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Société

Le Conseil de l’Europe et l’UNESCO appellent à lutter contre l’islamophobie à l’école

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mercredi 5 Septembre 2012 à 00:46

           

L’islamophobie prend de plus en plus d’ampleur. Alors pourquoi ne pas combattre ce racisme en sensibilisant les plus jeunes ? Dernièrement, le Conseil de l’Europe, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) et l’UNESCO ont édité un guide à l’attention des éducateurs pour les aider à combattre l’intolérance et la discrimination à l’encontre des musulmans. Il devrait être très utile alors même que l’heure de la rentrée scolaire a sonné pour des millions d’écoliers en France.



Le Conseil de l’Europe et l’UNESCO appellent à lutter contre l’islamophobie à l’école
« La communauté internationale a aujourd’hui plus que jamais le devoir impératif de préserver la paix et la stabilité, au niveau régional aussi bien que mondial, en promouvant la compréhension mutuelle et le respect de la diversité, et en luttant contre toutes les formes d’intolérance et de discrimination », estime le Conseil de l’Europe. Quoi de mieux que de miser sur la jeunesse pour instaurer cette société plus tolérante ? En été, l’instance européenne organisait une audition ayant pour thème « Les principes directeurs à l'attention des éducateurs pour combattre l'intolérance et la discrimination à l'encontre des musulmans ».

Mis au point avec le BIDDH et l’UNESCO, ces principes ont également été publiés avec le sous-titre Aborder l’islamophobie à travers l’éducation. Ils visent à aider les éducateurs à lutter contre l’intolérance et la discrimination envers les musulmans.

Agressions et moqueries

Les préconisations du Conseil de l’Europe ciblent tout le monde de l’éducation. « Responsables de l'éducation dans la classe politique et l'administration, formateurs d'enseignants, enseignants, chefs d'établissement et principaux, personnel des syndicats d'enseignants et des associations professionnelles, membres d'ONG » sont visés, indiquent les auteurs du guide, qui ajoutent que ces règles s’appliquent « à l'enseignement primaire et secondaire, mais sont aussi utilisables dans un cadre éducatif informel ».

Pour combattre l’islamophobie, le rôle de ces éducateurs, qui doivent avoir pour mission de « faire connaître et comprendre les différentes cultures », est essentiel car les « attitudes et les tensions à l’origine de conflits entre communautés plongent souvent leurs racines dans des stéréotypes et des préjugés ».

Le ressentiment à l’égard de la communauté musulmane est de plus en plus vif, ces dernières années en Europe. « Si l’intolérance et la discrimination envers les musulmans ne sont pas des phénomènes nouveaux, elles se sont transformées et ont pris de l’ampleur ces dernières années, surtout dans le sillage de la "guerre contre le terrorisme", de la crise économique mondiale et des inquiétudes qu’éprouvent de nombreuses sociétés quant à leur identité nationale devant la montée de la diversité en leur sein », est-il déploré dans le rapport.

Ce sentiment antimusulman est aussi visible à l’école. Les actes d’intolérance et de discrimination y prennent de multiples formes, relève le guide, qui remarque qu’ils sont le plus souvent le fait d’élèves, « mais peuvent aussi à l’occasion être celui du personnel enseignant ou administratif ».

Dans la cour de récré, les plus graves actes islamophobes sont des agressions ou des menaces. D’autres, plus tolérés, comme les insultes, le colportage de fausses rumeurs ou les plaisanteries sur l’identité ou la foi des élèves peuvent aussi avoir des conséquences graves. Ils ne doivent pas être acceptés. « Si l’école n’agit pas contre les plaisanteries et les piques dirigées contre les élèves musulmans (ou tout autre groupe), leurs auteurs peuvent passer à des formes plus dures d’intolérance, jusqu’à la violence physique », est-il mis en garde.

Par ailleurs, « certaines études font ressortir, par exemple, que les élèves portant le voile ont plus de chances d’être placées dans un groupe de niveau inférieur, ou d’être invitées à éviter les disciplines plus intellectuelles », note le guide. Désolant.

La culture contre l’islamophobie

Les établissements scolaires doivent clairement se positionner contre cette forme de racisme et faire tout pour la combattre et cela même si l’établissement compte peu d’élèves musulmans en son sein selon le guide.

