Saphirnews : Comment se sont passés vos premiers concerts européens ?
Kareem Salama et son guitariste Aristote, lors d'une rencontre le 15 juillet dernier avec des jeunes d'une association musicale à Meaux (Seine-et-Marne) (Photo : Anissa Ammoura / Saphirnews)
Kareem Salama : Très bien. J’ai joué à Berlin lors d’un festival en plein air. Avant moi, il y avait un groupe allemand et il n’y avait pas beaucoup de gens assis pour regarder le concert. J’avais peur que moi-même n’étant pas allemand, il n’y ait personne ! Mais finalement, après avoir commencer, les gens sont venus s’assoir et étaient très enthousiastes. C’était un environnement génial ! A Paris, je me suis bien amusé. Et puis l’endroit où nous [lui et son guitariste Aristote, ndlr] avons joué était très intéressant car décoré comme un « saloon », bien pour la musique Country. Les gens étaient venus pour manger, mais à la fin tous les yeux étaient sur moi.
Quand avez-vous découvert pour la première fois la musique Country ?
K.S : Très jeune ! Je suis né en Oklahoma (Sud du pays, ndlr), un Etat des Etats-Unis où celle-ci est très présente. La première fois que j'ai assisté à un concert de musique Country, je devais avoir 3 ou 4 ans peut-être. Mes parents m’emmenaient dans des festivals Country en plein air, dans lesquels il y a des concerts et du rodéo, très nombreux en Oklahoma. En fait, je crois que j’y vais depuis ma naissance ! Ma mère, qui porte le foulard, était la seule femme à se balader ainsi aux festivals, mais elle est toujours allé comme ça et elle y était à l’aise ! Mes parents n’étaient pas exactement passionnés par ce style de musique mais parmi toutes les formes de musiques américaines, ils préféraient la Country. Il y avait aussi émission de télévision sur la Country, qu’ils regardaient chaque dimanche.
Votre foi est souvent évoquée dans vos textes, la Country s'y prête-t-elle ?
K.S. : Je ne parle pas que de ma foi, je parle de différentes choses. J’ai grandi avec la musique Country tout autour de moi, c’était donc très naturel pour moi, presque automatique. Dans cette musique - et par comparaison aux autres styles musicaux - on peut s’exprimer d’une manière pure, sans gros mots. Elle permet aussi de communiquer entre « cœurs ». Mais je reste ouvert aux autres musiques.
A quel âge avez-vous commencé la musique ?
K.S. : J’ai écris ma première chanson à l’âge de 12 ans mais à cette époque ce n’était pas encore très sérieux. Pour mémoriser les poèmes, j’écrivais des mélodies pour les paroles. Ensuite, j’ai commencé à écrire mes propres paroles. Parmi les poèmes pour lesquels j’ai écris mes propres mélodies, il y a mes préférés : « A Valediction Forbidding Mourning » de John Donne [un poète et prédicateur anglais des 16 -17ème siècles, ndlr] mais aussi « The New Colossus » d’Emma Lazarus, une immigrée juive [devenue Américaine] dont le poème est aujourd'hui inscrit à l’intérieur de la Statue de la Liberté. Cette façon de mémoriser les poèmes me vient de la culture arabe, parce que dans celle-ci il est très courant de créer des chansons pour mémoriser des poèmes religieux.
Quand avez-vous décidé de vous professionnaliser ?
K.S. : Il y a quatre ans. A l’époque – et après un diplôme d’ingénieur chimiste - j’étais étudiant en droit, dans le domaine de la propriété intellectuelle et du divertissement. J’ai vraiment commencé à écrire en 2001. Quand j’ai commencé mes projets et notamment mon premier album « Generous Peace* », sorti en 2006 [*littéralement « paix généreuse », également la traduction de « Kareem Salama », ndlr], je n’avais pas l’intention de poursuivre ma carrière. Mais beaucoup de gens m’ont poussé à continuer.
