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Points de vue

L’islamophobie en questions : comment s’est construit le « problème musulman » ?

Rédigé par Salaam Sciences Po et CCIF | Jeudi 11 Avril 2013 à 07:15

           

Salaam Sciences Po et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) organisent conjointement le colloque « L’islamophobie en questions : comment s’est construit le "problème musulman" ? », sous la direction scientifique du sociologue, chargé de recherche à l’EHESS, Marwan Mohammed, toute la journée du 20 avril 2013 à Sciences Po. Voici leur tribune.



Dans le contexte hexagonal, la « question musulmane » est au cœur de nombreuses controverses remettant en cause la légitimité de la présence des musulmans (ou présumés) ainsi que la visibilité de l’Islam pratiqué sur le territoire national. Cette hostilité, revendiquée ou implicite, à l’encontre des musulmans se manifeste, au moins depuis la fin des années 1970, par une forte inflation de discours et de pratiques de disqualification et de discrimination.

Or, si la connaissance scientifique sur les pratiques religieuses des musulmans et sur l’institutionnalisation de l’Islam en France s’est considérablement développée depuis trois décennies, l’islamophobie, de manière très contrastée, n’a pas encore fait l’objet d’enquêtes historiques et sociologiques d’envergure. Sur ce point le contexte académique français contraste avec celui du monde universitaire anglophone, où s’accumulent des travaux pluri-disciplinaires sur le concept et la réalité de l’islamophobie. A titre d’exemple, l’université de Berkley vient de créer une revue et un centre de recherche dédiés à cette problématique.

La construction du « problème musulman » se trouve aujourd’hui au carrefour de nombreux enjeux sociaux. Il s’enracine dans une longue histoire entre l’Islam et l’Occident davantage marquée par les conflits et la colonisation que par l’interconnaissance et les alliances. En France, il est également indissociable d’une histoire douloureuse entre la république et la religion, du poids de l’immigration dans la construction de l’identité nationale ou des enjeux d’égalité entre femmes et hommes. Il est structuré par la question sociale et urbaine au regard de la fragilité socioéconomique d’une majorité de musulmans souvent installés dans des quartiers d’habitat social. Il résonne avec le contexte géopolitique contemporain, des tensions au Proche-Orient aux révolutions arabes en passant par la « lutte contre le terrorisme ».

S’appuyant sur des contributions académiques, l’objectif de ce colloque est de contribuer à clarifier les enjeux sous-jacents au rejet de l’Islam. Il s’agit autant d’interroger la valeur heuristique du concept d’islamophobie, que d’analyser les différents processus à l’œuvre dans la construction du « problème musulman » dans la France contemporaine en insistant sur l’importance des configurations et des stratégies des acteurs et en pointant les reconfigurations idéologiques et politiques autour du rejet de l’Islam visible.

L’hypothèse centrale qui sera soumis à l’examen critique des intervenants, est celui d’un renforcement considérable du phénomène « d’altérisation religieuse » qui tend à expliquer la réalité sociale par des facteurs racialo-religieux en se diffusant dans plusieurs espaces sociaux (médiatique, politique, scolaire, administratif, etc.).

Il s’agit aussi d’interroger les effets produits par l’islamophobie discursive, tant pour ceux qui l’énoncent (rétribution symbolique ou matérielle de la « cause islamophobe ») que pour ceux qui la subissent (l’islamophobie en actes, c’est-à-dire les pratiques discriminatoires visant spécifiquement les musulmans). Ceci pose la question de la mesure du phénomène par des indicateurs scientifiquement établis et par l’élaboration d’une méthodologie appropriée. Il s’agit enfin d’étudier la réception du discours islamophobe par les musulmans ainsi que les formes de contestation – ou de déni – de l’islamophobie par l’action collective et la mobilisation du droit anti-discrimination.





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