Mohammed Moussaoui : « Développons des solutions alternatives aux filières classiques d’importation de cadres religieux. »
Parler de la formation des cadres religieux musulmans dans le contexte français nous impose tout d’abord de préciser ce qu’englobe le vocable « cadre religieux ». En font partie les imams, les aumôniers pénitenciers, hospitaliers et militaires et ceux et celles qui sont amenés à assurer la présentation ou la transmission des valeurs et des enseignements de l’islam.
Parler des défis et des perspectives de la formation des cadres religieux nous impose de faire un bref état des lieux.
Mais avant d’en parler, permettez-moi de souligner la place qu’occupe la question de la formation des cadres religieux dans la politique de notre institution, le CFCM, et dans celle des pouvoirs publics.
Pour les pouvoirs publics, l’organisation du culte musulman doit déboucher, entre autres, sur une amélioration de l’encadrement religieux.
C’est ainsi que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait annoncé, devant l’assemblée générale constitutive du Conseil français du culte musulman en 2003, la nomination de Daniel Rivet, comme chargé de mission pour la formation des imams.
À cette occasion, le Premier ministre avait déclaré que l’État attachait une importance particulière à la question de la formation des imams. Il avait estimé que l’État, dans le respect des règles de la laïcité, contribuera pleinement à cet impératif.
« Quand nous disposerons d’une faculté de théologie musulmane, nous pourrons, au plus haut niveau scientifique, faire dialoguer les cultures et les approches de la religion, et je suis sûr que les jeunes musulmans français auront un rôle fondamental à jouer à l’avenir pour l’islam dans son ensemble », avait dit M. Raffarin.
Le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait pour sa part mis l’accent sur le statut précaire des imams et sur la qualité de leur formation.
Même préoccupation pour l’ancien ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, qui avait estimé que le problème de la formation des imams restait entier. Selon ses propres conclusions, la création d’un institut de formation à Strasbourg était la meilleure solution pour permettre une formation de haut niveau répondant aux critères républicains et par conséquent payés par l’État.
Dans son rapport de 2006, la commission Machelon avait, quant à elle, prôné la création d’un système de formation du personnel religieux dans le cadre d’une action concertée avec les pouvoirs publics, suivie de l’extension de l’enseignement religieux de l’islam au sein des établissements d’enseignement secondaire et des établissements techniques pour l’Alsace-Moselle, qui jouit d’un régime spécial.
Qu’en est-il des attentes des responsables musulmans ? Ces derniers ont pleinement pris conscience de l’importance de la formation des cadres religieux. Pour eux, il s’agit avant tout de pouvoir disposer d’imams, d’aumôniers et plus généralement d’éducateurs qui soient en phase avec les milieux dans lesquels ils sont amenés à intervenir, notamment, vis-à-vis de la jeune génération.
Il ne faudrait pas oublier qu’en amont de nombreux universitaires de renom comme Mohamed Arkoun, Bruno Étienne, Ali Merad ou Étienne Trocmé n’ont cessé d’insister sur la nécessité de doter la France d’une structure nationale d’enseignement sur l’islam et la théologie musulmane. D’ailleurs, ils ont proposé Strasbourg comme cadre privilégié pour son implantation.
Cette question finira progressivement par s’imposer durant la dernière décennie comme une priorité majeure à l’échelon français et européen.
Parler des défis et des perspectives de la formation des cadres religieux nous impose de faire un bref état des lieux.
Mais avant d’en parler, permettez-moi de souligner la place qu’occupe la question de la formation des cadres religieux dans la politique de notre institution, le CFCM, et dans celle des pouvoirs publics.
Pour les pouvoirs publics, l’organisation du culte musulman doit déboucher, entre autres, sur une amélioration de l’encadrement religieux.
C’est ainsi que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait annoncé, devant l’assemblée générale constitutive du Conseil français du culte musulman en 2003, la nomination de Daniel Rivet, comme chargé de mission pour la formation des imams.
À cette occasion, le Premier ministre avait déclaré que l’État attachait une importance particulière à la question de la formation des imams. Il avait estimé que l’État, dans le respect des règles de la laïcité, contribuera pleinement à cet impératif.