Comment le public a t-il accueilli votre musique et comment êtes-vous perçu aux Etats-Unis en tant qu’artiste de musique Country musulman ?
K.S. : Au début, c’étaient plutôt des musulmans qui écoutaient ma musique. Aujourd’hui, j’ai des « fans » de diverses origines et religions. Une seule fois, après mon passage sur Fox News, j’ai reçu un mail négatif . mais il y a un poème arabe d’Ali qui dit « triste est l’homme qui a cent jours parfaits, mais qui se souvient seulement du seul mauvais jour », alors ce n’est pas très important... Dans l'ensemble, tout est positif. Le grand journal de Houston [près de Richmond, dans l’Etat du Texas] où je réside, s'intéresse de très près à ma musique. Il y a certes des articles, peut-être la moitié, qui trouvent un peu étrange cette combinaison chanteur musulman/musique country, mais les autres se concentrent seulement sur la musique même et pas sur le fait que je sois musulman.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
K.S. : Elles sont très étendues. Je peux citer notamment Salmon Chase, candidat républicain, aux côtés d’Abraham Lincoln. Cet homme a été marié trois fois et chaque fois, sa femme est morte. Mais il est toujours resté un homme religieux et dévoué. J’ai beaucoup de respect pour lui. Je lui ai d’ailleurs consacré une chanson. J’ai aussi un poème, une autre source d’inspiration, qui traite de la tolérance. Il s’agit d’un poème de l’Imam Muhammad ’Al Shafi’i dont voici un extrait : « Monsieur, je suis comme l’encens, plus tu me brûles, plus je sens » [en anglais : « Gentleman, I ‘m like incense, the more you burn me, the more fragrant I get », ndlr]. La signification est la suivante : ce poème parle de deux hommes, l'un d’entre eux est très en colère contre lui au point de lui dire des choses méchantes mais le deuxième homme est très fort et ne répond pas. Plus l’autre est méchant, plus il ne répond pas et augmente ainsi sa tolérance. Ce poème correspond à la chanson « Generous Peace ».
Dans une interview à un média américain, vous avez déclaré « ne pas être un prêcheur », quel est donc le message que vous souhaitez faire passer dans vos chansons ?
K.S. : Il y a plusieurs messages mais le plus important est de s’écouter soi-même, d’écouter sa propre inspiration qui vient de l’intérieur. Il faut la suivre, pour s'ouvrir aux autres messages, ou l'ignorer.
Vous avez également déclaré, « le Sud incarne beaucoup de valeurs de l’Islam », lesquelles ?
K.S. : La plupart. Ce sont des valeurs universelles, comme par exemple accepter et accueillir les voisins. L’esprit chevaleresque, les valeurs de galanterie en font parties. C’est le thème d’une de mes chansons, « Chilvary’s Not Dead ». Ce sont des valeurs très importantes pour moi.
Que pensez-vous de la campagne présidentielle américaine actuelle ? Barack Obama est très populaire en France, que vous inspire sa candidature ?
K.S. : Barack Obama parle bien, c’est quelqu’un d’éloquent. D’après ce que j’ai lu, je ne sais pas ce qu'il va faire. Il n’est pas clair concernant certains sujets. La communauté d’où je viens, au Texas, a des valeurs très conservatrices, moralement, religieusement, qui sont très importantes pour moi. Normalement, je suis conservateur, mais pour l’instant, je ne soutiens aucun candidat, ni Obama ni McCain. Je vais voir ce qu’il va se passer. Néanmoins, il est incroyable que notre pays puisse voter pour un homme comme Barack Obama. Peut-être que la valeur de ce choix sur la scène internationale sera importante car il y a beaucoup de gens dans le monde qui soutiennent ce candidat. Le fait aussi que le père d’Obama soit immigré représente le fond des Etats-Unis. Cet aspect sera important s’il est élu président.
Voir aussi : Kareem Salama : le premier chanteur de Country musulman en France
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