Cette année, et pour la première fois de son histoire, le prix Nobel de la paix a été conjointement décerné à trois figures emblématiques « pour leur lutte non violente pour la sécurité des femmes et pour le droit des femmes à participer pleinement à la construction de la paix ».
Ellen Johnson Sirleaf, Libérienne et première femme africaine élue à la tête d’un pays africain, a œuvré à la reconstruction et à la promotion de la paix dans son pays, après 14 années de guerre civile.
Leymah Gbowee, militante originaire du même pays et surnommée la « guerrière de la paix », a lutté activement sur le terrain contre les violences sexuelles perpétrées contre les femmes : ces violences commises pendant les conflits armés sont des crimes et des armes de guerre utilisés depuis la nuit des temps. Elle s’est battue inlassablement contre le viol des femmes et a été à l’initiative d’un formidable mouvement pacifique qui mobilisa les femmes au-delà de leur appartenance ethnique et religieuse pour mettre fin à la deuxième guerre civile en 2003.
La troisième lauréate est la Yéménite Tawakkul Karman. Elle est la première femme arabe à remporter le prix, qu’elle a d’ailleurs « dédié au printemps arabe ». Cette journaliste, mère de trois enfants, lutte depuis des années, avant même le début des révoltes en Tunisie, pour les droits humains dans la société yéménite où les femmes n’ont que trop peu de place : elle était à la tête des rassemblements pacifiques et des « sit in » sur la place de la Liberté, à Sana’a. Militante pour la défense des droits de l’homme, elle fonde en 2005 le groupe « Femmes journalistes sans chaînes » pour la liberté de pensée et d’expression. Sa ténacité, son courage et sa détermination ont fait d’elle un leader et une force motrice à la tête des manifestations pacifiques contre le régime de Saleh fin janvier.
Il faut certes saluer la portée symbolique de cette nomination (au-delà de cette nomination, Karman est ce symbole vivant de toute une génération dans la région), mais il faut aussi rappeler que, depuis quelques années, la distinction est critiquée pour son historique peu « reluisant ». L’attribution des prix Nobel est faillible et a plus à voir avec le « politiquement correct » qu’avec les réels talents des nominés. En effet, la réputation, le sens et la gloire de ce prix ont sérieusement été érodés ; le Nobel a perdu de « sa noblesse », comme il a été reproché au comité Nobel de « donner des leçons aux autres et (de) faire la propagande des valeurs de l’Occident ».
Ellen Johnson Sirleaf, Libérienne et première femme africaine élue à la tête d’un pays africain, a œuvré à la reconstruction et à la promotion de la paix dans son pays, après 14 années de guerre civile.
Leymah Gbowee, militante originaire du même pays et surnommée la « guerrière de la paix », a lutté activement sur le terrain contre les violences sexuelles perpétrées contre les femmes : ces violences commises pendant les conflits armés sont des crimes et des armes de guerre utilisés depuis la nuit des temps. Elle s’est battue inlassablement contre le viol des femmes et a été à l’initiative d’un formidable mouvement pacifique qui mobilisa les femmes au-delà de leur appartenance ethnique et religieuse pour mettre fin à la deuxième guerre civile en 2003.
La troisième lauréate est la Yéménite Tawakkul Karman. Elle est la première femme arabe à remporter le prix, qu’elle a d’ailleurs « dédié au printemps arabe ». Cette journaliste, mère de trois enfants, lutte depuis des années, avant même le début des révoltes en Tunisie, pour les droits humains dans la société yéménite où les femmes n’ont que trop peu de place : elle était à la tête des rassemblements pacifiques et des « sit in » sur la place de la Liberté, à Sana’a. Militante pour la défense des droits de l’homme, elle fonde en 2005 le groupe « Femmes journalistes sans chaînes » pour la liberté de pensée et d’expression. Sa ténacité, son courage et sa détermination ont fait d’elle un leader et une force motrice à la tête des manifestations pacifiques contre le régime de Saleh fin janvier.