« Quand nous disposerons d’une faculté de théologie musulmane, nous pourrons, au plus haut niveau scientifique, faire dialoguer les cultures et les approches de la religion, et je suis sûr que les jeunes musulmans français auront un rôle fondamental à jouer à l’avenir pour l’islam dans son ensemble », avait dit M. Raffarin.
Le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait pour sa part mis l’accent sur le statut précaire des imams et sur la qualité de leur formation.
Même préoccupation pour l’ancien ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, qui avait estimé que le problème de la formation des imams restait entier. Selon ses propres conclusions, la création d’un institut de formation à Strasbourg était la meilleure solution pour permettre une formation de haut niveau répondant aux critères républicains et par conséquent payés par l’État.
Dans son rapport de 2006, la commission Machelon avait, quant à elle, prôné la création d’un système de formation du personnel religieux dans le cadre d’une action concertée avec les pouvoirs publics, suivie de l’extension de l’enseignement religieux de l’islam au sein des établissements d’enseignement secondaire et des établissements techniques pour l’Alsace-Moselle, qui jouit d’un régime spécial.
Qu’en est-il des attentes des responsables musulmans ? Ces derniers ont pleinement pris conscience de l’importance de la formation des cadres religieux. Pour eux, il s’agit avant tout de pouvoir disposer d’imams, d’aumôniers et plus généralement d’éducateurs qui soient en phase avec les milieux dans lesquels ils sont amenés à intervenir, notamment, vis-à-vis de la jeune génération.
Il ne faudrait pas oublier qu’en amont de nombreux universitaires de renom comme Mohamed Arkoun, Bruno Étienne, Ali Merad ou Étienne Trocmé n’ont cessé d’insister sur la nécessité de doter la France d’une structure nationale d’enseignement sur l’islam et la théologie musulmane. D’ailleurs, ils ont proposé Strasbourg comme cadre privilégié pour son implantation.
Cette question finira progressivement par s’imposer durant la dernière décennie comme une priorité majeure à l’échelon français et européen.
État des lieux
À présent, que peut-on dire concrètement ? Entre janvier 1992 à juillet 1993, trois instituts privés vont voir le jour avec pour vocation affichée d’œuvrer à la formation d’imams et de cadres musulmans religieux et associatifs.
Il s’agit, par ordre chronologique, de :
• L’Institut européen des sciences humaines (IESH), ouvert en 1992 à Château-Chinon, dans la Nièvre, et son antenne à Saint-Denis, en Île-de-France.
• Vient ensuite l’Institut de théologie de la Mosquée de Paris (IMMP), ouvert en octobre 1994.
• l’Université islamique de France (UIF) qui a ouvert ses portes en octobre 1993, à Mantes-la-Jolie, et qui s’est transformé depuis en Institut d’études islamiques de Paris.
S’y ajoutent deux autres ouverts en septembre 2006. Il s’agit de l’Institut Avicenne, à Lille, et le centre Shâtibî, à Lyon.
Ces instituts reçoivent un nombre variable d’étudiants et d’étudiantes musulmans et dispensent aussi des cours par correspondance.
Chacun de ces instituts a une vocation, plus théorique que pratique, à former des imams susceptibles d’encadrer religieusement les musulmans en France. Ils fonctionnent plus comme des établissements dispensant des cycles d’enseignement religieux que comme des instituts de formation d’imams et de cadres religieux musulmans.
Pour l’heure, force est de constater qu’ils ont rencontré des succès contrastés dans la concrétisation de cet objectif en termes d’aménagement de filières de formation, d’enseignement dispensé, de fréquentation et de débouchés professionnels.
Sans évoquer d’une façon détaillée le contenu des enseignements dispensés dans ces différents instituts, nous pourrions dire globalement qu’ils insistent tout particulièrement sur l’apprentissage du Coran, des sciences du hadith et surtout sur l’aspect réglementaire au sens de la jurisprudence islamique (fiqh).
En ce qui concerne le soufisme, il ne semble pas faire l’objet d’une étude spécifique mais il est partiellement évoqué à travers les textes d’auteurs mystiques.
D’autres initiatives peuvent être citées. Il s’agit en particulier de l’Institut international de la pensée islamique (IIIT France), à Saint-Ouen, et de l’Institut méditerranéen d’études musulmanes (IMEM), à Marseille.
