Aude Signoles est enseignante-chercheur à l’IISMM
Saphirnews : Quelles marges de manœuvre disposent le Hamas à l’heure actuelle ?
Aude Signoles : Face aux attaques israéliennes du moment, le Hamas n’a pas beaucoup de marges de manœuvre. Cependant, la politique israélienne face au mouvement n’est pas nouvelle. Son but est de le marginaliser de la scène politique palestinienne à tout prix, voire de le court-circuiter. Depuis les élections législatives de janvier 2006, Israël a toujours voulu faire sans lui, en utilisant la voie politique –en faisant en sorte que le Hamas soit boycotté par la scène internationale - et militaire – en arrêtant des dirigeants du mouvement ou en les assassinant. De plus, les raids actuels contre Gaza correspondent à une période préélectorale israélienne pendant laquelle chaque candidat au poste de Premier ministre fait de la surenchère pour montrer qu’il est capable de mettre le Hamas à plat et donc de protéger ses citoyens. Le Hamas ne fait que subir une politique sur laquelle il n’a aucune prise.
On dit partout que la stratégie militaire israélienne ne fait finalement que renforcer le Hamas. Qu’en est-il vraiment ? Quel soutien obtient-il de la population ?
Les Israéliens pensent qu’en détériorant la situation économique et humanitaire des Palestiniens, ces derniers en voudront au Hamas et arrêteront de le soutenir. La situation humanitaire est catastrophique à Gaza. Or, le soutien des Palestiniens de Gaza au mouvement n’a jamais été aussi fort. La population rend responsable Israël de ses malheurs et non le Hamas, qu’elle estime être le seul parti capable de défendre leurs droits. La colère palestinienne est là et la majeure partie de la population soutient les tirs de roquettes même si elle paye un lourd tribut. De plus, le Fatah est complètement discrédité à Gaza car la population voit bien que la voie de la négociation avec les Israéliens ne marche pas du tout. La conférence d’Annapolis a suscité quelques espoirs de reprise des négociations mais n’a aboutit à rien. Aucun droit politique ne leur a été reconnu ni aucun Etat palestinien n’est en vue.
Aude Signoles : Face aux attaques israéliennes du moment, le Hamas n’a pas beaucoup de marges de manœuvre. Cependant, la politique israélienne face au mouvement n’est pas nouvelle. Son but est de le marginaliser de la scène politique palestinienne à tout prix, voire de le court-circuiter. Depuis les élections législatives de janvier 2006, Israël a toujours voulu faire sans lui, en utilisant la voie politique –en faisant en sorte que le Hamas soit boycotté par la scène internationale - et militaire – en arrêtant des dirigeants du mouvement ou en les assassinant. De plus, les raids actuels contre Gaza correspondent à une période préélectorale israélienne pendant laquelle chaque candidat au poste de Premier ministre fait de la surenchère pour montrer qu’il est capable de mettre le Hamas à plat et donc de protéger ses citoyens. Le Hamas ne fait que subir une politique sur laquelle il n’a aucune prise.
On dit partout que la stratégie militaire israélienne ne fait finalement que renforcer le Hamas. Qu’en est-il vraiment ? Quel soutien obtient-il de la population ?
Les Israéliens pensent qu’en détériorant la situation économique et humanitaire des Palestiniens, ces derniers en voudront au Hamas et arrêteront de le soutenir. La situation humanitaire est catastrophique à Gaza. Or, le soutien des Palestiniens de Gaza au mouvement n’a jamais été aussi fort. La population rend responsable Israël de ses malheurs et non le Hamas, qu’elle estime être le seul parti capable de défendre leurs droits. La colère palestinienne est là et la majeure partie de la population soutient les tirs de roquettes même si elle paye un lourd tribut. De plus, le Fatah est complètement discrédité à Gaza car la population voit bien que la voie de la négociation avec les Israéliens ne marche pas du tout. La conférence d’Annapolis a suscité quelques espoirs de reprise des négociations mais n’a aboutit à rien. Aucun droit politique ne leur a été reconnu ni aucun Etat palestinien n’est en vue.
Manifestation de Palestiniens à Gaza
Et du côté de la Cisjordanie, quel soutien populaire obtient le Hamas ?