Il faut certes saluer la portée symbolique de cette nomination (au-delà de cette nomination, Karman est ce symbole vivant de toute une génération dans la région), mais il faut aussi rappeler que, depuis quelques années, la distinction est critiquée pour son historique peu « reluisant ». L’attribution des prix Nobel est faillible et a plus à voir avec le « politiquement correct » qu’avec les réels talents des nominés. En effet, la réputation, le sens et la gloire de ce prix ont sérieusement été érodés ; le Nobel a perdu de « sa noblesse », comme il a été reproché au comité Nobel de « donner des leçons aux autres et (de) faire la propagande des valeurs de l’Occident ».
Le courage politique des femmes
Étant donné la conjoncture politique internationale et l’intérêt que porte la communauté internationale à la vague de contestation, le comité Nobel ne pouvait ignorer les figures de proue de celles et de ceux qui auront marqué l’Histoire. En dépit du caractère « subjectif » de la distinction, le militantisme arabe au féminin aura donc retenu l’attention des membres du comité Nobel.
L’ambitieux président du comité Nobel, le Norvégien Thorbjoern Jagland, a déclaré, d’une part, que l’attribution de ce prix à Mme Karman démontre que les femmes et l’islam ont un rôle crucial à jouer au sein de ces mouvements non violents et, d’autre part, que le mouvement islamique El Islah (dont elle est membre), proche des Frères musulmans, perçus par l’Occident comme une menace pour la démocratie, peut être « une partie importante de la solution » dans la crise majeure qui tourmente la région.
Des propos dérangeants et probablement « calculés », à l’endroit de celles et de ceux qui voient en l’islam et la femme (en Occident comme dans le monde arabe d’ailleurs) deux visions opposées à tout projet de libération et d’égalité. Il est indéniable que la participation de toutes les couches de la société, au-delà de l’appartenance sexuelle, religieuse et ethnique dans la promotion de la paix est un facteur central pour toutes revendications vers une démocratie durable.
Cette élection symbolique et historique de celle qui aura fait fleurir ce que l’on nomme le « printemps arabe » fera vivre à jamais la mémoire des milliers de martyrs, femmes et hommes, dont le courage silencieux devant la mort restera un exemple pour celles et ceux qui osent défier les despotes tortionnaires. Rappelons aussi le courage politique de ces femmes victimes de viols, de la barbarie des hommes, des répressions sauvages de la police, de la Tunisie à la Lybie en passant par l’Égypte.
Les femmes ont largement contribué à ces mobilisations, qui ont tourné une page de notre Histoire : l’océan de femmes, voilées ou non, toutes classes sociales confondues, défilant dans les capitales, et dans une unité étonnante, pour un changement de régime et pour en finir avec la répression, aura surpris le monde.
L’ambitieux président du comité Nobel, le Norvégien Thorbjoern Jagland, a déclaré, d’une part, que l’attribution de ce prix à Mme Karman démontre que les femmes et l’islam ont un rôle crucial à jouer au sein de ces mouvements non violents et, d’autre part, que le mouvement islamique El Islah (dont elle est membre), proche des Frères musulmans, perçus par l’Occident comme une menace pour la démocratie, peut être « une partie importante de la solution » dans la crise majeure qui tourmente la région.
Des propos dérangeants et probablement « calculés », à l’endroit de celles et de ceux qui voient en l’islam et la femme (en Occident comme dans le monde arabe d’ailleurs) deux visions opposées à tout projet de libération et d’égalité. Il est indéniable que la participation de toutes les couches de la société, au-delà de l’appartenance sexuelle, religieuse et ethnique dans la promotion de la paix est un facteur central pour toutes revendications vers une démocratie durable.