Pour plus de détails, je vous renvoie à l’étude de Franck Frégosi, sur laquelle cet exposé s’appuie. F. Frégosi dresse un bilan très contrasté de ces expériences et émet des réserves à l’encontre des instituts que nous pourrions résumer en quatre points :
• Il existe un décalage entre des intentions affichées de former des cadres musulmans pouvant prendre en charge les attentes des communautés de base, principalement sous l’angle religieux et l’attitude des étudiants qui, pour l’essentiel, cherchent plus à s’informer sur l’islam ou, dans le meilleur des cas, à approfondir leurs connaissances religieuses sans nécessairement s’investir durablement dans l’encadrement religieux.
• Les quelques étudiants sortis de ces instituts n’ont pas forcément l’assurance de trouver un emploi rémunéré correspondant à leurs compétences et à leurs attentes.
• Reste les questions relatives à l’état actuel des enseignements dispensés. Ceux-ci ne font pas une place suffisante aux apports des disciplines « non islamiques » dites profanes (sociologie, histoire, initiation au droit français). La plupart de ces instituts ont tendance à survaloriser dans leur présentation de l’islam la dimension normative du fiqh au détriment de la dimension théologique, spirituelle et philosophique.
• De la même manière, un meilleur équilibre reste encore à trouver entre l’étude et la maîtrise de la langue arabe comme langue islamique majeure (celle du Coran !) et le recours effectif au français comme langue d’enseignement et langue de communication des musulmans de France.
Faute d’alternative, qu’il s’agisse d’un cadre public d’exercice d’un enseignement universitaire combinant études théologiques musulmanes et analyses islamologiques ou d’une structure privée équivalente à l’Institut catholique et bénéficiant de subventions publiques, ces instituts malgré leur bilan ont le mérite d’exister. Ils comblent un vide institutionnel, qui ne peut à long terme que fragiliser la situation des musulmans de France.
Il s’agit, par ordre chronologique, de :
• L’Institut européen des sciences humaines (IESH), ouvert en 1992 à Château-Chinon, dans la Nièvre, et son antenne à Saint-Denis, en Île-de-France.
• Vient ensuite l’Institut de théologie de la Mosquée de Paris (IMMP), ouvert en octobre 1994.
• l’Université islamique de France (UIF) qui a ouvert ses portes en octobre 1993, à Mantes-la-Jolie, et qui s’est transformé depuis en Institut d’études islamiques de Paris.
S’y ajoutent deux autres ouverts en septembre 2006. Il s’agit de l’Institut Avicenne, à Lille, et le centre Shâtibî, à Lyon.
Ces instituts reçoivent un nombre variable d’étudiants et d’étudiantes musulmans et dispensent aussi des cours par correspondance.
Chacun de ces instituts a une vocation, plus théorique que pratique, à former des imams susceptibles d’encadrer religieusement les musulmans en France. Ils fonctionnent plus comme des établissements dispensant des cycles d’enseignement religieux que comme des instituts de formation d’imams et de cadres religieux musulmans.
Pour l’heure, force est de constater qu’ils ont rencontré des succès contrastés dans la concrétisation de cet objectif en termes d’aménagement de filières de formation, d’enseignement dispensé, de fréquentation et de débouchés professionnels.
Sans évoquer d’une façon détaillée le contenu des enseignements dispensés dans ces différents instituts, nous pourrions dire globalement qu’ils insistent tout particulièrement sur l’apprentissage du Coran, des sciences du hadith et surtout sur l’aspect réglementaire au sens de la jurisprudence islamique (fiqh).
En ce qui concerne le soufisme, il ne semble pas faire l’objet d’une étude spécifique mais il est partiellement évoqué à travers les textes d’auteurs mystiques.
D’autres initiatives peuvent être citées. Il s’agit en particulier de l’Institut international de la pensée islamique (IIIT France), à Saint-Ouen, et de l’Institut méditerranéen d’études musulmanes (IMEM), à Marseille.