Actuellement, il y a une véritable répression politique du Fatah envers les proches du Hamas. Les gens hésitent à revendiquer leur appartenance au mouvement par peur. Mais il ne faut pas oublier que la même chose s’est produite à Gaza dans l’autre sens. Des cadres du Fatah ont été violement remplacés par ceux du Hamas lors de leur prise de pouvoir en force en juin 2007.
Les raids israéliens à Gaza ne favorisent t-il pas justement l’unité nationale ? Si oui, quel avenir possible ?
Lors des bombardements contre Gaza en 2006, une forte solidarité entre Palestiniens de Cisjordanie et les Gazaouis s’étaient nouées. Les conditions de vie de ces derniers sont encore plus compliquées. Mais progressivement, les Palestiniens de Cisjordanie ont moins réagi qu’avant parce qu’ils sont préoccupés par leur propre quotidien. Une véritable scission politique entre ces deux territoires s’est opérée.
Il y a eu pourtant pas mal de réactions ces derniers temps en Cisjordanie… La situation pourrait-elle changer d’ici peu sachant que Mahmoud Abbas (président de l’Autorité palestinienne, ndlr) devrait quitter le pouvoir d’ici le 9 janvier ?
Personne parmi les dirigeants politiques aujourd’hui n’imagine un futur séparé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. Mais il y a la réalité qui montre que l’on va de plus en plus vers une gestion politique séparée - surtout depuis juin 2007. Le Fatah bloque toute perspective de dialogue national malgré les demandes incessantes du Hamas. La mise en place d’un nouveau gouvernement d’union nationale est demandée par le Hamas, mais rejetée jusqu’à présent par M. Abbas. Le Hamas souhaite la réouverture du dialogue et n’a jusqu’à présent pas remis en cause le rôle de président de M. Abbas (du Fatah, ndlr) car il considère qu’il a été élu légitimement en 2005.
De quels moyens financiers et militaires disposent aujourd’hui le Hamas ?
Il est difficile de savoir comment le Hamas s’organise à Gaza, fermée aux journalistes et aux chercheurs depuis plusieurs mois. Ce qu’on peut en dire du point de vue économique, c’est que le commerce de contrebande s’est institutionnalisé dans le territoire et que les tunnels creusés entre la bande de Gaza et l’Egypte sont la seule porte qui permette à Gaza de respirer un peu face au blocus sévère qu’Israël impose à ce territoire. Sur le plan financier, le Hamas vit grâce aux dons de la zakat effectués dans le cadre des mosquées. Ces dons proviennent de la population palestinienne de l’intérieur, de la diaspora et d’organisations musulmanes dans le monde. Les aides sont essentiellement privées. S’ajoute une petite aide étatique de l’Iran. La Syrie n’aide pas financièrement le Hamas mais accueille ses dirigeants politiques depuis 2005. Sur le plan militaire, on ne sait pas grand-chose des capacités et forces de frappe du mouvement. Mais le Hamas n’a aucun mal à trouver des recrues parmi la population, désespérée par la situation.
De nombreux points de vue se confrontent aujourd’hui au sein du Hamas. Existe-t-il des risques de démembrement du mouvement ?
Comme tout mouvement politique, le Hamas n’est pas un mouvement homogène. Il existe parfois des divergences entre la branche politique et militaire mais elles sont mineures et ne risquent pas de scinder en deux le mouvement. Depuis sa création en 1987, une très grande liberté d’expression est laissée aux militants. La démocratie interne a toujours existé au sein du mouvement.
Le fait que les dirigeants du Hamas comme Khaled Mechaal, son chef, soient en exil ne complique t-il pas les choses pour le Hamas ? Pensez-vous qu’une troisième Intifada (soulèvement populaire contre Israël, ndlr) que Khaled Mechaal a appelé de ses voeux est possible ?
Depuis juin 2007, les décisions au sein du Hamas se prennent davantage dans la bande de Gaza qu’à l’extérieur. Mais beaucoup des cadres dirigeants du mouvement sont en prison aujourd’hui. C’est le cas notamment de nombreux députés (élus en 2006) et de ministres Hamas. C’est le cas également de responsables d’associations caritatives, d’imams, de leaders syndicaux proches du Hamas. Israël s’en prend davantage aux têtes pensantes du mouvement qu’aux petits militants prêts à faire des attentats suicides. On peut craindre une reprise des attentats suicides dans un proche avenir à partir de la Cisjordanie plus que de la bande de Gaza, mais je ne pense pas qu’on se dirige vers une troisième Intifada, car pour cela, il faudrait que la résistance palestinienne à l’occupation israélienne soit organisée et structurée. Or, dans le contexte de désunion nationale actuelle, cela paraît difficile.
