Interdire l’accès des musulmans aux Amériques n’est pas nouveau. Leur première exclusion date en effet du début du XVIe siècle. Une décision, qui, si elle avait été rigoureusement appliquée, aurait en fait réjoui ces indésirables, originaires d’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement de Sénégambie.
Le choc qui allait déclencher une série d’interdictions éclata en 1522, lorsque les esclaves wolofs du Sénégal se révoltèrent sur la plantation – aujourd’hui située en République dominicaine – du fils de Christophe Colomb, jetant l’effroi dans le Nouveau Monde.
Le 11 mai 1526, un décret royal interdisait l’introduction des Wolofs, des « Noirs du Levant », de ceux qui avaient été « élevés avec les Maures » et des peuples de Guinée sans autorisation spéciale de la « Casa de Contratacion » qui supervisait la traite.
En 1532, un autre décret décrivait les Wolofs (qui s’étaient aussi révoltés à Porto-Rico et au Panama) comme étant « arrogants, désobéissants, rebelles et incorrigibles ». Cet arrêt interdisait également l’entrée des mulâtres, des juifs, des moriscos (musulmans espagnols convertis de force) et des musulmans en général.
En 1543, un nouvel arrêté stipulait que, dans ces terres nouvelles où la foi s’était si récemment implantée, il était nécessaire d’empêcher l’expansion de la « secte de Mahomet » et barrait l’entrée des musulmans libres ou asservis et de leurs enfants récemment convertis au catholicisme parce qu’ils avaient causé des « inconvénients » par le passé.
En 1550, les « Noirs du Levant » et de Guinée étaient de nouveau bannis parce qu’ils étaient « mélangés aux Maures ». Avec pas moins de cinq décrets antimusulmans au cours de ses cinquante premières années d’implantation en Amérique, l’Espagne pensait avoir mis un terme à l’islamisation potentielle de son empire ou à sa possible perte par rébellion.
Le choc qui allait déclencher une série d’interdictions éclata en 1522, lorsque les esclaves wolofs du Sénégal se révoltèrent sur la plantation – aujourd’hui située en République dominicaine – du fils de Christophe Colomb, jetant l’effroi dans le Nouveau Monde.
Le 11 mai 1526, un décret royal interdisait l’introduction des Wolofs, des « Noirs du Levant », de ceux qui avaient été « élevés avec les Maures » et des peuples de Guinée sans autorisation spéciale de la « Casa de Contratacion » qui supervisait la traite.
En 1532, un autre décret décrivait les Wolofs (qui s’étaient aussi révoltés à Porto-Rico et au Panama) comme étant « arrogants, désobéissants, rebelles et incorrigibles ». Cet arrêt interdisait également l’entrée des mulâtres, des juifs, des moriscos (musulmans espagnols convertis de force) et des musulmans en général.
En 1543, un nouvel arrêté stipulait que, dans ces terres nouvelles où la foi s’était si récemment implantée, il était nécessaire d’empêcher l’expansion de la « secte de Mahomet » et barrait l’entrée des musulmans libres ou asservis et de leurs enfants récemment convertis au catholicisme parce qu’ils avaient causé des « inconvénients » par le passé.
En 1550, les « Noirs du Levant » et de Guinée étaient de nouveau bannis parce qu’ils étaient « mélangés aux Maures ». Avec pas moins de cinq décrets antimusulmans au cours de ses cinquante premières années d’implantation en Amérique, l’Espagne pensait avoir mis un terme à l’islamisation potentielle de son empire ou à sa possible perte par rébellion.
L’exclusion des musulmans hier et aujourd’hui est née des mêmes peurs et des mêmes préjugés
Il n’en demeure pas moins que, malgré ces mesures, les musulmans d’Afrique de l’Ouest continuèrent à être introduits par les puissances européennes dans toutes les colonies d’Amérique. Les chiffres exacts sont impossibles à déterminer, mais il est estimé que, sur les 10,7 millions d’Africains qui survécurent à la traversée de l’Atlantique, plusieurs centaines de milliers étaient musulmans.
On trouve leurs traces du Brésil à la Martinique, de la Guadeloupe à Saint-Domingue (Haïti), de la Bolivie et du Pérou à la Jamaïque, des États-Unis au Belize, aux Bahamas, au Costa-Rica, à La Trinité, à Cuba ou à Antigua. Ils apparaissent, notamment, dans les petites annonces de fugitifs, les récits de voyageurs, les livres de compte des planteurs, les rapports des missionnaires, les souvenirs de leurs descendants, dans le vocabulaire arabe des langues créoles, dans les pratiques religieuses des non-musulmans et dans leurs manuscrits écrits en arabe ou en ajami.