Pour plus de détails, je vous renvoie à l’étude de Franck Frégosi, sur laquelle cet exposé s’appuie. F. Frégosi dresse un bilan très contrasté de ces expériences et émet des réserves à l’encontre des instituts que nous pourrions résumer en quatre points :
• Il existe un décalage entre des intentions affichées de former des cadres musulmans pouvant prendre en charge les attentes des communautés de base, principalement sous l’angle religieux et l’attitude des étudiants qui, pour l’essentiel, cherchent plus à s’informer sur l’islam ou, dans le meilleur des cas, à approfondir leurs connaissances religieuses sans nécessairement s’investir durablement dans l’encadrement religieux.
• Les quelques étudiants sortis de ces instituts n’ont pas forcément l’assurance de trouver un emploi rémunéré correspondant à leurs compétences et à leurs attentes.
• Reste les questions relatives à l’état actuel des enseignements dispensés. Ceux-ci ne font pas une place suffisante aux apports des disciplines « non islamiques » dites profanes (sociologie, histoire, initiation au droit français). La plupart de ces instituts ont tendance à survaloriser dans leur présentation de l’islam la dimension normative du fiqh au détriment de la dimension théologique, spirituelle et philosophique.
• De la même manière, un meilleur équilibre reste encore à trouver entre l’étude et la maîtrise de la langue arabe comme langue islamique majeure (celle du Coran !) et le recours effectif au français comme langue d’enseignement et langue de communication des musulmans de France.
Faute d’alternative, qu’il s’agisse d’un cadre public d’exercice d’un enseignement universitaire combinant études théologiques musulmanes et analyses islamologiques ou d’une structure privée équivalente à l’Institut catholique et bénéficiant de subventions publiques, ces instituts malgré leur bilan ont le mérite d’exister. Ils comblent un vide institutionnel, qui ne peut à long terme que fragiliser la situation des musulmans de France.
Que peut faire le Conseil français du culte musulman ?
Dès le mois de mars 2003, un groupe composé d’historiens, de juristes, d’islamologues, de chercheurs, de membres du CFCM et de musulmans de terrain a été mis en place pour dresser, dans un premier temps, un état des lieux des formations islamiques dispensées en France.
Il devait ensuite réfléchir à la question de la formation à dispenser aux imams déjà en poste, à la forme juridique que pourrait prendre un Institut d’études islamiques et rédiger les grandes lignes de son programme.
Ce groupe n’a pas survécu pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de détailler ici. C’est finalement après la mise en place de la commission « Imams » du CFCM présidée par Abdallah Boussouf et Hamza Gharbi qu’il y a eu l’élaboration d’une feuille de route validée par la direction du CFCM fixant les objectifs suivants :
• Étudier les contenus pédagogiques des centres de formation existants en France, en vue de mettre en place un cahier des charges du CFCM qui deviendra commun aux instituts de formation des imams en France ;
• Faire un état des lieux du statut social des imams en France ;
• Définir les missions des imams.
Suite à quelques problèmes internes du CFCM, cette feuille n’a pas été suivie par des actes concrets.
Des déclarations régulières émanant de responsables politiques comme de responsables musulmans en faveur de la mise en place d’une formation nationale ne sont pas suivies pour le moment d’une réponse institutionnelle concrète.
Il devait ensuite réfléchir à la question de la formation à dispenser aux imams déjà en poste, à la forme juridique que pourrait prendre un Institut d’études islamiques et rédiger les grandes lignes de son programme.
Ce groupe n’a pas survécu pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de détailler ici. C’est finalement après la mise en place de la commission « Imams » du CFCM présidée par Abdallah Boussouf et Hamza Gharbi qu’il y a eu l’élaboration d’une feuille de route validée par la direction du CFCM fixant les objectifs suivants :
• Étudier les contenus pédagogiques des centres de formation existants en France, en vue de mettre en place un cahier des charges du CFCM qui deviendra commun aux instituts de formation des imams en France ;
• Faire un état des lieux du statut social des imams en France ;
• Définir les missions des imams.
Suite à quelques problèmes internes du CFCM, cette feuille n’a pas été suivie par des actes concrets.
Des déclarations régulières émanant de responsables politiques comme de responsables musulmans en faveur de la mise en place d’une formation nationale ne sont pas suivies pour le moment d’une réponse institutionnelle concrète.
Les perspectives
En l’absence de statistiques récentes et fiables, il est difficile d’établir une photographie nette de l’imamat en France. Cependant, une enquête menée par le ministère de l’Intérieur en 2005 a pu établir une ébauche de cette photographie. Un commentaire intéressant de cette enquête a été émis en son temps par M. Bernard Godard, l’un des spécialistes de l’islam de France. Au vu de ces chiffres, on constate que le nombre d’imams a relativement peu évolué en dix ans : ils étaient 1 000 en 2005 contre 800 en 1995.
La répartition par nationalité donne une minorité de nationalité française : moins de 20 %. Un bon tiers ne parle pas ou très difficilement le français, un petit tiers s’exprime moyennement et le tiers restant s’exprime avec aisance.
Pour les perspectives, il convient donc de tenir compte de cette photographie et de se pencher sur :
• le sort des imams étrangers qui officient sur le territoire français et de ceux qui viendront dans le moyen et court terme compte tenu des besoins urgents ;
• et plus au moins à long terme, le développement d’un personnel cultuel musulman formé sur place (élaboration d’une formation alternative aux formations classiques).
Aux problèmes de formation et d’acquisition de compétences professionnelles s’ajoutent, également, les questions du statut économique et social de l’imam et les problèmes du titre de séjour pour ceux qui sont de nationalité étrangère.
Il faut donc réfléchir au problème à la fois en termes de formation continue et en termes de mise à niveau pour ceux qui sont déjà investis auprès des associations locales ou venant des pays étrangers. Mais il s’agit également de penser au développement de solutions alternatives aux filières classiques d’importation de cadres religieux, vis-à-vis desquelles les musulmans de France comme les pouvoirs publics sont de plus en plus réticents.
Pour ceux qui sont en activité, une idée simple consisterait à créer, sur le plan pratique, un cursus de perfectionnement destiné aux cadres religieux, en poste en France en vue de les familiariser avec les usages et les particularités juridiques, culturelles, linguistiques, politiques de la société française. La formation dispensée au sein de l’Institut catholique de Paris, sanctionnée par un diplôme universitaire en est un exemple. Une formation analogue est en préparation à Aix-en-Provence.
Des associations musulmanes locales ont fait inscrire leurs imams à l’université française afin qu’ils puissent suivre une formation qualifiante et décrocher un diplôme national. Des coordinations d’associations musulmanes ont aussi entrepris de proposer à leurs imams des séminaires de formation.
• Une première option serait alors d’inciter les imams à s’inscrire comme auditeur libre à l’université afin d’y suivre quelques modules relatifs à des domaines précis comme le droit civil, le droit social ou l’histoire de la laïcité. La généralisation des Masters, surtout leur volet professionnel, devrait permettre de favoriser ce type de connexions entre le monde universitaire et celui des cadres religieux musulmans.
• Une deuxième option serait de concevoir une formation hors université, qui aurait la responsabilité de mettre en place des cycles de formations pratiques destinés aux imams. Dans ces cycles interviendraient des professionnels, des travailleurs sociaux, des praticiens en matière de droit de la personne, de droit de la laïcité, de droit des associations, etc.
• Une autre option reviendrait en amont à mieux préparer l’arrivée de ces imams formés à l’étranger. Cette idée consisterait à passer des accords, des conventions ou des partenariats avec les facultés islamiques et les centres historiques de diffusion de la pensée islamique que sont les universités d’Al-Azhar (Égypte), de la Zeytouna (Tunisie), de l’université Emir-Abd-El-Kader de Constantine et de la Qarawiyine (Maroc), Dar Al-Hadith Al-Hassaniah (Maroc) ou les départements de théologie des universités d’Ankara et d’Istanbul (illahyat).
Il pourrait, par exemple, s’agir d’encadrer des stages de formation des futurs imams au terme desquels les candidats à l’émigration pourraient, dans le cadre d’un séjour limité, suivre durant une période déterminée une série d’enseignements en vue de les familiariser avec la société dans laquelle ils seront amenés à séjourner durablement.
Il va sans dire que cette option reste un moyen d’accompagner l’arrivée et le séjour d’imams étrangers en France pour une durée plus ou moins longue et elle ne saurait satisfaire durablement la demande d’un personnel cultuel formé sur place.
La répartition par nationalité donne une minorité de nationalité française : moins de 20 %. Un bon tiers ne parle pas ou très difficilement le français, un petit tiers s’exprime moyennement et le tiers restant s’exprime avec aisance.
Pour les perspectives, il convient donc de tenir compte de cette photographie et de se pencher sur :
• le sort des imams étrangers qui officient sur le territoire français et de ceux qui viendront dans le moyen et court terme compte tenu des besoins urgents ;
• et plus au moins à long terme, le développement d’un personnel cultuel musulman formé sur place (élaboration d’une formation alternative aux formations classiques).
Aux problèmes de formation et d’acquisition de compétences professionnelles s’ajoutent, également, les questions du statut économique et social de l’imam et les problèmes du titre de séjour pour ceux qui sont de nationalité étrangère.
Il faut donc réfléchir au problème à la fois en termes de formation continue et en termes de mise à niveau pour ceux qui sont déjà investis auprès des associations locales ou venant des pays étrangers. Mais il s’agit également de penser au développement de solutions alternatives aux filières classiques d’importation de cadres religieux, vis-à-vis desquelles les musulmans de France comme les pouvoirs publics sont de plus en plus réticents.
Pour ceux qui sont en activité, une idée simple consisterait à créer, sur le plan pratique, un cursus de perfectionnement destiné aux cadres religieux, en poste en France en vue de les familiariser avec les usages et les particularités juridiques, culturelles, linguistiques, politiques de la société française. La formation dispensée au sein de l’Institut catholique de Paris, sanctionnée par un diplôme universitaire en est un exemple. Une formation analogue est en préparation à Aix-en-Provence.
Des associations musulmanes locales ont fait inscrire leurs imams à l’université française afin qu’ils puissent suivre une formation qualifiante et décrocher un diplôme national. Des coordinations d’associations musulmanes ont aussi entrepris de proposer à leurs imams des séminaires de formation.
• Une première option serait alors d’inciter les imams à s’inscrire comme auditeur libre à l’université afin d’y suivre quelques modules relatifs à des domaines précis comme le droit civil, le droit social ou l’histoire de la laïcité. La généralisation des Masters, surtout leur volet professionnel, devrait permettre de favoriser ce type de connexions entre le monde universitaire et celui des cadres religieux musulmans.
• Une deuxième option serait de concevoir une formation hors université, qui aurait la responsabilité de mettre en place des cycles de formations pratiques destinés aux imams. Dans ces cycles interviendraient des professionnels, des travailleurs sociaux, des praticiens en matière de droit de la personne, de droit de la laïcité, de droit des associations, etc.
• Une autre option reviendrait en amont à mieux préparer l’arrivée de ces imams formés à l’étranger. Cette idée consisterait à passer des accords, des conventions ou des partenariats avec les facultés islamiques et les centres historiques de diffusion de la pensée islamique que sont les universités d’Al-Azhar (Égypte), de la Zeytouna (Tunisie), de l’université Emir-Abd-El-Kader de Constantine et de la Qarawiyine (Maroc), Dar Al-Hadith Al-Hassaniah (Maroc) ou les départements de théologie des universités d’Ankara et d’Istanbul (illahyat).
Il pourrait, par exemple, s’agir d’encadrer des stages de formation des futurs imams au terme desquels les candidats à l’émigration pourraient, dans le cadre d’un séjour limité, suivre durant une période déterminée une série d’enseignements en vue de les familiariser avec la société dans laquelle ils seront amenés à séjourner durablement.
Il va sans dire que cette option reste un moyen d’accompagner l’arrivée et le séjour d’imams étrangers en France pour une durée plus ou moins longue et elle ne saurait satisfaire durablement la demande d’un personnel cultuel formé sur place.
Solutions alternatives aux logiques d’importation
Concernant la formation de cadres religieux sur le territoire national, plusieurs options peuvent être avancées et méritent d’être examinées.
• Une première solution consiste à développer au sein de l’université strasbourgeoise un cursus de théologie musulmane couplé avec un institut privé de formation des imams. C’est là l’une des pistes que suggérait le Pr Étienne Trocmé, en partenariat avec Mohamed Arkoun, aux ministères intéressés, à savoir l’Intérieur et l’Éducation nationale, afin de défendre l’idée de la nécessité d’une formation en théologie musulmane dans l’université française.
