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Points de vue

Le vrai danger pour nos démocraties vient de nos propres gouvernements, pas des terroristes (1/2)

Rédigé par Alain Gabon | Lundi 22 Février 2016 à 15:17

           


Le vrai danger pour nos démocraties vient de nos propres gouvernements, pas des terroristes (1/2)
« État de guerre », « menace terroriste », « danger islamiste », « radicalisation des jeunes des banlieues », « tentation jihadiste », « péril salafiste », « montée de l’extrémisme / du communautarisme / du fondamentalisme / de l’intégrisme » (jamais définis clairement), et on en passe ! Le matraquage sans répit des opinions publiques par les mots-qui-font-peur atteint en France un paroxysme hallucinant dans la paranoïa collective digne de l’Amérique post-11-Septembre.

Tous ces mots-épouvantails nous sont balancés sans aucune précaution d’usage ni définitions claires, dans un continuum toxique pour l’opinion publique, l’image de l’islam en France et la vie quotidienne de musulmans parfaitement non violents.

Une réalité prouvée mais censurée : dans nos sociétés, rien ne tue moins que le « jihadisme »

Entrainée par une petite clique de charlatans médiatiques, de sous-philosophes et de pseudo-intellos ainsi que par des gouvernements qui ont tout intérêt à exagérer la « menace terroriste » pour jouer la politique de la peur à la Orwell, la France connaît en ce moment un impressionnant lavage de cerveau couplé à la mise en place d’un État policier liberticide, avançant sous couvert de « lutte contre le terrorisme ».

Or, vérité facilement vérifiable en cas de scepticisme, le fait est qu’en France mais aussi dans l’ensemble du monde occidental (États-Unis, Canada et Union européenne inclus) rien ne tue moins que le terrorisme en général et sa variété « jihadiste » en particulier. Dans nos sociétés, il s’agit d’une menace tout à fait minime pour la vie humaine.

Ainsi, depuis le 11 septembre inclus, la totalité des victimes françaises du terrorisme dit « islamiste » tant en France qu’à l’étranger (touristes, personnel d’ambassades, etc.) s’élève à 237, pour une période de 15 ans incluant la terrible année 2015. A savoir, une moyenne annuelle de 16 morts pour une population de 63 millions d’habitants.
En comparaison, pour la seule année 2013, les homicides non terroristes ont, quant à eux, fait 682 victimes. 730 enfants ont été battus à mort. Et 121 femmes ainsi que 25 hommes sont décédé(é)s sous les coups de leurs conjoints.

En une année, les homicides sur notre sol ont donc tué 1 558 personnes, dont quasi la moitié était des enfants, soit7 fois plus en une seule année que le « jihadisme » en 15 ans !

Que l’on se base sur les statistiques et études nationales ou internationales, officielles ou non (rapports FBI et Europol, sources universitaires, médicales et scientifiques tel l’OMS, etc.), cet ordre de hiérarchie dans les causes de mortalité reste le même pour tous les pays occidentaux sans aucune exception.

La réalité systématiquement passée sous silence malgré l’hallucinant matraquage sur la « menace terroriste » est donc que dans les sociétés occidentales, le « jihadisme » tue extrêmement peu (le 11-Septembre étant l’unique exception jamais reproduite qui confirme cette règle, pas la règle elle-même). Tout l’appareil statistique montre que rien ne tue moins que ces fous d’Allah qui occupent beaucoup trop nos esprits, médias et débats publics.

Une politique orwellienne de la peur

Posons-nous alors la question : pourquoi ces chiffres, données et réalités avérées, aisément vérifiables, ne sont-ils jamais communiqués par nos gouvernants et « experts » lors des innombrables débats et interventions politiques sur ce sujet ?
Car cela remettrait la « menace terroriste » en perspective, montrerait à quel point on la gonfle à dessein, contrecarrerait la politique orwellienne de la peur, et donc risquerait de miner le soutien que la population accorde jusqu’à présent aux lois sécuritaires actuellement mises en place.

Il s’agit plutôt d’entretenir la peur et la tension par une rhétorique catastrophiste, voire apocalyptique, celle de la « fin-de-la-civilisation-telle-que-nous-la-connaissons », de la « barbarie-à-nos-portes », de « l’ennemi de l’intérieur » (un grand classique de tous les régimes de propagande) ou autres proclamations théâtrales sur « La France en guerre ! ».

