Les derniers attentats commis à Manchester (Grande-Bretagne) et en Égypte à la fin du mois de mai 2017 et revendiqués par Daesh fut la goutte qui fit déborder le vase de ma réflexion.
Depuis des années, mon esprit était confronté à trois visions de la religion islamique.
Depuis des années, mon esprit était confronté à trois visions de la religion islamique.
L’orthodoxie sunnite, première variante
L’une qui se veut sunnite orthodoxe – à laquelle nous, Marocains, adhérons selon le rite malékite – se fonde sur le dogme selon lequel le Coran, Parole de Dieu, soit-il loué, est incréé. Il serait consubstantiel à Dieu et donc il est à prendre et comprendre à la lettre dans la plus grande partie de son contenu, notamment les injonctions, commandements et jugements (ahkam) qu’il comporte et quand ceux-ci sont énoncés clairement et sans ambiguïté, ou que la Sunna du Prophète a rendu ainsi.
Il est de ce fait anhistorique, transcendant le temps et l’évolution qu’il implique nécessairement et obligatoirement et que Dieu a imposée à toute créature. C’est, par conséquent le réel qui doit se plier aux jugements, injonctions et commandements du Coran.
Cette vision, nonobstant l’orthodoxie de son discours, ne se sent pas contrainte d’aliéner tout changement, survenu dans la vie des hommes, en faveur d’un attachement tout azimut à la lettre du texte et donc de proclamer les préceptes dont elle dit qu’ils sont éternels et immuables.
Dans beaucoup de pays musulmans, on ne coupe plus la main du voleur, on ne recourt pas à l’esclavage et à la constitution du harem – bien au contraire, la loi positive interdit et punit de tels faits –, on ne châtie pas celui ou celle qui ne s’oblige pas à la zakât (aumône légale) ou à la prière, on ne pratique pas la lapidation et la flagellation contre ceux et celles qui se rendent coupables de rapports sexuels hors mariage, on a aboli ou réformé certaines dispositions relatives au Code de la famille, on a remis en cause de fait ou même de jure la peine de mort, on n’interdit pas le prêt à intérêt (riba), ni l’assurance considérée comme une activité frauduleuse, car incertaine, etc. Bref, la liste des exceptions ou préceptes de Dieu passés à la trappe est encore longue.
Autre particularité de cette variante de l’orthodoxie sunnite est sa tendance à mettre en avant les dispositions coraniques qui mettent la confession islamique sous le jour d’une religion libératrice, émancipatrice de l’homme en général et de la femme en particulier, qui met la justice au sommet de la hiérarchie des valeurs et exige de ses adeptes non seulement de l’observer et de la promouvoir, mais aussi d’ordonner le bien et le convenable et d’empêcher le mal.
Il est de ce fait anhistorique, transcendant le temps et l’évolution qu’il implique nécessairement et obligatoirement et que Dieu a imposée à toute créature. C’est, par conséquent le réel qui doit se plier aux jugements, injonctions et commandements du Coran.
Cette vision, nonobstant l’orthodoxie de son discours, ne se sent pas contrainte d’aliéner tout changement, survenu dans la vie des hommes, en faveur d’un attachement tout azimut à la lettre du texte et donc de proclamer les préceptes dont elle dit qu’ils sont éternels et immuables.
Dans beaucoup de pays musulmans, on ne coupe plus la main du voleur, on ne recourt pas à l’esclavage et à la constitution du harem – bien au contraire, la loi positive interdit et punit de tels faits –, on ne châtie pas celui ou celle qui ne s’oblige pas à la zakât (aumône légale) ou à la prière, on ne pratique pas la lapidation et la flagellation contre ceux et celles qui se rendent coupables de rapports sexuels hors mariage, on a aboli ou réformé certaines dispositions relatives au Code de la famille, on a remis en cause de fait ou même de jure la peine de mort, on n’interdit pas le prêt à intérêt (riba), ni l’assurance considérée comme une activité frauduleuse, car incertaine, etc. Bref, la liste des exceptions ou préceptes de Dieu passés à la trappe est encore longue.
