Auteur-compositeur et interprète, Sezen Aksu est l'une des artistes les plus connues en Turquie.
Il y avait foule à la soirée de clôture des Veillées du Ramadan organisées par l’Institut des cultures d’Islam. 2 500 personnes étaient attendues. 20 heures, rupture du jeûne, on se presse pour accéder à l’espace réservé à l’iftar. Des tentes ont été dressées sur l’avenue Victoria, fermée à la circulation.
Hop, un monsieur a pu se voir servir un verre de boisson gazeuse. Hop, une dame revient victorieuse de son assaut vers les « tables servies » munie de deux toasts. « Cet iftar, encore un travail d’Arabes », dit-elle en autodérision, engouffrant les deux malheureux toasts. « Ce ne sont pas des Arabes qui organisent, Madame, c’est la ville de Paris ! » « Oof ! » Nouvel assaut. Les patients – ou les plus polis, ou les moins affamés – écoutent sagement le groupe de blues touareg Tinariwen. D’autres personnes rencontrées au cours de la soirée raconteront avoir bien bu et bien mangé (dattes, soupe, merguez, thé à la menthe…). Il suffisait de prendre son temps…
Direction le théâtre du Châtelet. Équation : comment faire passer plusieurs centaines de personnes dans l’encadrement d’une double porte large de 2 mètres, vérification des invitations oblige. Il faut jouer des coudes. Très peu pour moi. Je me transforme en Élastigirl. Ça marche. Je me retrouve devant le vigile qui tente de retrouver sur sa liste le nom de la dame qui me précède. On lit une fois. On lit deux fois. Pas de nom de la dame. On lit à plusieurs. Ça peut aider. Rien. Recalée. À mon tour, j’y suis. Je passe, suivie de ma collègue, Élastigirl 2.
Là, séquence nostalgie. Cela faisait des années-lumière que je n’avais plus traîné mes guêtres dans ce lieu somptueux − où j’avais découvert le théâtre kabuki −, jetant par la suite mon dévolu sur le théâtre d’en face, plus contemporain et plus novateur dans ses programmations. Mais ce soir-là, pas de chichis. Les robes de soirée sont rares. Une vraie fête populaire, où chacun peut aller dans les salles comme bon lui semble. Le public est cosmopolite, on vient en couple, en bandes d’amis, certains accompagnés de leurs enfants. Parmi les invités pipoles, on repère des élus PS, des artistes, on salue des acteurs du monde associatif musulman, la direction du CFCM, des chercheurs spécialistes de la diversité et du fait religieux.
Hop, un monsieur a pu se voir servir un verre de boisson gazeuse. Hop, une dame revient victorieuse de son assaut vers les « tables servies » munie de deux toasts. « Cet iftar, encore un travail d’Arabes », dit-elle en autodérision, engouffrant les deux malheureux toasts. « Ce ne sont pas des Arabes qui organisent, Madame, c’est la ville de Paris ! » « Oof ! » Nouvel assaut. Les patients – ou les plus polis, ou les moins affamés – écoutent sagement le groupe de blues touareg Tinariwen. D’autres personnes rencontrées au cours de la soirée raconteront avoir bien bu et bien mangé (dattes, soupe, merguez, thé à la menthe…). Il suffisait de prendre son temps…
Direction le théâtre du Châtelet. Équation : comment faire passer plusieurs centaines de personnes dans l’encadrement d’une double porte large de 2 mètres, vérification des invitations oblige. Il faut jouer des coudes. Très peu pour moi. Je me transforme en Élastigirl. Ça marche. Je me retrouve devant le vigile qui tente de retrouver sur sa liste le nom de la dame qui me précède. On lit une fois. On lit deux fois. Pas de nom de la dame. On lit à plusieurs. Ça peut aider. Rien. Recalée. À mon tour, j’y suis. Je passe, suivie de ma collègue, Élastigirl 2.
Là, séquence nostalgie. Cela faisait des années-lumière que je n’avais plus traîné mes guêtres dans ce lieu somptueux − où j’avais découvert le théâtre kabuki −, jetant par la suite mon dévolu sur le théâtre d’en face, plus contemporain et plus novateur dans ses programmations. Mais ce soir-là, pas de chichis. Les robes de soirée sont rares. Une vraie fête populaire, où chacun peut aller dans les salles comme bon lui semble. Le public est cosmopolite, on vient en couple, en bandes d’amis, certains accompagnés de leurs enfants. Parmi les invités pipoles, on repère des élus PS, des artistes, on salue des acteurs du monde associatif musulman, la direction du CFCM, des chercheurs spécialistes de la diversité et du fait religieux.
Une fois le flux des invités régulé, un vigile nous accoste : « Au fait, l’Aïd, c’est demain ? » J'aperçois la dame qui s’était fait recalée à l'entrée, tout sourire. Clins d’œil.
Tandis que, dans la salle Nijinski, Ziya Azazi s’apprête à donner son solo alliant danse rituelle des derviches tourneurs et danse contemporaine, la grande salle du théâtre du Châtelet se comble peu à peu de son public pour une série de concerts non stop.
Fidèle à elle-même, la grande salle demeure toujours autant un théâtre de classes (sociales). Les meilleures places dans l’orchestre ou aux premiers sièges de la corbeille ; les moins bonnes tout au fond, à gauche, à droite, là derrière le pilier… Mais ce soir-là, les places sont gratuites, les meilleures sont donc pour les plus rapides… ou les plus malins. On se faufile, on change de place entre deux morceaux, on ne voit de la scène que le bout du bout. Heureusement qu’il ne s’agit pas de spectacle mais de musique, on change de balcon. Finalement debout, c’est bien aussi… L’ambiance est décontractée, familiale, quelques foulards.
En lien avec la Saison de la Turquie, co-organisatrice de la soirée, beaucoup d’artistes turcs : le Taksim Trio, la chanteuse Sezen Aksu – ovationnée −, le groupe dub-électro oriental Baba Zula…
« C’est la première fois que je viens au théâtre du Châtelet, et c’est aussi la première fois que j’assiste à un concert de Sezen Aksu, qui est la plus grande star de Turquie ! », s’enthousiasme Selda, étudiante de 22 ans, après avoir applaudi et battu le rappel. « Je suis venue exprès pour elle ! » « Moi, mon cœur balance pour le clarinettiste Hüsnü Celendirici [du Taksim Trio], un vrai bonheur ! », complète Gozda, elle aussi étudiante de 21 ans. « On est tout un groupe de 20 personnes, explique Gulchan, 23 ans. Même notre maman est venue avec nous. On s’est donné rendez-vous sur Facebook où il y a un groupe “Saison de la Turquie”. »
Ahmed, d’origine turque aussi, ne partira pas juste après la prestation de Sezen Aksu. Il est venu écouter aussi le musicien et chanteur malien Salif Keita, qu’il souhaite découvrir.
Accompagné simplement d’une choriste, Salif Keita, à la guitare, ne manque pas de donner une anecdote avant chacun des cinq morceaux qu’il interprétera. « Je discutais avec une femme jusqu’à minuit, le lendemain elle apprend que son enfant unique n’est plus. Les femmes, on ne peut vous “payer”, c’est grâce à vous que l’on est là. » Crépitement d’applaudissements.
Au Grand Foyer, les marionnettes de la compagnie Semaver Kumpanya se donnent en spectacle devant un public plus intimiste. Les textes sont dits en turc. Les enfants rient de bon cœur. L’humour est universel.
Férues de musique orientale, « libanaise, égyptienne… », « algéroise aussi car nous sommes algéroises », « et française, Charles Aznavour… », Myriam, 36 ans, Nadia, 34 ans, et Saadia, 45 ans, sont des habituées des soirées de clôture des Veillées du ramadan. Depuis la 1re édition, elles en apprécient l’éclectisme qui leur permet de découvrir de nouveaux sons.
« La musique turque, je ne connaissais pas du tout. » « Salif Keita, non plus ! » « Bercy, l’an dernier, c’était trop grand, alors que les chansons plutôt douces de Souad Massi ne s’y prêtaient guère. » « Au stade Charléty, c’était très bien organisé, un mélange d’artistes juifs et musulmans, du RnB… » L’année prochaine, vous reviendrez ? « Ah ouiii ! », lancent-elles dans un éclat de rire.
« Toute sortie est définitive », entre tabac et musique, il faut choisir. Quant à Élastigirl 2 et moi, nous nous esquivons définitivement de l’atmosphère colorée du Châtelet. Car il nous faut nous lever à 6 heures du matin, pour la prière de l’Aïd el-Fitr, une autre ambiance…
Tandis que, dans la salle Nijinski, Ziya Azazi s’apprête à donner son solo alliant danse rituelle des derviches tourneurs et danse contemporaine, la grande salle du théâtre du Châtelet se comble peu à peu de son public pour une série de concerts non stop.
Fidèle à elle-même, la grande salle demeure toujours autant un théâtre de classes (sociales). Les meilleures places dans l’orchestre ou aux premiers sièges de la corbeille ; les moins bonnes tout au fond, à gauche, à droite, là derrière le pilier… Mais ce soir-là, les places sont gratuites, les meilleures sont donc pour les plus rapides… ou les plus malins. On se faufile, on change de place entre deux morceaux, on ne voit de la scène que le bout du bout. Heureusement qu’il ne s’agit pas de spectacle mais de musique, on change de balcon. Finalement debout, c’est bien aussi… L’ambiance est décontractée, familiale, quelques foulards.
En lien avec la Saison de la Turquie, co-organisatrice de la soirée, beaucoup d’artistes turcs : le Taksim Trio, la chanteuse Sezen Aksu – ovationnée −, le groupe dub-électro oriental Baba Zula…
« C’est la première fois que je viens au théâtre du Châtelet, et c’est aussi la première fois que j’assiste à un concert de Sezen Aksu, qui est la plus grande star de Turquie ! », s’enthousiasme Selda, étudiante de 22 ans, après avoir applaudi et battu le rappel. « Je suis venue exprès pour elle ! » « Moi, mon cœur balance pour le clarinettiste Hüsnü Celendirici [du Taksim Trio], un vrai bonheur ! », complète Gozda, elle aussi étudiante de 21 ans. « On est tout un groupe de 20 personnes, explique Gulchan, 23 ans. Même notre maman est venue avec nous. On s’est donné rendez-vous sur Facebook où il y a un groupe “Saison de la Turquie”. »
Ahmed, d’origine turque aussi, ne partira pas juste après la prestation de Sezen Aksu. Il est venu écouter aussi le musicien et chanteur malien Salif Keita, qu’il souhaite découvrir.
Accompagné simplement d’une choriste, Salif Keita, à la guitare, ne manque pas de donner une anecdote avant chacun des cinq morceaux qu’il interprétera. « Je discutais avec une femme jusqu’à minuit, le lendemain elle apprend que son enfant unique n’est plus. Les femmes, on ne peut vous “payer”, c’est grâce à vous que l’on est là. » Crépitement d’applaudissements.
Au Grand Foyer, les marionnettes de la compagnie Semaver Kumpanya se donnent en spectacle devant un public plus intimiste. Les textes sont dits en turc. Les enfants rient de bon cœur. L’humour est universel.
Férues de musique orientale, « libanaise, égyptienne… », « algéroise aussi car nous sommes algéroises », « et française, Charles Aznavour… », Myriam, 36 ans, Nadia, 34 ans, et Saadia, 45 ans, sont des habituées des soirées de clôture des Veillées du ramadan. Depuis la 1re édition, elles en apprécient l’éclectisme qui leur permet de découvrir de nouveaux sons.
« La musique turque, je ne connaissais pas du tout. » « Salif Keita, non plus ! » « Bercy, l’an dernier, c’était trop grand, alors que les chansons plutôt douces de Souad Massi ne s’y prêtaient guère. » « Au stade Charléty, c’était très bien organisé, un mélange d’artistes juifs et musulmans, du RnB… » L’année prochaine, vous reviendrez ? « Ah ouiii ! », lancent-elles dans un éclat de rire.
« Toute sortie est définitive », entre tabac et musique, il faut choisir. Quant à Élastigirl 2 et moi, nous nous esquivons définitivement de l’atmosphère colorée du Châtelet. Car il nous faut nous lever à 6 heures du matin, pour la prière de l’Aïd el-Fitr, une autre ambiance…