Cette élection symbolique et historique de celle qui aura fait fleurir ce que l’on nomme le « printemps arabe » fera vivre à jamais la mémoire des milliers de martyrs, femmes et hommes, dont le courage silencieux devant la mort restera un exemple pour celles et ceux qui osent défier les despotes tortionnaires. Rappelons aussi le courage politique de ces femmes victimes de viols, de la barbarie des hommes, des répressions sauvages de la police, de la Tunisie à la Lybie en passant par l’Égypte.
Les femmes ont largement contribué à ces mobilisations, qui ont tourné une page de notre Histoire : l’océan de femmes, voilées ou non, toutes classes sociales confondues, défilant dans les capitales, et dans une unité étonnante, pour un changement de régime et pour en finir avec la répression, aura surpris le monde.
La lutte pour la liberté et la démocratie ne fait que commencer
Désormais, l’image stéréotypée de la femme arabe passive en attendant son émancipation depuis l’Occident s’est évanouie des consciences collectives. Quelle belle leçon alors qu’en Occident les femmes musulmanes voilées doivent encore montrer patte blanche pour être « tolérées » dans le mouvement féministe.
Leur participation aux mouvements de contestation aura, de la même manière, impressionné la « gent masculine arabe » qui aura accueilli favorablement leur contribution à la rébellion. Dans ces révoltes, il était avant tout question de changement de régime, et non de revendications féministes : Noor Jilal, une femme bahreïnie, déclarait que les femmes ne se battaient pas pour « leurs droits mais les droits de tous », à commencer par la liberté, une citoyenneté égalitaire, mais aussi, il faut bien le dire, un rôle plus important pour les femmes dans la société civile.
Pourtant, des questions subsistent : sont-elles aujourd’hui tombées dans l’oubli ? Quelle va être la prochaine étape pour les femmes dans le processus de démocratisation des sociétés arabes ? Quelle sera vraiment leur place dans les gouvernements qui se dessinent et dans la transition démocratique ? Car s’il est essentiel de distinguer la phase révolutionnaire du lent processus vers la démocratie, la véritable lutte pour la liberté, la justice et la démocratie ne fait que commencer.
Après que l’on se soit débarrassé des régimes autoritaires, il faut refuser que le sens de ces révoltes et la question des femmes soient pris en otage. Les femmes doivent pouvoir participer aux négociations ; elles ont parfois payé de leur vie leur implication dans ces soulèvements populaires. Les hommes seraient en contradiction avec les principes mêmes de ces révoltes si les femmes n’étaient pas associées aux processus décisionnels : elles doivent pouvoir siéger au Parlement, prendre part au gouvernement comme aux conseils d’administration des entreprises afin de reconstruire le pays.
Avec l’« apaisement » des révoltes, il sera question de lutte contre les discriminations liées au sexe dans les sphères politiques, à l’instar de la Constitution pakistanaise qui l’interdit : les femmes représentent environ le quart des parlementaires malgré des discriminations d’ordre culturelles encore bien ancrées.
Les promesses de liberté passeront inévitablement par l’implication des femmes dans les nouveaux partis politiques, car elles ont largement prouvé qu’elles pouvaient être des partenaires à part entière aux côtés des hommes.
Malgré les frustrations de certaines, la détermination et l’optimisme demeurent pour que l’Histoire ne se répète pas.
En conséquence la nomination de Tawakkul Karman ramènera les révoltes yéménites à l’ordre du jour et mettra probablement à mal d’autres régimes arabes. Aussi, cette « reconnaissance » par la communauté internationale du rôle des femmes dans le processus de libération des sociétés arabes redonnera « confiance » aux femmes dans une région où leur participation en politique laisse à désirer.
Tawakkul – « la confiance » en arabe, prénom prédestiné en cette ère nouvelle qui ouvre la voie à un renouveau féminin de par le monde – est devenue le symbole de toute une génération de femmes militantes, révolutionnaires et autonomes qui aura stupéfié le monde entier.