Non, le jihadisme n’est pas un danger politique

Mises à part les dénégations du style « angélisme » ou « Allez donc dire cela aux familles des victimes ! », on pourrait rétorquer que le jihadisme représente non pas tant une menace sur les vies humaines mais plutôt un danger politique pour nos démocraties, nos « valeurs » et notre « civilisation ». Mais là encore, il n’en est rien.

Même l’État islamique, que l’on nous présente comme un cauchemar de fin du monde, n’a jamais été en mesure de poser un quelconque danger à nos États, à nos institutions démocratiques, à notre civilisation et à nos valeurs. À qui fera-t-on croire que 50 000 hommes (la moitié d’un seul stade de foot ) pourraient envahir un pays occidental, même le plus minuscule et à fortiori tout l’Occident, réussir des coups d’État, renverser nos gouvernements, conquérir l’Europe, imposer la « sharia » dans l’Union européenne et remplacer nos sociétés par un « califat » mondial ? Quel pauvre cerveau lobotomisé par la propagande permanente de la « lutte contre la terreur » peut croire cela ?

Daesh est non seulement incapable d’agrandir son propre territoire en Syrac (Syrie-Iraq) mais en une seule année il en a déjà perdu de 15 % à 20 % (estimation basse) et ne cesse de donner des signes de décomposition interne (fours à pain qui ne fonctionnent plus faute de fuel, salaires réduits, diminution des recrues, etc.).

Il suffit aussi de regarder une carte : non seulement l’État islamique n’a aucun allié dans le monde, pas une seule nation, uniquement des ennemis, mais il est totalement encerclé par un double anneau de puissances ennemies.

1. En Syrie et en Iraq, il est pris en étau entre : sur son flanc est, les forces irakiennes alliées à l’Iran et aux États-Unis (soutenues de plus par les milices shiites) ; le gouvernement régional du Kurdistan, au nord (et ses 250 000 peshmergas qui mettent régulièrement la pâtée aux hommes de Daesh dès qu’ils font mine de s’approcher de leur territoire) ; et le régime syrien d’Assad, sur son flanc ouest, d’ailleurs en pleine reconquête territoriale grâce au soutien russe.

2. Aux frontières de la Syrie et de l’Irak, un second anneau d’États ennemis incluant la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, Israël et le Liban lui coupent encore plus toute possibilité d’expansion ou de sortie. L’EI est, en somme, fait comme un rat.

Sans parler de la double coalition d’États (Russie-Syrie-Iran et coalition Obama) qui ne cesse de le bombarder du ciel et a en une seule année considérablement réduit ses capacités logistiques, économiques et militaires.

L’ordre démocratique de nos sociétés menacé, mais par qui ?

Dans une telle situation, les 50 000 gugusses de l’EI viendraient envahir l’Union européenne voire toute l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural pour en faire un « califat » ? Tel est pourtant le genre d’absurdités avec lesquelles on effraie nos concitoyens pour mieux s’assurer de leur docilité politique. La vraie soumission est là, pas chez Houellebecq.

Pour schématiser : Daesh ne peut plus ni grappiller de nouveaux territoires, ni renverser les États ennemis (pas même les voisins Bagdad et Damas), ni gagner la « bataille des cœurs et des esprits », que ce soit chez les musulmans ou ailleurs. Mais, faute de mieux, il peut toujours essayer de recruter quelques paumés pour tuer des innocents afin d’entretenir l’illusion de la toute-puissance et de gagner des points dans la guerre psychologique, à défaut de pouvoir gagner les guerres militaires et de renverser des régimes.

Les tueries en pays étrangers sont bien sûr toujours une terrible tragédie, mais elles ne menacent ni nos régimes politiques, ni nos États, ni nos valeurs (qu’elles auraient plutôt tendance à affermir et réaffirmer), ni l’ordre démocratique de nos sociétés.

A moins – et c’est là où le bât blesse – que nous ne démolissions nous-mêmes tout cela, accomplissant par de terribles fautes stratégiques, mauvais calculs, réactions excessives et mauvaises politiques ce que Daesh est bien incapable de réussir par lui-même. Cela fera l’objet de notre deuxième partie de l’analyse.

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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.





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