadot, député EELV, deuxième en partant de la gauche.
Tout à droite William D. Burns, à côté de Réda Didi, président de Graines de France et Yannick Jadot, député EELV, deuxième en partant de la gauche.
Graines de France a choisi, lundi 17 juin, une salle du Grand Palais, à Paris, pour présenter à la presse, son dernier rapport qui suit celui sur l’« Altérité, racisme et xénophobie dans les campagnes politiques françaises » en 2012.

Le cercle de réflexion à destination des quartiers populaires a décidé cette fois de s’attarder sur l’engagement citoyen de ces habitants avec un rapport intitulé « Organisez-vous ! Construire la participation politique en quartiers populaires » [à télécharger plus bas].

Empowerment : le pouvoir aux habitants des cités

« Empowerment », «community organizing » : ce sont les deux termes qui reviennent tout au long de cette présentation. Ces notions venues tout droit des Etats-Unis qualifient la manière dont des citoyens s’organisent pour créer un contre-pouvoir et ainsi faire valoir leurs droits et améliorer leur quotidien et leur cadre de vie.

En France, les habitants des quartiers populaires ont besoin de s’approprier ces outils, juge d’emblée Réda Didi, le président de Graines de France. Selon lui, ces territoires « ne sont pas forcément armés et manquent d’outils » alors qu’« améliorer leur quotidien passe par une phase d’organisation ». « L’idée de ce rapport est d’avoir un état des lieux en France », indique M. Didi.

Alors que les habitants des quartiers populaires se sentent abandonnés par les pouvoirs publics, « empowerment et community organizing, d’inspiration américaine sont présentés comme des nouveaux outils pour remobiliser les populations des quartiers », lit-on dans le rapport. « Dans son interprétation la plus radicale, l'empowerment s'incarne dans le community organizing visant à organiser les groupes dominés pour se structurer en contre-pouvoirs indépendants et influents. Il se déploie dans un contexte de faiblesse de l’intervention de l’Etat. Il s'agit de faire émerger une organisation locale d’habitants ("people’s organization") pour faire pression sur les décideurs politiques, économiques et médiatiques, principalement locaux afin d'améliorer les conditions de vie de la community », est-il ajouté.

William D. Burns, ancien directeur de campagne de Barack Obama pour les sénatoriales de 2000 et formateurs des leaders associatifs à Chicago, présent à la présentation presse du rapport, explique que cela permet de « favoriser la participation de la population citoyenne » et de « contribuer au changement ».

Faire face au désintérêt des habitants pour la politique

Si ces notions viennent des Etats-Unis, il est précisé que leur importation ne peut se faire telle quelle. De plus, les actions d’empowerment dans l’Hexagone ne sont pas nouvelles, fait-on savoir dans le rapport de Graines de France, qui cite les associations Emmaüs et ATD Quart-monde.

Mais force est de constater que « 30 ans après la mobilisation pour l’égalité et contre le racisme lancé par des jeunes des Minguettes, la demande des habitants des quartiers pour faire entendre leur voix demeure ». Pour Yannick Jadot, un autre intervenant présent, il y a nécessité « à sortir de la mise en scène du pouvoir en verticalité ». Le député d’Europe-Ecologie-les Verts (EELV) et militant écologiste déplore que le système politique français s’illustre « par l’élection tous les cinq ans d’un monarque ».

En France, la mise en place de ces mobilisations citoyennes dans les quartiers populaires se heurte au « désintérêt des habitants » qui ont une « méfiance envers les institutions et le personnel politique » et pour qui la recherche de financement peut s’avérer compliquée. « En France, les associations sont principalement financées par la subvention publique », note le rapport. M. Jadot fait remarquer qu’il y a « toujours l’idée d’un retour politique après financement » de la part des maires. Pour rester indépendantes, les associations doivent alors partir à la recherche de fonds, ce qui peut-être difficile. Aux Etats-Unis, ces groupes « doivent faire leurs preuves pour obtenir des fonds de la part de fondations », explique M. Burns.

La peur du communautarisme

Ces groupes, en travaillant ensemble, « vont pouvoir faire pression et dire aux responsables politiques : "Nous avons besoin de cela et vous allez le faire" », juge l’ancien directeur de campagne de Barack Obama. L’expression « L’union fait la force » prend alors tout son sens. En France, dernièrement, l’Amicale des Beaudottes à Sevran (Seine-Saint-Denis), une association de défense des locataires, a réussi à faire valoir les droits de locataires dont le bailleur recevait des charges indûment perçues, donne pour exemple Reda Didi.

Mais en France, ce genre d’action collective dans les banlieues est vite taxé de « communautariste » au sens négatif du terme. « Le fait de s’appuyer sur la notion de "communauté" a plutôt mauvaise presse en France, la mobilisation au travers de celle-ci semblant déboucher obligatoirement, selon l’opinion commune, sur un communautarisme culturel, ethnique ou religieux étroit qui fait peur », note Graines de France. Pourtant, « le ghetto américain, aujourd’hui principalement monocolore et pauvre, n’a pas d’équivalent dans les quartiers populaires français, pluricolores, pluri-ethniques, pluri-religieux ». « il s’agit davantage d’une communauté d’intérêts et d’expériences partagées », est-il remarqué.

Quant aux initiatives mises en place par les pouvoirs publics à travers les groupes d’action municipale (GAM) et la politique de la ville, leur action « signifie souvent dans ce cadre fournir de la seule information aux habitants mais pas de les inclure dans un processus de co-décision » regrette Graines de France.

Aujourd’hui, des pistes pour impulser davantage d'empowerment sont à trouver dans « une meilleure représentation des citoyens dans toute leur diversité » ou encore « une simplification et une plus grande transparence dans le financement des associations » synthétise le cercle de réflexion.

Pour sa part, Graines de France compte y contribuer en formant « les leaders » qui permettront cette impulsion. Onze représentants d’associations ont été sélectionnés pour suivre une formation en « Empowerment ». Elle a débutée le 15 juin et va s’étendre sur trois ans à raison de quatre week-end par an. L’un des modules dispensé s’intitule : « Agitation faire le buzz ». Savoir communiquer reste l’une des clés de succès des actions citoyennes.

« Le pouvoir est quelque chose qui se prend », martèle Réda Didi.

* Téléchargez le rapport « Organisez-vous ! Construire la participation politique en quartiers populaires » de Graines de France :





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