Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Le Prophète Muhammad, le maître yogi et la colère du monde musulman

Par Dahmane Mazouzi*

Rédigé par Dahmane Mazouzi | Vendredi 28 Septembre 2012 à 15:36

           


« Tu ne connais pas le nom de cet homme alors que tu es ici en Indonésie dans le plus grand pays musulman. Son nom est Muhammad », me dit le maître yogi.
« Tu ne connais pas le nom de cet homme alors que tu es ici en Indonésie dans le plus grand pays musulman. Son nom est Muhammad », me dit le maître yogi.
Tant d’actes insensés commis au nom du plus bel être que la Terre ait porté. N’est-ce pas contradictoire ? Tout cela, en raison d’une vidéo de manufacture exécrable, nous dit-on. Sans le vouloir, ce sont ces actes qui permettront à ce film d’acquérir la notoriété tant rêvée. Même les publicitaires d’Hollywood n’auraient pas pu trouver mieux pour faire entrer un film au box-office.

Et pourtant, Muhammad est un être comme nul autre pareil. Il est, selon la tradition islamique descendu comme miséricorde pour l’humanité. En voyant ces images de colère, de haine, de violence et parfois même de lynchage, on peut se demander où est cette bonté islamique qu’évoque le Coran.

Il y a quelques années, alors en voyage autour du monde, je devais faire la rencontre d’un homme qui me permit de réellement prendre toute la dimension de cet être exceptionnel qu’on nomme Muhammad – que la paix et la miséricorde soit sur lui.

Cet homme n’était pas musulman mais hindou. À vrai dire, c’était un maître yogi rencontré à Ubud, le centre culturel de Bali. Il était simple plongeur dans un restaurant de cette ville, mais n’hésitait pas à initier celui qui s’intéresse au yoga. C’était un homme très simple et très équilibré. Les bienfaits du yoga, je présume.

Se nourrir de spiritualité

Après un moment passé à effectuer des exercices de yoga, nous commençâmes à parler spiritualité. Selon lui, beaucoup de gens se trompent sur le sens du yoga. Il affirmait que le yoga est un travail à la fois sur le corps et sur l’esprit permettant de se libérer de ses chaînes à la fois physiques et mentales, conduisant à mieux aborder le spirituel. Ensemble, nous nous rejoignions sur la nécessité pour l’être de se nourrir de spiritualité.

Afin d’approfondir notre conversation, il me demanda à quelle religion j’appartenais. « Je suis catholique », lui répondis-je. Bien qu’étant musulman moi-même, mon objectif en lui disant cela était de lui poser des questions sur l’islam et de lui donner ainsi la chance de partager son opinion sur cette religion pratiquée par une grande partie de ses concitoyens indonésiens musulmans sans qu’il craigne de me blesser.

Je pris un peu de temps avant d’aborder l’islam, Muhammad et les musulmans. J’évoquais la figure de Socrate, de Bouddha, de Moïse ainsi que de Jésus. Je feignis même de ne pas connaître le nom du Prophète de l’islam. « Tu ne connais pas le nom de cet homme alors que tu es ici en Indonésie dans le plus grand pays musulman. Son nom est Muhammad », me dit-il. À l’instar des autres personnes citées précédemment dont il connaissait très bien la vie et les vertus, je lui demandais cette fois ce qu’il pensait du Prophète de l’islam. Il n’hésita pas à soupirer avant de me répondre.

À ce moment précis, je sentais bien que ce qu’il était prêt à me dire n’allait pas être facile à entendre. Je commençais déjà à perdre patience. Je regrettais même ma question qui ne le laissait pas indifférent. Je me présentais le flot de clichés à l’encontre du Prophète Muhammad s’abattre sur mon visage.

« Les musulmans ne l’aiment pas »

Ce maître yogi, qui vivait dans la seule île non musulmane de cet archipel indonésien comptant pas moins de 1 000 îles à majorité musulmane, avait subi d’importantes discriminations car il faisait partie d’une minorité hindoue au sein d’une majorité musulmane.

« Cet homme dont tu parles n’est pas un simple homme », me dit-il. « C’est un être qui s’est réalisé et a atteint le niveau d’harmonie auquel nous devons tous tendre. » J’étais stupéfait par ce qu’il venait de me dire et sans même me laisser le temps d’apprécier ses paroles il n’hésita pas à ajouter : « Mais je vais te confier un secret. Malgré le caractère sublime de Muhammad, les musulmans ne l’aiment pas. »

Cette parole me fit tomber de haut et me fis perdre mes moyens. Lui qui avait parlé du Prophète avait tellement de profondeur, se mettait à dire des choses qui n’avaient, je pensais, aucun sens. Je faillis même dévoiler ma couverture en avouant que j’étais musulman et ainsi remettre en question cette parole. Et, pourtant, force était de constater qu’il avait clairement raison.

« Maître Yogi, je ne comprends pas ce que tu affirmes en disant que les musulmans n’aiment pas leur Prophète.
– C’est simple, si les musulmans l’aimaient vraiment ils seraient comme lui : calme, doux, tendre, courtois, clément, pardonneur, modeste.
Cet homme n’a jamais frappé quiconque, ne s’est jamais vengé de quiconque. Malheureusement, les musulmans font en son nom ce que lui-même n’avait pas fait pour lui-même. Observe le monde musulman et tu comprendras que la moralité sublime de cet homme qu’on nomme Muhammad a été substituée par la rage des masses musulmanes. »


À l’heure où le monde musulman s’embrase au nom de Muhammad – que la paix et la miséricorde soit sur lui –, les paroles de ce maître yogi résonne en moi sans cesse.

« Nous ne t'avons envoyé, ô Muhammad que comme une miséricorde pour les mondes », Coran (s. 21, v. 107).


* Dahmane Mazouzi est enseignant et globe-trotter photographe. Voir son blog ici







SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !