De g. à dr. : Nacira Guenif-Souleimas, Ziad Clos, Youssef Courbage, Omar Guayatt, Youssef Boussoumah. Au centre, Basma Kodmani, politologue et directrice du Centre pour une initiative arabe de réforme, anime le débat organisé à l'ICI, le 8 septembre.
Un dialogue de sourds entre l'Europe judéo-chrétienne et le monde musulman ? C'est tout à fait l'avis de Youssef Courbage, qui nous livre son analyse avec son regard de démographe. « La démographie semble rébarbative, pourtant elle a des choses à nous apprendre. Quand on se penche sur ces données concrètes − le nombre de naissances, le nombre de mariages, par exemple −, on réalise que la population du monde musulman et celle du monde européen ne se sont jamais autant ressemblées. »
Ziad Clos, avocat et conseiller de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a une idée bien arrêtée sur les raisons qui ont poussé Orient et Occident à s'éloigner. « Ce sont les bouleversements de notre histoire récente qui ont incité le monde musulman et l'Europe à se définir par opposition : la chute du mur de Berlin et la fin de la vision Est-Ouest du monde ; la construction européenne et sa recherche d'identité, ainsi que celle du monde arabe lors de la décolonisation. » Une quête d'identité comparable à celle que traversent les adolescents, qui aurait renvoyé dos à dos les deux parties.
« La conversation n'a jamais cessé, affirme pourtant Nacira Guenif-Souleimas, qui s'accorde à dire que l'opposition Orient-Occident les fait exister. « Si le dialogue est tendu, c'est qu'il est désormais symétrique. L'Europe a enfin compris qu'on ne peut pas assimiler les Arabes, gommer leurs différences. Ces échanges difficiles sont naturels », explique la sociologue.
L'expérience d'Omar Guayatt et de Yan Duyvendack, comédiens respectivement suisse et égyptien, les amène à cette idée : l'incompréhension entre les deux cultures reste la raison essentielle de cette mésentente. Les deux performers ont ensemble monté une pièce, Made In Paradise.
« Quand je me suis rendu au Caire pour la première fois, j'ai découvert un visage des Egyptiens totalement différent de l'idée que je m'en faisais, idées véhiculées par les représentations qu'en font les médias. J'ignorais tout, j'avais tout à apprendre », raconte Yan. « Pour utiliser une métaphore, nous sommes comme PC et Mac : deux systèmes différents qui font la même chose », renchérit Omar. Chacun explique, de façon pragmatique, raisonnée, que les divergences sont superficielles. Optimistes mais pas angéliques, ils s'attardent sur certaines difficultés quotidiennes.
« Ces incompréhensions sont très faciles à dépasser, intervient Haneen Zoabi, députée arabe à la Knesset. Introduire des cours d'histoire arabe dans les programme scolaire, montrer le vrai visage des musulmans... Avec quelques mesures éducatives, sociales et politiques, le problème serait en grande partie réglée si l'Europe le voulait. »
Tout d'un coup, le débat apparaît bien moins policé... Le fossé qui sépare l'Europe et le monde musulman serait donc entretenu pour servir des intérêts politiques.
Youssef Boussoumah, du mouvement des Indigènes de la République, a sa petite idée sur la question. « Ce combat est totalement d'arrière-garde. Je vous rappelle tout de même que, jusqu'à la décolonisation, la France était classée "puissance musulmane" par l'ONU ! » C'est l'islam qui poserait problème, selon le militant. Et pas pour les questions de valeurs, de peur de la burqa, tel qu'on veut bien nous le faire croire. « Le monde musulman fait peur au pouvoir tout simplement parce qu'il se passe de pape. Rien ne contrôle l'islam. Vous imaginez un instant que les musulmans réalisent que ce qu'il se passe aujourd'hui en France au niveau politique est totalement immoral du point de vue des valeurs, le soulèvement que cela pourrait générer ? Voilà pourquoi on ne veut pas intégrer les musulmans et creuser le fossé. »
Youssef Courbage, dans le même sillage, ouvre cependant d'autres pistes. « On ne voit que ce que l'on veut voir. En Occident, on s'intéresse uniquement aux phénomènes qui sont en marge de l'islam : les extrémistes, la burqa... Alors que tout cela ne sont que des soubresauts d'une réalité très différente de ce qu'on veut nous faire croire. » Selon ses chiffres, la réalité, c'est que l'islam est en train de se séculariser. « Pour ce qui est des décisions fondamentales de la vie, la nécessité passe désormais au-dessus du divin. C'est ce qui est en train de se passer dans les pays du Maghreb. On le voit à travers le contrôle des naissances, à travers les séparations de couples... »
Le choc des civilisations ? Une illusion d''optique, très certainement.
* Made in Paradise, un spectacle de Yan Duyvendak, Omar Ghayatt et Nicole Borgeat, dates et infos sur www.duyvendak.com
Ziad Clos, avocat et conseiller de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a une idée bien arrêtée sur les raisons qui ont poussé Orient et Occident à s'éloigner. « Ce sont les bouleversements de notre histoire récente qui ont incité le monde musulman et l'Europe à se définir par opposition : la chute du mur de Berlin et la fin de la vision Est-Ouest du monde ; la construction européenne et sa recherche d'identité, ainsi que celle du monde arabe lors de la décolonisation. » Une quête d'identité comparable à celle que traversent les adolescents, qui aurait renvoyé dos à dos les deux parties.
« La conversation n'a jamais cessé, affirme pourtant Nacira Guenif-Souleimas, qui s'accorde à dire que l'opposition Orient-Occident les fait exister. « Si le dialogue est tendu, c'est qu'il est désormais symétrique. L'Europe a enfin compris qu'on ne peut pas assimiler les Arabes, gommer leurs différences. Ces échanges difficiles sont naturels », explique la sociologue.
L'expérience d'Omar Guayatt et de Yan Duyvendack, comédiens respectivement suisse et égyptien, les amène à cette idée : l'incompréhension entre les deux cultures reste la raison essentielle de cette mésentente. Les deux performers ont ensemble monté une pièce, Made In Paradise.
« Quand je me suis rendu au Caire pour la première fois, j'ai découvert un visage des Egyptiens totalement différent de l'idée que je m'en faisais, idées véhiculées par les représentations qu'en font les médias. J'ignorais tout, j'avais tout à apprendre », raconte Yan. « Pour utiliser une métaphore, nous sommes comme PC et Mac : deux systèmes différents qui font la même chose », renchérit Omar. Chacun explique, de façon pragmatique, raisonnée, que les divergences sont superficielles. Optimistes mais pas angéliques, ils s'attardent sur certaines difficultés quotidiennes.
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