La dépouille mortelle de Yasser Arafat est arrivée cet après-midi à Ramallah. Le peuple de Palestine attendait celui qu’il nomme Abou Ammar, décédé hier jeudi, vers 2H du matin, à l’hôpital militaire Percy de Clamart (92). Avant d’être porté par hélicoptère à Ramallah, le cercueil du Président de l’Autorité palestinienne a reçu les honneurs militaires distingués au Caire. Le cheikh Mohammed Sayyed Tantaoui, recteur de l’université d’Al Azhar, a dirigé la prière mortuaire.
Des ' fleurs du Paradis ' pour Yasser Arafat
En organisant une cérémonie funéraire au Caire, les Palestiniens ont offert au Raïs, les honneurs militaires qu’Israël lui refuse. Des dizaines de dignitaires religieux et politiques du monde entier ont pu rendre un dernier hommage à la hauteur du respect qu’ils accordaient au défunt. La prière musulmane sur la dépouille mortelle ne prit que quelques minutes. Les officiels ont ensuite présenté leurs condoléances aux nouveaux dirigeants palestiniens. Ils se sont succédés devant M. Mahamoud Abbas, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), M. Farouk Kaddoumi, nouveau chef du Fatah, le parti politique fondé par Yasser Arafat, M. Rawhi Fattouh, président du Parlement désormais président par intérim de l'Autorité palestinienne jusqu’au prochaines élections et M. Yasser Abed Rabbo, l’un des conseillers les plus proches de M. Arafat.
Au terme de la cérémonie, une procession a accompagné le cercueil, enveloppé dans un drapeau palestinien et posé sur un chariot tiré par six chevaux noirs. Le cortège, ouvert par des cavaliers de la garde républicaine portant 15 gerbes ornées de ' fleur du paradis ', une fleur orange célèbre en Egypte, s’est déployé jusqu’à l’aéroport militaire d’Almaza. L’illustre défunt fut ensuite héliporté vers Ramallah où une foule compacte l’attendait autour de la Mouquataa, son quartier général. Si la cérémonie du Caire fut exclusivement réservée aux officiels, il en fut autrement en Cisjordanie. Depuis l’âge de 17 ans, celui qui est sorti du lot pour diriger son peuple dans sa lutte de libération, fut pris en mains par son peuple dès son arrivée sur le sol de Ramallah.
Il manque un keffieh ce soir en Palestine
Tôt ce matin, c’est une marée humaine qui s’est dirigée vers la Mouquataa où M. Arafat a été tenu prisonnier par l’armée israélienne durant les trois dernières années de sa vie, dans des conditions éprouvantes pour un homme de 75 ans. C’est une forêt de keffiehs blanc et noir qui a accueilli le cercueil de l’homme qui a passé sa vie en tenue de combat avec un keffieh sur la tête. Il manque un keffieh à l’appel ce soir, sur la terre de Palestine. Il manque à jamais le keffieh le plus célèbre de Palestine. Mais aucun officier israélien n’a été félicité pour ' mission accomplie '.
Dans des larmes de désespoir et des cris de douleurs, le peuple de Palestine a conduit le symbole d’un demi-siècle de résistance à son avant-dernière demeure. Yasser repose en paix, pour le moment, sur des sacs remplis de terre précieuse prélevée sur le sol de Jérusalem en attendant sa dernière demeure qu’il a souhaitée à Jérusalem, lorsque la Palestine sera libérée. Le peuple de Palestine s’est retiré dans le calme pour quarante jours de deuil. L’Histoire suit son cours. Arafat a joué son rôle jusqu’au bout dans le grand théâtre de la vie. Homme de foi, homme de paix, mais aussi homme de pouvoir, il aura traversé la vie, selon ses termes ' à la recherche d’un lopin de terre pour y être enterré '.
Après Arafat, la Palestine toujours
Selon Yossef Lapid, ministre israélien de la Justice, ' le soleil brille au Moyen-Orient et dans le monde, car Arafat était non seulement le chef du terrorisme contre Israël, mais aussi le père géniteur du terrorisme qui sévit dans le monde actuellement, y compris Al-Qaïda. Tout ce terrorisme est issu d'Arafat et il est bon que le monde en soit débarrassé '. Les échos de cette réaction cynique d’un extrémiste ordinaire d’Israël, portent jusque dans les rangs du Hamas palestinien. Car Khaled Mechaal, chef politique miraculé du Hamas, ' accuse Israël d'avoir empoisonné le sang de Abou Ammar. ' Et le chef du mouvement palestinien de rappeler son expérience personnelle, en Jordanie. ' Il y a sept ans, lorsque j'ai été victime d'une opération d'empoisonnement similaire (ndr : par les agents israéliens), les médecins n'avaient pas pu en trouver la preuve dans mon sang. Mais à l'époque, Israël avait été obligé de fournir le remède, parce que nous avions entre nos mains deux agents du Mossad (services de renseignement israéliens) … C'est Israël qui a tué Yasser Arafat. En tuant aujourd'hui Arafat, Israël a tué le processus de règlement. Il a tué celui qui a créé avec lui ce processus '.
Pour M. Koffi Annan, secrétaire général des Nations unies, ' Le président Arafat restera dans les mémoires comme celui qui a, en 1988, conduit les Palestiniens à accepter le principe d'une coexistence pacifique entre Israël et un futur Etat palestinien '.
En France, le président Chirac estime qu’avec M. Arafat, ' disparaît l'homme de courage et de conviction qui a incarné, pendant 40 ans, le combat des Palestiniens pour la reconnaissance de leurs droits nationaux. ' Et le chef de l’Etat d’ajouter : ' Au peuple palestinien, je veux exprimer, en ce moment de deuil, l'amitié de la France et du peuple français. Puisse la perte qu'ils viennent de subir réunir tous les Palestiniens '.