Ils suggéraient d’obtenir dans un premier temps du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour l’université concernée l’habilitation à délivrer un DEUG de théologie musulmane, puis, par la suite, une licence et une maîtrise, à l’instar de ce qui existe déjà pour les théologies catholique et protestante.
Dans une seconde étape, ce cursus de théologie musulmane au gré de l’évolution des effectifs inscrits pourrait être dispensé dans le cadre d’un institut spécifique au sein de l’université et régi par l’article 33 de la loi sur l’enseignement supérieur de 1875 au même titre que les deux facultés de théologie catholique et protestante de Strasbourg.
Techniquement, une telle opération est possible et à portée de main. Il appartient, en revanche, aux communautés musulmanes locales de réfléchir, en parallèle, à la mise en place d’un institut privé de formation des imams et des autres cadres religieux, dans lequel serait assurée de manière complémentaire la partie technique et pratique liée à la fonction d’imam ou d’aumônier.
L’État pourrait allouer des subventions à des enseignements universitaires théologiques au titre de la liberté de l’enseignement supérieur. Les attributions ne relevant pas de sa compétence, à savoir former directement des cadres religieux ou subventionner des établissements à caractère exclusivement cultuel, seront supportés par les institutions musulmanes.
• L’autre option serait de favoriser la création d’un enseignement supérieur musulman au sein duquel une filière serait axée sur la formation des cadres religieux.
Il pourrait dans un premier temps s’agir de favoriser les initiatives musulmanes visant à mettre en place des structures d’enseignement équivalentes aux facultés dites libres (le plus souvent catholiques !) au titre de la loi du 12 juillet 1875 sur la liberté de l’enseignement supérieur.
Celles-ci pourraient jouir de soutiens publics volontaires sous forme de subventions du ministère de l’Enseignement supérieur, à l’instar, par exemple, des Instituts catholiques de Paris, de Lille, de Lyon et d’Angers et de l’Institut protestant de théologie de Paris. Les subventions sont octroyées à ces institutions dans la mesure où, aux côtés des disciplines religieuses, sont dispensés également des enseignements dans les disciplines conventionnelles (lettres, histoire, droit, sciences…).
Il pourrait aussi s’agir de créer au sein d’un institut supérieur islamique (privé) un cursus spécifique à orientation théologique, qui pourrait servir de support à la formation intellectuelle des futurs cadres religieux.
On pourrait également envisager d’octroyer des financements publics partiels pour développer les formations des instituts musulmans existants.
Je sais que la question du financement par l’État des différentes initiatives citées plus haut a fait dans le passé l’objet de désaccords entre des politiques volontaristes, pour lesquels la participation financière de l’État serait un moyen de limiter l’apport de capitaux en provenance de l’étranger, et des conseillers techniques réticents à toute subvention publique en faveur du culte.
La Fondation pour les œuvres de l’islam de France pourrait assurer ce rôle financier, mais il ne faut pas croire qu’elle soit en mesure de tarir durablement la source étrangère du financement de l’islam de France, au demeurant parfaitement légal.
• Une première solution consiste à développer au sein de l’université strasbourgeoise un cursus de théologie musulmane couplé avec un institut privé de formation des imams. C’est là l’une des pistes que suggérait le Pr Étienne Trocmé, en partenariat avec Mohamed Arkoun, aux ministères intéressés, à savoir l’Intérieur et l’Éducation nationale, afin de défendre l’idée de la nécessité d’une formation en théologie musulmane dans l’université française.
Ils suggéraient d’obtenir dans un premier temps du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour l’université concernée l’habilitation à délivrer un DEUG de théologie musulmane, puis, par la suite, une licence et une maîtrise, à l’instar de ce qui existe déjà pour les théologies catholique et protestante.
Dans une seconde étape, ce cursus de théologie musulmane au gré de l’évolution des effectifs inscrits pourrait être dispensé dans le cadre d’un institut spécifique au sein de l’université et régi par l’article 33 de la loi sur l’enseignement supérieur de 1875 au même titre que les deux facultés de théologie catholique et protestante de Strasbourg.
Techniquement, une telle opération est possible et à portée de main. Il appartient, en revanche, aux communautés musulmanes locales de réfléchir, en parallèle, à la mise en place d’un institut privé de formation des imams et des autres cadres religieux, dans lequel serait assurée de manière complémentaire la partie technique et pratique liée à la fonction d’imam ou d’aumônier.
L’État pourrait allouer des subventions à des enseignements universitaires théologiques au titre de la liberté de l’enseignement supérieur. Les attributions ne relevant pas de sa compétence, à savoir former directement des cadres religieux ou subventionner des établissements à caractère exclusivement cultuel, seront supportés par les institutions musulmanes.
• L’autre option serait de favoriser la création d’un enseignement supérieur musulman au sein duquel une filière serait axée sur la formation des cadres religieux.
Il pourrait dans un premier temps s’agir de favoriser les initiatives musulmanes visant à mettre en place des structures d’enseignement équivalentes aux facultés dites libres (le plus souvent catholiques !) au titre de la loi du 12 juillet 1875 sur la liberté de l’enseignement supérieur.
Celles-ci pourraient jouir de soutiens publics volontaires sous forme de subventions du ministère de l’Enseignement supérieur, à l’instar, par exemple, des Instituts catholiques de Paris, de Lille, de Lyon et d’Angers et de l’Institut protestant de théologie de Paris. Les subventions sont octroyées à ces institutions dans la mesure où, aux côtés des disciplines religieuses, sont dispensés également des enseignements dans les disciplines conventionnelles (lettres, histoire, droit, sciences…).
Il pourrait aussi s’agir de créer au sein d’un institut supérieur islamique (privé) un cursus spécifique à orientation théologique, qui pourrait servir de support à la formation intellectuelle des futurs cadres religieux.
On pourrait également envisager d’octroyer des financements publics partiels pour développer les formations des instituts musulmans existants.
Je sais que la question du financement par l’État des différentes initiatives citées plus haut a fait dans le passé l’objet de désaccords entre des politiques volontaristes, pour lesquels la participation financière de l’État serait un moyen de limiter l’apport de capitaux en provenance de l’étranger, et des conseillers techniques réticents à toute subvention publique en faveur du culte.
La Fondation pour les œuvres de l’islam de France pourrait assurer ce rôle financier, mais il ne faut pas croire qu’elle soit en mesure de tarir durablement la source étrangère du financement de l’islam de France, au demeurant parfaitement légal.
En guise de conclusion
Je ne peux prétendre avoir fait le tour de la question et à plus forte raison pouvoir effectuer des choix fermes entre l’une ou l’autre de ces options. Je me limiterai à souligner que, quelle soit la forme la forme envisagée, toute solution devra intégrer les aspects suivants :
• le financement des études et la reconnaissance des titres délivrés à la fin de la formation ;
• la rencontre des besoins à court terme, portant sur les langues et la connaissance de la société, et la prise en compte de développements ultérieurs, notamment au niveau théologique ;
• la coordination entre le volet « profane » de la formation (langue, histoire, sociologie…) et le volet théologique ;
• la prise en compte des motivations qui poussent les étudiants à suivre ces formations, afin d’adapter celles-ci en conséquence ;
• la coordination entre la formation développée et les instances cultuelles afin d’assurer, notamment, un débouché aux étudiants formés localement.
• le financement des études et la reconnaissance des titres délivrés à la fin de la formation ;
• la rencontre des besoins à court terme, portant sur les langues et la connaissance de la société, et la prise en compte de développements ultérieurs, notamment au niveau théologique ;
• la coordination entre le volet « profane » de la formation (langue, histoire, sociologie…) et le volet théologique ;
• la prise en compte des motivations qui poussent les étudiants à suivre ces formations, afin d’adapter celles-ci en conséquence ;
• la coordination entre la formation développée et les instances cultuelles afin d’assurer, notamment, un débouché aux étudiants formés localement.
* Ce texte est tiré d'une intervention donnée par Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), dans le cadre du colloque international « Islam en Europe : formation des cadres, éducation religieuse et enseignement du fait religieux », au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, le 30 et 31 mars 2010.
Du même auteur :
Pour le droit du culte musulman en France à l'indifférence
Contribution du CFCM aux travaux de la mission d’information parlementaire sur le voile intégral
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