Les dirigeants arabes sont très frileux quand on parle du Hamas. Pourquoi ? Que peut-on attendre d’eux pour le peuple palestinien ?
Les positions des Etats arabes diffèrent d’un cas à l’autre mais beaucoup sont très embêtés. Le soutien populaire à la cause palestinienne existe depuis longtemps dans ces pays. Nombre de dirigeants sont très dépendants d’une aide financière américaine - c’est notamment vrai pour l’Egypte et la Jordanie - et ne peuvent donc pas prendre de positions ouvertement trop «pro-palestiniennes ». Par ailleurs, pour ce qui concerne l’Egypte, soutenir le Hamas, c’est soutenir les Frères musulmans qui sont une vraie force politique d’opposition dans le pays. Aujourd’hui, certains dirigeants israéliens souhaitent revenir à la situation d’avant 1967 lorsque la Jordanie contrôlait la Cisjordanie et l’Egypte, Gaza. Des officiels ont déjà demandé explicitement à l’Egypte de reprendre Gaza sous son contrôle. C’est une manière de se débarrasser du Hamas et de se soustraire des coûts financiers engendrés par l’occupation. Le problème territorial ne sera pas réglé pour autant, mais Israël ne sera plus légalement responsable de Gaza. Les Egyptiens ont jusque là toujours refusé. Une réunion de la Ligue arabe aura lieu demain (mercredi, ndlr). On n’en attend pas grand-chose à part une condamnation non franche contre Israël.
*Auteur de « Le Hamas au pouvoir. Et après ? » paru aux éditions Milan en 2006
Et de « Les Palestiniens », coll. Idées reçues, Le Cavalier Bleu, 2005
Actuellement, il y a une véritable répression politique du Fatah envers les proches du Hamas. Les gens hésitent à revendiquer leur appartenance au mouvement par peur. Mais il ne faut pas oublier que la même chose s’est produite à Gaza dans l’autre sens. Des cadres du Fatah ont été violement remplacés par ceux du Hamas lors de leur prise de pouvoir en force en juin 2007.
Les raids israéliens à Gaza ne favorisent t-il pas justement l’unité nationale ? Si oui, quel avenir possible ?
Lors des bombardements contre Gaza en 2006, une forte solidarité entre Palestiniens de Cisjordanie et les Gazaouis s’étaient nouées. Les conditions de vie de ces derniers sont encore plus compliquées. Mais progressivement, les Palestiniens de Cisjordanie ont moins réagi qu’avant parce qu’ils sont préoccupés par leur propre quotidien. Une véritable scission politique entre ces deux territoires s’est opérée.
Il y a eu pourtant pas mal de réactions ces derniers temps en Cisjordanie… La situation pourrait-elle changer d’ici peu sachant que Mahmoud Abbas (président de l’Autorité palestinienne, ndlr) devrait quitter le pouvoir d’ici le 9 janvier ?
Personne parmi les dirigeants politiques aujourd’hui n’imagine un futur séparé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. Mais il y a la réalité qui montre que l’on va de plus en plus vers une gestion politique séparée - surtout depuis juin 2007. Le Fatah bloque toute perspective de dialogue national malgré les demandes incessantes du Hamas. La mise en place d’un nouveau gouvernement d’union nationale est demandée par le Hamas, mais rejetée jusqu’à présent par M. Abbas. Le Hamas souhaite la réouverture du dialogue et n’a jusqu’à présent pas remis en cause le rôle de président de M. Abbas (du Fatah, ndlr) car il considère qu’il a été élu légitimement en 2005.
De quels moyens financiers et militaires disposent aujourd’hui le Hamas ?