« La lutte contre l’intolérance et la discrimination envers les musulmans doit s’intégrer dans le programme scolaire, et pourra s’insérer dans un enseignement plus large de la citoyenneté, des droits de l’homme, de la tolérance et de la lutte contre le racisme », préconisent les auteurs du guide.

Il est avant tout nécessaire pour les établissements scolaires, de déconstruire les préjugés sur l’islam et les musulmans en faisant connaître aux enfants cette religion. Créer des débats sur ces questions, faire participer les élèves à des événements et activités en lien avec la lutte contre l’islamophobie sont des pistes envisageables pour les enseignants.

Plus concrètement, le Conseil de l’Europe invite les enseignants à utiliser des « documents racontant des histoires sur la discrimination ou l’intolérance envers les musulmans » qui « peuvent aider les élèves à mieux comprendre ce que signifie être musulman ». La culture peut aussi être utilisée pour lutter contre les préjugés. Les enfants ou adolescents peuvent être sensibilisés par les œuvres de jeunes artistes musulmans usant de leur art (hip-hop, théâtre, genre comique) pour combattre cette discrimination ou encore par des expositions.

Les enseignants doivent se doter de différents supports pour réussir cette mission éducative. Pour les aider, le guide du Conseil de l’Europe fournit une liste de ressources et de documents pédagogiques qu'ils pourront utiliser en classe pour s’attaquer aux stéréotypes dont sont victimes les musulmans.

L’école : interdite aux élèves voilées

En France, ces conseils visant à éduquer contre l’islamophobie seraient utiles car les actes islamophobes sont en constante augmentation (en hausse de 58,5 % en 2011 par rapport à 2010).

De plus, dans l’Hexagone, l’école semble être un terreau fertile aux discriminations. Les jeunes filles voilées se voient ainsi refuser l’entrée des collèges et lycées publiques depuis la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école.

A l’époque, l’instauration de cette loi, qui visait clairement les musulmanes, avait stigmatisé la communauté. Et ce n’était qu’un début. Depuis, l’école semble être devenue un haut lieu des discriminations à l’encontre des musulmans comme en témoigne l’affaire de lycéennes menacées d’exclusion pour avoir porté des jupes jugées trop longues par la direction de leur établissement ou la prise de position de l’ancien ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, pour l’interdiction des mamans voilées lors de l’accompagnement de sorties scolaires.

En Suède, pays cité en exemple par le guide, la situation est tout autre. Là-bas, la loi anti-discrimination en vigueur depuis janvier 2009, qui interdit la discrimination directe et indirecte, les incitations à la discrimination, le harcèlement et les représailles, « s’étend aux établissements publics et privés, à la garde des enfants d’âge préscolaire ou scolaire, à l’enseignement primaire et secondaire et aux établissements de formation d’adultes », nous apprend le Conseil de l’Europe.

En France, avec l’arrivée au pouvoir de la gauche, pas sûr que la situation s’arrange. Dernièrement, Vincent Peillon, le nouveau ministre de l’Education nationale a annoncé vouloir réintroduire des cours de « morale laïque » de l’école primaire au lycée dès la rentrée 2013.

Espérons, que la laïcité évoquée là pour rassembler les élèves ne bifurquera pas vers une « laïcité répressive à la Sarkozy-Guéant », expression utilisée par le sociologue Jean Baubérot qui a accueilli avec enthousiasme la décision du nouveau ministre, estimant auprès de l’AFP qu’« on est en train de repartir du bon pied au sujet de la laïcité ». Mais « que peut être la morale partagée dans une société pluraliste et où il y a plusieurs morales convictionnelles différentes ? », s’interroge-t-il « Il ne s'agit pas de porter atteinte à ces morales convictionnelles mais de trouver le fondement partagé qui peut être enseigné sans y porter atteinte », met-il en garde.

Les musulmans de France ne supporteraient pas, une nouvelle fois, d’être pris pour cible au sein de l’école ,qui est censée être un lieu d’intégration.

Téléchargez le dossier Les principes directeurs à l'attention des éducateurs pour combattre l'intolérance et la discrimination à l'encontre des musulmans : Aborder l’islamophobie à travers l’éducation ci-dessous.





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