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Société

La crise économique aggrave l'islamophobie

Rédigé par Arezki Hamouche | Jeudi 22 Avril 2010 à 00:06

           

Les premiers États généraux de l'islamophobie en France se sont tenus ce 11 avril, à Saint-Denis (93). Organisé par le Parti des Indigènes de la République (PIR), l'événement a fait salle comble. L'auteur de « L'Islam imaginaire », Thomas Deltombe évoque une « islamophobie systémique des rédactions », alors que le directeur adjoint du « Monde diplomatique », Alain Gresh, a posé la question des relations entre « islamophobie et choc des civilisations ».



La crise économique aggrave l'islamophobie
À l'occasion de ces premiers États généraux de l'islamophobie, des journalistes et des intellectuels ont décrit les raisons profondes de l'islamophobie qui, pour Sadri Khiari, du PIR, ne se réduit pas à une simple attitude péjorative contre un musulman ou un fait islamique. C'est là, selon lui, une désignation trop générale pour en comprendre les enjeux capitaux. L'islamophobie se nourrirait de « l'hostilité ordinaire », qui est née des croisades vis-à-vis des musulmans.

Pour Thomas Deltombe, auteur de L'Islam imaginaire, la construction médiatique de l'islamophobie en France (1975-2005), évoque « le monologue dans lequel se complaisent les élites médiatiques, via des discours imaginaires plaqués sur la réalité ». C'est ainsi qu'on n'hésite pas à mettre en scène « des faux débats, traitant de fausses thématiques, avec des musulmans cooptés faisant figure de clergé des médias ». Il va jusqu'à évoquer « une islamophobie systémique des rédactions, où de véritables plans de bataille sont mis en place pour instrumentaliser l'islam, voire écarter ou favoriser tels journalistes ». Deltombe évoque la nécessité pour les musulmans de « dépasser son état de musulman pour, en quelque sorte, désislamiser la lutte contre l'islamophobie ».

Un nouvel ennemi pour un nouveau monde

Le journaliste Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique, a posé la question des relations entre « islamophobie et choc des civilisations ». Il propose une définition de l'islamophobie : « Le fait de définir les individus dans le monde entier à partir d'une lecture de l'islam qui serait immobile, dans une unification anhistorique des musulmans, sans prendre en compte le contexte social et économique. »

Alain Gresh fait valoir que l'islamophobie dépasse le cadre géopolitique. Celle-ci est liée à l'évolution sociale américaine et européenne : « Avant les années 1990, on y parlait que de racisme. Mais ces sociétés connaissent aujourd'hui une crise économique et identitaire, où la visibilité de l'islam s'accroît alors que les fondements de la civilisation occidentale s'appauvrissent ; ce sont les éléments constitutifs de l'islamophobie. » Quant à la critique de l'islam, il avance que « le principe peut en être sincère ». Mais il relève que, « dans les faits, elle ne s'inscrit pas dans une critique globale des religions, il y a bel et bien une focalisation sur l'islam ».

Il souligne le caractère particulier de l'instrumentalisation du choc des civilisations : « C'est le climat islamophobe − plus fort en Europe qu'aux États-Unis − qui permet les nouvelles initiatives coloniales grâce à un habillage qui attire le soutien de la population. » Revenant sur les caricatures du prophète Muhammad, qui décrit comme « une illustration concrète de l'essentialisation du discours contre l'islam » : « En tant que journaliste, je dis oui à la liberté de publier. Mais en tant qu'homme, je ne les aurais jamais publiées. On ne pouvait pas faire semblant d'ignorer ce qu'implique le contexte dans lequel elles l'ont été. »

Des savants ignorants de l'islam

Abdelali Elamrani-Jamal, chercheur au CNRS, a présenté une analyse des mécanismes de « l'islamophobie savante ». Le terme désigne des travaux universitaires niant le maillon islamique dans la chaîne de transmission de la culture grecque ancienne à l'Europe occidentale. Elamrani-Jamal regrette cette « remise en cause intempestive par des ignorants de la philosophie et de la science arabes » : « La plupart des grands livres d'Aristote, l'Almageste de Ptolémée, la médecine et l'astronomie grecques doivent leur essort au travail d'étude et de traduction d'hommes comme Averroès et Avicennes. »

En conclusion, Abdelali Elamrani-Jamal rappelle que « cette islamophobie savante est l'aboutissement d'une volonté de réduire le rôle de l'islam en tant qu'apport culturel et scientifique qui remonte au positivisme d'Auguste Comte ; et qu'il s'agit là de tentatives d'inaugurer, au plus haut lieu, des thèses régressives utilisées politiquement par l'extrême droite ».

En attendant qu'elle devienne l'affaire de tous, le PIR annonce une grande campagne contre l'islamophobie via une tournée des grandes villes de France. Celle-ci devrait se conclure par une marche nationale, le 8 mai 2011. Le rendez-vous est pris.






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