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Société

La liberté religieuse, règle primordiale dans les entreprises privées

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Jeudi 14 Novembre 2013 à 06:00

           

Les problématiques que peut poser le fait religieux dans les entreprises privées imposent-elles de légiférer pour une neutralité du personnel ? Non, répond le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui vient de rendre un avis en ce sens cette semaine. Après avoir été rejetée par l’Observatoire de la laïcité, la perspective d’une loi s’éloigne mais le cas Baby Loup demeure vivace dans les esprits à l'approche du procès fin novembre.



La liberté religieuse, règle primordiale dans les entreprises privées
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), une assemblée constitutionnelle et consultative qui agit comme un organe de conseil auprès du gouvernement, rendait son avis sur le fait religieux dans l’entreprise, mardi 12 novembre. Ces derniers mois, l’affaire Baby Loup a posé sur le devant de la scène la question du port du voile dans le secteur privé. La patronne de la crèche privée avait renvoyé une employée parce qu’elle portait le voile. Après avoir été déboutée en première instance, la Cour de cassation avait donné raison à cette dernière en mars dernier.

Beaucoup de personnalités étaient alors montées au créneau pour critiquer ce jugement et demander une nouvelle loi interdisant les signes religieux dans les établissements de la petite enfance. Après l’Observatoire de la laïcité le 15 octobre, le CESE rejeté l’idée d’une loi qui viserait directement les femmes musulmanes portant le voile.

Une loi inutile

Le CESE estime « qu’en l’état actuel de la question, l’intervention du législateur n’est pas nécessaire aujourd’hui », peut-on lire dans un communiqué de l’organisation. Le Conseil avait choisi de se pencher sur cette question « complexe » en raison de la mondialisation de l’économie, à l’origine de la diversité de la société, y compris sur le plan religieux. « Actuellement, 65 % des Français se déclarent catholiques ; 6% se réclament de l’islam et 2 à 3 % du protestantisme ; 25 % des personnes se disent agnostiques. Cette diversité d’origine et de religion se retrouve dans le monde du travail », note ainsi le CESE.

Résultat : « des demandes nouvelles d’expression religieuse sont progressivement apparues et elles intéressent aujourd’hui l’ensemble des lieux de travail, quel que soit le statut juridique de l’employeur ». Le CESE cite une étude conduite en 2012-2013 par l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFFRE), dans laquelle 28 % des managers RH interrogés disent avoir déjà été confrontés à des problèmes liés à la religion, et plus de 40 % dans la région Ile-de-France.

Cependant, « le fait religieux n’est pas à l’origine d’une perturbation massive des relations de travail » constatent les membres du CESE, qui ont voté majoritairement contre une nouvelle loi imposant la neutralité des salariés du privé. 172 voix ont voté pour l’avis présenté par les rapporteures Edith Arnoult-Brill (Groupe des Associations) et Gabrielle Simon (Groupe CFTC) contre 1 voix contre et 13 abstentions.



La liberté religieuse, « une liberté fondamentale »

Edith Arnoult-Brill et Gabrielle Simon ont insisté sur le fait que la liberté religieuse est la règle en vigueur à prévaloir au sein des entreprises privées. « En dehors des services publics auxquels s’applique en France le principe de laïcité, l’employeur ne peut imposer à ses salariés un strict devoir de neutralité religieuse ou interdire toute manifestation des opinions religieuses dans l’entreprise. La liberté religieuse est une liberté fondamentale », martèlent les rapporteures.

Même si l'arrêt de la Cour de cassation interdisant le port du voile à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) rendu en mars dernier montre pour la « première fois que le principe de neutralité » peut s’appliquer à un organisme privé qui participe à une mission de service public, « la transposition de la neutralité dans la sphère privée » peut être jugée « liberticide », estime Arnoult-Brill, interrogée sur le cas de l’affaire Baby Loup.

Dans le secteur privé, c’est la liberté religieuse qui prime. Des règles concernant l’hygiène et la sécurité ou encore l’interdiction du prosélytisme la restreignent simplement. Mais le cadre juridique qui encadre cette liberté reste méconnu. Pour le CESE, « il gagnerait avant tout à être mieux connu ».

Appel au dialogue social

En outre, il y a aussi une méconnaissance sociologique, note par ailleurs le CESE. « Nombreux sont les employeurs et les salariés qui ignorent les cultures religieuses en dehors de leur propre conviction. Un tel état de fait contribue à entretenir les préjugés et peut être à l’origine de graves incompréhensions et difficultés susceptibles de mettre en jeu la performance économique et la cohésion sociale de l’entreprise », est-il constaté.

Pour y remédier, le CESE estime que la formation des managers est primordiale. Sept recommandations du Conseil tournent autour de cette problématique. Il faut « mieux faire connaître les règles de droit » ou encore « diffuser le calendrier des fêtes religieuses des différentes confessions ». Mais dans ce dernier cas, « il ne s’agit pas de créer un droit nouveau » précise le CESE, qui évoque la possibilité pour les chefs d’entreprise d’anticiper les demandes d’absence de leurs employés. Des « mesures pratiques » sont également émises. Elles tablent sur le dialogue social en « s’appuyant sur les instances représentatives du personnel », indique Mme Simon.

Opposé à une nouvelle loi, le CESE estime toutefois qu’il faut « prendre en compte le cas des structures privées du secteur social, médico-social et de la petite enfance ». Une nouvelle fois, il est fait écho au cas Baby Loup. Un rebondissement pourrait bien éclater dans cette affaire dont un nouveau jugement est attendu le 27 novembre.






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