Il est difficile de savoir comment le Hamas s’organise à Gaza, fermée aux journalistes et aux chercheurs depuis plusieurs mois. Ce qu’on peut en dire du point de vue économique, c’est que le commerce de contrebande s’est institutionnalisé dans le territoire et que les tunnels creusés entre la bande de Gaza et l’Egypte sont la seule porte qui permette à Gaza de respirer un peu face au blocus sévère qu’Israël impose à ce territoire. Sur le plan financier, le Hamas vit grâce aux dons de la zakat effectués dans le cadre des mosquées. Ces dons proviennent de la population palestinienne de l’intérieur, de la diaspora et d’organisations musulmanes dans le monde. Les aides sont essentiellement privées. S’ajoute une petite aide étatique de l’Iran. La Syrie n’aide pas financièrement le Hamas mais accueille ses dirigeants politiques depuis 2005. Sur le plan militaire, on ne sait pas grand-chose des capacités et forces de frappe du mouvement. Mais le Hamas n’a aucun mal à trouver des recrues parmi la population, désespérée par la situation.
De nombreux points de vue se confrontent aujourd’hui au sein du Hamas. Existe-t-il des risques de démembrement du mouvement ?
Comme tout mouvement politique, le Hamas n’est pas un mouvement homogène. Il existe parfois des divergences entre la branche politique et militaire mais elles sont mineures et ne risquent pas de scinder en deux le mouvement. Depuis sa création en 1987, une très grande liberté d’expression est laissée aux militants. La démocratie interne a toujours existé au sein du mouvement.
Le fait que les dirigeants du Hamas comme Khaled Mechaal, son chef, soient en exil ne complique t-il pas les choses pour le Hamas ? Pensez-vous qu’une troisième Intifada (soulèvement populaire contre Israël, ndlr) que Khaled Mechaal a appelé de ses voeux est possible ?
Depuis juin 2007, les décisions au sein du Hamas se prennent davantage dans la bande de Gaza qu’à l’extérieur. Mais beaucoup des cadres dirigeants du mouvement sont en prison aujourd’hui. C’est le cas notamment de nombreux députés (élus en 2006) et de ministres Hamas. C’est le cas également de responsables d’associations caritatives, d’imams, de leaders syndicaux proches du Hamas. Israël s’en prend davantage aux têtes pensantes du mouvement qu’aux petits militants prêts à faire des attentats suicides. On peut craindre une reprise des attentats suicides dans un proche avenir à partir de la Cisjordanie plus que de la bande de Gaza, mais je ne pense pas qu’on se dirige vers une troisième Intifada, car pour cela, il faudrait que la résistance palestinienne à l’occupation israélienne soit organisée et structurée. Or, dans le contexte de désunion nationale actuelle, cela paraît difficile.
Les dirigeants arabes sont très frileux quand on parle du Hamas. Pourquoi ? Que peut-on attendre d’eux pour le peuple palestinien ?
Les positions des Etats arabes diffèrent d’un cas à l’autre mais beaucoup sont très embêtés. Le soutien populaire à la cause palestinienne existe depuis longtemps dans ces pays. Nombre de dirigeants sont très dépendants d’une aide financière américaine - c’est notamment vrai pour l’Egypte et la Jordanie - et ne peuvent donc pas prendre de positions ouvertement trop «pro-palestiniennes ». Par ailleurs, pour ce qui concerne l’Egypte, soutenir le Hamas, c’est soutenir les Frères musulmans qui sont une vraie force politique d’opposition dans le pays. Aujourd’hui, certains dirigeants israéliens souhaitent revenir à la situation d’avant 1967 lorsque la Jordanie contrôlait la Cisjordanie et l’Egypte, Gaza. Des officiels ont déjà demandé explicitement à l’Egypte de reprendre Gaza sous son contrôle. C’est une manière de se débarrasser du Hamas et de se soustraire des coûts financiers engendrés par l’occupation. Le problème territorial ne sera pas réglé pour autant, mais Israël ne sera plus légalement responsable de Gaza. Les Egyptiens ont jusque là toujours refusé. Une réunion de la Ligue arabe aura lieu demain (mercredi, ndlr). On n’en attend pas grand-chose à part une condamnation non franche contre Israël.
*Auteur de « Le Hamas au pouvoir. Et après ? » paru aux éditions Milan en 2006
Et de « Les Palestiniens », coll. Idées reçues, Le Cavalier Bleu, 2005
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