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Points de vue

La République de l’égalité, c’est maintenant !

Par Nassurdine Haidari*

Rédigé par Nassurdine Haidari | Vendredi 9 Décembre 2011 à 01:16

           


À l’ombre des lois de la République, une partie de la population française a rencontré le mépris. Le mépris d’un universalisme proclamé mais aveugle aux différences. Ce mépris qui a conduit à la stigmatisation et à la discrimination.

A l’ombre des lois de la République, la majorité des personnes résidant dans ces quartiers populaires ont été les plus durement frappés par le chômage de masse, l’inégalité scolaire l’insécurité sociale, la relégation économique et la marginalisation territoriale.

Ces hommes et ces femmes épris de justice et d’égalité ont fait la douloureuse expérience des humiliations permanentes, des crimes racistes, de l’instrumentalisation de la peur et de la haine et savent que justice trop tardive est : déni de justice.

En 1983, une génération avait décidé de briser le mur du silence, cette génération avait parcouru la France pour lutter contre le racisme qui gangrenait de plus en plus la société française et pour affirmer que l’égalité de traitement était la seule voie praticable pour construire une France plus juste et plus forte.

Cependant, près de trois décennies se sont écoulées et une question reste encore en suspens.
Qu’avons-nous fait de cette promesse d’égalité ?

Un triste gâchis

Le constat est amer.

Comment peut-on parler d’égalité, lorsque les quartiers populaires souffrent d’un chômage endémique, dépassant parfois les 40 %.

Comment peut-on parler d’égalité lorsqu’une grande partie de la jeunesse de ces quartiers populaires est écartée de toutes réussites scolaires, professionnelles et sociales ?

Comment parler d’égalité lorsque, au prix de nombreux sacrifices, les plus diplômés ne franchissent même pas les portes du premier entretien d’embauche ?

Comment parler d’égalité, lorsque le quartier où l’on habite, le nom que l’on porte et la couleur de sa peau conditionnent trop souvent son statut social ?

Au vu de ce triste gâchis, de ce temps perdu, de ces vies perdues, notre génération a décidé de s’inspirer de la marche pour l’égalité et contre le racisme pour encore dire : Non.

Non ! Non aux injustices, aux discriminations, à l’instrumentalisation politique de la peur et de la haine, à la normalisation de la parole raciste en politique comme dans les médias, à l’instrumentalisation de l’islam, à la stigmatisation de l’immigration, à l’exploitation du passé colonial.

Et pour dire tout simplement : NON, NOUS NE MARCHERONS PLUS !

Nous ne marcherons plus dans les calculs politiques à court terme, qui installent le désespoir et la déshérence au cœur de nos cités.
Nous ne marcherons plus dans ces politiques de la ville annoncées en fanfare « plans Marshall » ou « antiglandouille ».

Nous ne marcherons plus pour demander ce qui devrait nous revenir de droit : une égalité réelle garantie par la loi et vérifiée dans les faits.

Notre détermination

Nous savons que la crise économique occupera une place importante lors de cette élection présidentielle. Mais nous avons l’intime conviction que parce que la crise frappera d’abord les personnes les plus fragiles économiquement et les plus discriminées socialement que nous devons ne pas fermer les yeux et que nous devons installer la question de l’égalite de traitement au centre du débat présidentiel.

Nous n’accepterons plus d’attendre à l’ombre des lois, nous n’accepterons plus d’attendre aux portes des grandes écoles, aux portes des grandes entreprises, aux portes de nos rêves et de nos ambitions et aux portes du temps. Car, en réalité, le temps est neutre : il peut être utilisé à détruire ou à construire. C’est par ce même souffle d’égalité qui avait poussé dans l’indifférence générale 32 marcheurs à exprimer leur volonté d’une société plus juste que j’ai lancé un appel le 15 octobre 2011. Nous avons constitué un groupe de travail et mis en place une consultation nationale de personnalités intellectuelles, associatives et politiques.

Nous sommes conscients que les chantiers sont vastes, que la tâche sera rude et que nos propositions sont les prémices d’une dynamique luttant contre les discriminations que nous avons pu rencontrer sur le terrain.

C’est pour cela que nous avons conçu des propositions concrètes, efficaces, réalisables et évaluables. Nous sommes allés au plus près des préoccupations des habitants, nous les avons écoutés, consultés et nous avons décidé ensemble de répondre à leurs attentes.

Notre aspiration à l’égalité et notre détermination à transformer les conditions de vie des quartiers populaires et même au-delà est sans faille, car nous voulons une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine ni de religion.