La présence massive des femmes dans les manifestations notamment en Égypte, en Tunisie et au Yémen aura prouvé au monde que les réformes conduisant à la démocratisation d’une société et à un plus grand respect des droits humains ne sont pas uniquement l’apanage de l’Occident. Ces valeurs sont universelles et forment le patrimoine moral commun de l’humanité.
Que la récompense de celle qui fut inspirée par le Mahatma Gandhi, Nelson Mandela et Martin Luther King, et qui est le fruit d’un long combat pacifique mené au nom de la liberté et du respect de la dignité humaine ne soit pas vaine.
Que cette « confiance » en l’avenir soit le rayonnement à venir des femmes d’ici et d’ailleurs unies au nom de la foi en la justice, la liberté et la démocratie.
* Malika Hamidi est doctorante à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, à Paris) et directrice générale de European Muslim Network à Bruxelles.
Leur participation aux mouvements de contestation aura, de la même manière, impressionné la « gent masculine arabe » qui aura accueilli favorablement leur contribution à la rébellion. Dans ces révoltes, il était avant tout question de changement de régime, et non de revendications féministes : Noor Jilal, une femme bahreïnie, déclarait que les femmes ne se battaient pas pour « leurs droits mais les droits de tous », à commencer par la liberté, une citoyenneté égalitaire, mais aussi, il faut bien le dire, un rôle plus important pour les femmes dans la société civile.
Pourtant, des questions subsistent : sont-elles aujourd’hui tombées dans l’oubli ? Quelle va être la prochaine étape pour les femmes dans le processus de démocratisation des sociétés arabes ? Quelle sera vraiment leur place dans les gouvernements qui se dessinent et dans la transition démocratique ? Car s’il est essentiel de distinguer la phase révolutionnaire du lent processus vers la démocratie, la véritable lutte pour la liberté, la justice et la démocratie ne fait que commencer.
Après que l’on se soit débarrassé des régimes autoritaires, il faut refuser que le sens de ces révoltes et la question des femmes soient pris en otage. Les femmes doivent pouvoir participer aux négociations ; elles ont parfois payé de leur vie leur implication dans ces soulèvements populaires. Les hommes seraient en contradiction avec les principes mêmes de ces révoltes si les femmes n’étaient pas associées aux processus décisionnels : elles doivent pouvoir siéger au Parlement, prendre part au gouvernement comme aux conseils d’administration des entreprises afin de reconstruire le pays.
Avec l’« apaisement » des révoltes, il sera question de lutte contre les discriminations liées au sexe dans les sphères politiques, à l’instar de la Constitution pakistanaise qui l’interdit : les femmes représentent environ le quart des parlementaires malgré des discriminations d’ordre culturelles encore bien ancrées.
Les promesses de liberté passeront inévitablement par l’implication des femmes dans les nouveaux partis politiques, car elles ont largement prouvé qu’elles pouvaient être des partenaires à part entière aux côtés des hommes.
Malgré les frustrations de certaines, la détermination et l’optimisme demeurent pour que l’Histoire ne se répète pas.
En conséquence la nomination de Tawakkul Karman ramènera les révoltes yéménites à l’ordre du jour et mettra probablement à mal d’autres régimes arabes. Aussi, cette « reconnaissance » par la communauté internationale du rôle des femmes dans le processus de libération des sociétés arabes redonnera « confiance » aux femmes dans une région où leur participation en politique laisse à désirer.
Tawakkul – « la confiance » en arabe, prénom prédestiné en cette ère nouvelle qui ouvre la voie à un renouveau féminin de par le monde – est devenue le symbole de toute une génération de femmes militantes, révolutionnaires et autonomes qui aura stupéfié le monde entier.
La présence massive des femmes dans les manifestations notamment en Égypte, en Tunisie et au Yémen aura prouvé au monde que les réformes conduisant à la démocratisation d’une société et à un plus grand respect des droits humains ne sont pas uniquement l’apanage de l’Occident. Ces valeurs sont universelles et forment le patrimoine moral commun de l’humanité.
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