La peur des musulmans exprimée par la Couronne espagnole était-elle justifiée ? Il est vrai que les Sénégambiens représentaient 6 % des déportés, mais ont organisé 23 % des révoltes documentées sur les bateaux négriers. En 1800, « les Noirs et les Maures du Sénégal » réussirent à retourner à Saint-Louis du Sénégal sur le Nepomuceno qui les emmenait d’Uruguay au Pérou ; un épisode qui poussa le vice-roi du Pérou à demander à la Couronne espagnole un nouveau bannissement des musulmans parce qu’ils « répandent des idées perverses parmi les leurs. Et ils sont tellement nombreux dans ce royaume ».
Sur le Tryal, le navire qui les emportait du Chili au Pérou après la traversée de l’Atlantique, les musulmans sénégalais se soulevèrent la veille de Laylat al-Qadr en 1804. Herman Melville a fait de cette histoire son livre Benito Cereno.
Une série de révoltes et de complots organisés par des musulmans du Nigeria à Salvador de Bahia, au Brésil, entre 1807 et 1835, semblerait apporter de l’eau au moulin des bannisseurs tout comme la découverte par les soldats français de papiers écrits en arabe dans les sacs des insurgés lors de la révolution réussie menée par les esclaves de Saint-Domingue. Mais la réalité est que l’immense majorité des musulmans (une petite minorité parmi les esclaves) s’est tournée, pragmatiquement, vers le difficile maintien de la communauté, de la religion et de ses rites, et de leur transmission encore plus malaisée aux enfants.
L’exclusion des musulmans hier et aujourd’hui est née des mêmes peurs et des mêmes préjugés. Mais, en fin de compte, les musulmans victimes de la traite atlantique, malgré l’horreur absolue de leur situation, ont apporté leur contribution religieuse, sociale et culturelle aux Amériques. Comme le font ceux d’aujourd’hui.
****
Sylviane A. Diouf, directrice du Lapidus Center for the Historical Analysis of Transatlantic Slavery, à New York, est l’auteure, notamment, de Servants of Allah : African Muslims Enslaved in the Americas (New York University Press, 1998, nouv. éd. 2013).
On trouve leurs traces du Brésil à la Martinique, de la Guadeloupe à Saint-Domingue (Haïti), de la Bolivie et du Pérou à la Jamaïque, des États-Unis au Belize, aux Bahamas, au Costa-Rica, à La Trinité, à Cuba ou à Antigua. Ils apparaissent, notamment, dans les petites annonces de fugitifs, les récits de voyageurs, les livres de compte des planteurs, les rapports des missionnaires, les souvenirs de leurs descendants, dans le vocabulaire arabe des langues créoles, dans les pratiques religieuses des non-musulmans et dans leurs manuscrits écrits en arabe ou en ajami.
La peur des musulmans exprimée par la Couronne espagnole était-elle justifiée ? Il est vrai que les Sénégambiens représentaient 6 % des déportés, mais ont organisé 23 % des révoltes documentées sur les bateaux négriers. En 1800, « les Noirs et les Maures du Sénégal » réussirent à retourner à Saint-Louis du Sénégal sur le Nepomuceno qui les emmenait d’Uruguay au Pérou ; un épisode qui poussa le vice-roi du Pérou à demander à la Couronne espagnole un nouveau bannissement des musulmans parce qu’ils « répandent des idées perverses parmi les leurs. Et ils sont tellement nombreux dans ce royaume ».
Sur le Tryal, le navire qui les emportait du Chili au Pérou après la traversée de l’Atlantique, les musulmans sénégalais se soulevèrent la veille de Laylat al-Qadr en 1804. Herman Melville a fait de cette histoire son livre Benito Cereno.
Une série de révoltes et de complots organisés par des musulmans du Nigeria à Salvador de Bahia, au Brésil, entre 1807 et 1835, semblerait apporter de l’eau au moulin des bannisseurs tout comme la découverte par les soldats français de papiers écrits en arabe dans les sacs des insurgés lors de la révolution réussie menée par les esclaves de Saint-Domingue. Mais la réalité est que l’immense majorité des musulmans (une petite minorité parmi les esclaves) s’est tournée, pragmatiquement, vers le difficile maintien de la communauté, de la religion et de ses rites, et de leur transmission encore plus malaisée aux enfants.
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