Nos propositions

CRÉER UN MINISTÈRE DE L’ÉGALITÉ

Le ministère de l’Égalité aura pour objectif de faire respecter l’engagement constitutionnel d’une France indivisible.

Il veillera scrupuleusement au respect de l’égalité hommes-femmes et protègera chaque individu de toutes formes de discriminations (l’âge, le sexe, l’origine, la situation de famille, l’orientation sexuelle, les mœurs, les caractéristiques génétiques, l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, à une nation, à une race, l’apparence physique, le handicap, l’état de santé, l’état de grossesse, le patronyme, les opinions politiques, les convictions religieuses, les activités syndicales, l’origine géographique, sociale, etc.).

De plus, il assurera l’égalité de traitement par la mise en œuvre d’actions positives dans les secteurs privés et/ou publics.


CONDITIONNER LES MARCHÉS PUBLICS AUX ENTREPRISES QUI FAVORISENT LA DIVERSALITÉ FRANÇAISE

L’État et les collectivités territoriales devraient conditionner l’attribution des marchés publics aux entreprises ayant une véritable politique de lutte contre les discriminations et pour l’égalité réelle.

En la matière, les collectivités disposent d’une véritable capacité d’impulsion, puisqu’il est possible d’intégrer l’exigence de diversalité dans les cahiers des charges des marchés publics. Cette initiative obligerait réellement les entreprises à aller au-delà de la simple signature d’une charte.

De même, nous demandons aux collectivités territoriales la mise en place de commissions de lutte contre les discriminations au sein de leurs propres institutions afin de promouvoir la diversalité. Il s’agit donc d’engager les entreprises et les collectivités territoriales à lutter ensemble contre les discriminations.


FACILITER LA MIXITÉ SOCIALE

Les commissions d’attribution se sont avérées au fil du temps des lieux de fabrication d’espaces urbains dégradés. Elles doivent être aux couleurs de la France et devenir l’instrument de rééquilibrage politique et géographique dans la ville.

L’objectif de cette proposition est, d’une part, de rendre anonymes les dossiers de logement pour éviter les stigmatisations par le nom et, d’autre part, de conditionner les permis de construire des projets immobiliers de plus de 10 logements à un quota minimal de 30 % de logements à loyer accessible (privés ou sociaux), hors territoires, ayant déjà plus de 40 % de logements sociaux, en repositionnant la loi SRU à l’échelle locale.


LUTTER CONTRE LE CONTRÔLE AU FACIÈS

La relation police-citoyens est à l’origine de nombreuses tensions en France, et, notamment, de toutes les émeutes depuis les années 1980.

L’objectif de cette proposition est d’intégrer dans la loi le reçu du contrôle d’identité, qui devra signaler la date, l’heure, le lieu, le cadre légal, le motif, le résultat du contrôle et une évaluation de la procédure (respect, politesse, vouvoiement, etc.) et être contresigné par la personne contrôlée. Cette mesure supposerait la centralisation des souches et l’évaluation des résultats des contrôles par une commission indépendante ; une vraie politique en faveur du rapport police-citoyen et une attention au traitement des données (que le nom n’apparaisse que sur la copie de la personne contrôlée, que l’identification de l’agent se fasse par matricule, etc.).

Le reçu permet :
‒ plus de transparence sur la manière dont les agents de police utilisent leur pouvoir de contrôle, cet outil constituant « une trace » ;
‒ une meilleure évaluation de la politique du contrôle d’identité, sur la base de ses résultats ;
‒ d’être un support officiel de recours dans le cas où les agissements policiers sortiraient du cadre de la loi ;
‒ de donner à ceux qui subissent les contrôles un élément objectif pour le prouver et, par la même occasion, à la police le moyen de justifier leur contrôle en cas d’accusation de contrôle discriminatoire ou abusif erroné ;
‒ un dialogue entre police et citoyens fondé sur des faits et non du ressenti.


ASSURER UNE REPRÉSENTATIVITÉ POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE CONFORME À L’IMAGE DE LA DIVERSALITÉ FRANÇAISE

L’objectif de cette proposition est, d’une part, d’exiger des partis politiques qu’ils fournissent les éléments objectifs ayant conduit à la non-représentativité de certaines populations au niveau de chaque élection, de même pour le président de la République pour chaque nomination, et, d’autre part, de limiter dans le temps le nombre de mandats électifs successifs (3 mandats) pour les députés les sénateurs et les présidents d’exécutifs.


* Nassurdine Haidari est élu PS de Marseille et initiateur du Collectif « Nous ne marcherons plus ! ».






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