Autre particularité de cette variante de l’orthodoxie sunnite est sa tendance à mettre en avant les dispositions coraniques qui mettent la confession islamique sous le jour d’une religion libératrice, émancipatrice de l’homme en général et de la femme en particulier, qui met la justice au sommet de la hiérarchie des valeurs et exige de ses adeptes non seulement de l’observer et de la promouvoir, mais aussi d’ordonner le bien et le convenable et d’empêcher le mal.
L’orthodoxie sunnite, deuxième variante
La deuxième vision de la religion islamique est tout aussi sunnite orthodoxe. Ce qui la distingue de la première, c’est son excès de zèle dans l’orthodoxie.
Pour elle, la parole de Dieu est à appliquer au pied de la lettre. Bien plus pour effacer toute trace de soupçon d’historicité dans le Coran, tous les versets dénotant la modération et une attitude de cohabitation envers les non-musulmans sont déclarés abrogés par Dieu au moyen d’autres versets dont la radicalité est incontestable.
L’extrémisme, le jusqu’au-boutisme sont déclarés un principe irréductible, inflexible, bien plus, le plus haut degré de piété envers Dieu, qui, incontestablement, les récompense par l’accès à la meilleure loge du Paradis.
Alors tout ce que la première variante de l’orthodoxie sunnite a mis sous le boisseau, la deuxième variante le met à l’honneur avec pompe : la flagellation ; la lapidation ; le châtiment corporel pour non-pratique de la prière ; le double enfermement de la femme dans une prison vestimentaire (burqa) et au foyer ; la permissivité que ses adhérents s’accordent allègrement, dans sa dignité et ses richesses, à l’égard de tout non-musulman ou de tout musulman jugé hérétique, au point où sa mise à mort est devenue un jeu pour les enfants ; le terrorisme à l’encontre des innocents et autres crimes génocidaires que la raison s’interdit même d’imaginer en notre époque.
Pour elle, la parole de Dieu est à appliquer au pied de la lettre. Bien plus pour effacer toute trace de soupçon d’historicité dans le Coran, tous les versets dénotant la modération et une attitude de cohabitation envers les non-musulmans sont déclarés abrogés par Dieu au moyen d’autres versets dont la radicalité est incontestable.
L’extrémisme, le jusqu’au-boutisme sont déclarés un principe irréductible, inflexible, bien plus, le plus haut degré de piété envers Dieu, qui, incontestablement, les récompense par l’accès à la meilleure loge du Paradis.
Alors tout ce que la première variante de l’orthodoxie sunnite a mis sous le boisseau, la deuxième variante le met à l’honneur avec pompe : la flagellation ; la lapidation ; le châtiment corporel pour non-pratique de la prière ; le double enfermement de la femme dans une prison vestimentaire (burqa) et au foyer ; la permissivité que ses adhérents s’accordent allègrement, dans sa dignité et ses richesses, à l’égard de tout non-musulman ou de tout musulman jugé hérétique, au point où sa mise à mort est devenue un jeu pour les enfants ; le terrorisme à l’encontre des innocents et autres crimes génocidaires que la raison s’interdit même d’imaginer en notre époque.
Entre les deux variantes, une question de degré…
En fin de compte, entre la première et la deuxième variante de l’orthodoxie, qui, officiellement, se combattent férocement, c’est une question de degré dans l’observance des préceptes de l’islam : la première tente de ménager le chou et la chèvre, en appliquant ce que l’on pense être l’essentiel de la religion, afin, justement, de ménager la modernité que la mondialisation impose au nez et à la barbe de tous à travers les moyens modernes de communication et la demande qui se fait de plus en plus forte, par le fait même de cette mondialisation, de la liberté individuelle et de conformité à l’air du temps.
Quant à la deuxième variante, il me plairait de figurer sa tendance par le proverbe populaire marocain qui dirait qu’elle place la pierre dans le dernier cran de la fronde. Autrement dit, le fanatisme le plus total qui défie le chauvinisme occidental le plus acerbe, le plus exubérant et le plus arrogant.
Quant à la deuxième variante, il me plairait de figurer sa tendance par le proverbe populaire marocain qui dirait qu’elle place la pierre dans le dernier cran de la fronde. Autrement dit, le fanatisme le plus total qui défie le chauvinisme occidental le plus acerbe, le plus exubérant et le plus arrogant.
Se libérer de « la double pensée » orthodoxe
Enfin, la troisième vision, c’est celle des réformistes, plus ou moins laïques et plus ou moins courageux dans ce qu’ils préconisent pour que la religion islamique puisse se pratiquer dans et par la raison couplée à la foi dans une cohabitation harmonieuse et une coordination pour le bien de l’humanité dans sa diversité confessionnelle, dogmatique, idéologique, culturelle, identitaire… Ceux qui ont la foi et qui font de la raison son unique guide, à l’exclusion de tout suivisme fondé sur l’effroi de finir dans l’Enfer et l’espoir d’être récompensé par le séjour au Paradis.
C’est tout un éventail de variantes qui se rangent sous la bannière de la nécessité de réformer l’islam. Faute de connaissances approfondies même des plus notoires de ces variantes, je ne saurais me permettre d’en donner plus de précisions et de détails.
Cependant, étant moi-même affilié à cette tendance, je me donne la liberté de donner les indications les plus saillantes de ma propre vision de l’islam. Elles se résument en :
– Dieu est bon et n’aime que le bien pour les hommes ;
– Dieu est juste et aime la vérité dans toutes ses dimensions ;
– Dieu est autonome, autosuffisant, il ne dépend d’aucun être. IL suffit à Lui-même. Il n’a, par conséquent, que faire de nos actes, Il est au-dessus des sentiments humains. Ce qui permet d’inférer que Dieu a créé l’être humain par pure générosité et l’a fait libre et responsable de ses actes.
Il est certain que, dans son unicité, Dieu s’adresse à l’humanité entière dans toute sa diversité et son égalité devant Lui. On en déduit, et dans tous les cas de figure que l’on puisse envisager la Parole de Dieu, que celle-ci est universelle. De ce fait, elle comporte des principes éternels et des valeurs morales accessibles à l’être humain par la voie de la raison, dont la fonction est de guider la foi.
C’est tout un éventail de variantes qui se rangent sous la bannière de la nécessité de réformer l’islam. Faute de connaissances approfondies même des plus notoires de ces variantes, je ne saurais me permettre d’en donner plus de précisions et de détails.
Cependant, étant moi-même affilié à cette tendance, je me donne la liberté de donner les indications les plus saillantes de ma propre vision de l’islam. Elles se résument en :
– Dieu est bon et n’aime que le bien pour les hommes ;
– Dieu est juste et aime la vérité dans toutes ses dimensions ;
– Dieu est autonome, autosuffisant, il ne dépend d’aucun être. IL suffit à Lui-même. Il n’a, par conséquent, que faire de nos actes, Il est au-dessus des sentiments humains. Ce qui permet d’inférer que Dieu a créé l’être humain par pure générosité et l’a fait libre et responsable de ses actes.
Il est certain que, dans son unicité, Dieu s’adresse à l’humanité entière dans toute sa diversité et son égalité devant Lui. On en déduit, et dans tous les cas de figure que l’on puisse envisager la Parole de Dieu, que celle-ci est universelle. De ce fait, elle comporte des principes éternels et des valeurs morales accessibles à l’être humain par la voie de la raison, dont la fonction est de guider la foi.
L’évolution de la conscience collective
Cependant, l’accessibilité de ces principes reste relative et proportionnelle au degré d’évolution de la conscience collective atteint par un groupe humain. Or, au moment de la révélation de l’islam, l’humanité se caractérisait par une diversité civilisationnelle, et celle du peuple arabe, qui fut privilégié par Dieu en le choisissant comme foyer de sa révélation, ne se distinguait pas par l’universalité de sa civilisation ni même sa notoriété régionale.
De fait, on ne pourrait croire que ses valeurs et principes revêtaient un quelconque intérêt universel qui pouvait en faire un vecteur de propagation d’un message destiné à l’humanité entière. Bien au contraire, les témoignages qui sont rapportés indiquent une dissolution des mœurs, des valeurs rudes qui s’expliquent en partie du moins par la rigueur du climat et de la géographie du territoire et donc du mode de vie et un éparpillement des intérêts qu’explique le manque d’une cohésion sociale.
En définitive, l’Arabie préislamique était forcément dans le besoin de réformes politiques, sociales et culturelles. C’est le message islamique qui s’en est chargé. Ces réformes consistèrent en l’apport de nouvelles valeurs morales, politiques et sociales, mais aussi en la reconduites d’autres, locales ou importées de civilisations anciennes mais proches géographiquement, après avoir été rendues conformes aux enseignements et aux commandements divins.
Ainsi, en plus du contenu universel, le message coranique s’est préoccupé de la réforme de la société arabe, en lui donnant une cohésion religieuse et sociale et en la structurant politiquement.
Étant donné la situation d’égarement dans laquelle se trouvait le peuple arabe et les pratiques contraires au moindre degré de la justice, que Dieu recommande à l’être humain d’améliorer au fur et à mesure que celui-ci avance dans sa recherche de la vérité, Dieu, en choisissant ce peuple pour s’adresser à l’humanité, lui édicta des mesures qui correspondaient au développement de sa conscience.
Autrement dit, Dieu a contextualisé les commandements et jugements qu’Il édicta pour ce peuple, pour le faire avancer vers plus de justice et plus d’humanisme. En effet, le Coran n’a pas prescrit la justice absolue, il a introduit plus de justice là où l’injustice était flagrante. Ainsi, que l’on considère la Parole de Dieu comme incréée ou créée, on ne peut raisonnablement soutenir que le Coran fut révélé hors du temps et indépendamment du contexte du peuple qui l’a reçu en premier.
*****
Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.
De fait, on ne pourrait croire que ses valeurs et principes revêtaient un quelconque intérêt universel qui pouvait en faire un vecteur de propagation d’un message destiné à l’humanité entière. Bien au contraire, les témoignages qui sont rapportés indiquent une dissolution des mœurs, des valeurs rudes qui s’expliquent en partie du moins par la rigueur du climat et de la géographie du territoire et donc du mode de vie et un éparpillement des intérêts qu’explique le manque d’une cohésion sociale.
En définitive, l’Arabie préislamique était forcément dans le besoin de réformes politiques, sociales et culturelles. C’est le message islamique qui s’en est chargé. Ces réformes consistèrent en l’apport de nouvelles valeurs morales, politiques et sociales, mais aussi en la reconduites d’autres, locales ou importées de civilisations anciennes mais proches géographiquement, après avoir été rendues conformes aux enseignements et aux commandements divins.
Ainsi, en plus du contenu universel, le message coranique s’est préoccupé de la réforme de la société arabe, en lui donnant une cohésion religieuse et sociale et en la structurant politiquement.
Étant donné la situation d’égarement dans laquelle se trouvait le peuple arabe et les pratiques contraires au moindre degré de la justice, que Dieu recommande à l’être humain d’améliorer au fur et à mesure que celui-ci avance dans sa recherche de la vérité, Dieu, en choisissant ce peuple pour s’adresser à l’humanité, lui édicta des mesures qui correspondaient au développement de sa conscience.
Autrement dit, Dieu a contextualisé les commandements et jugements qu’Il édicta pour ce peuple, pour le faire avancer vers plus de justice et plus d’humanisme. En effet, le Coran n’a pas prescrit la justice absolue, il a introduit plus de justice là où l’injustice était flagrante. Ainsi, que l’on considère la Parole de Dieu comme incréée ou créée, on ne peut raisonnablement soutenir que le Coran fut révélé hors du temps et indépendamment du contexte du peuple qui l’a reçu en premier.
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Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.
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