Les données actuelles non définitives des élections législatives marocaines du 25 novembre 2011 donnent aux islamistes une confortable avance de 80 sièges (27,78 %) pour le prochain nouveau Parlement, avec un taux de participation de 45 %, en augmentation de 8 points par rapport aux législatives précédentes (37 %).
Ce succès n’est pas réellement une surprise. Sans préjuger du choix final du chef du gouvernement issu de ces élections, nous pouvons constater que ce succès est le fruit d’un long processus négatif de crise de légitimité de la classe politique marocaine du parti de l’Istiqlal (nationaliste), en passant par l’USFP (Union socialiste des forces populaires), sans compter les partis dits de l’« administration » (RNI, Rassemblement national des indépendants ; UC, Union constitutionnelle ; PAM, Parti Authenticité et Modernité), dont le libéralisme professé relève plus d’un habillage rhétorique que de la réalité.
Par conséquent, le résultat des élections du 25 novembre doit être pensé dans le cadre du processus de libéralisation du champ politique initié par le roi du Maroc Mohammed VI, en réponse aux révolutions du Printemps arabe, la question n’étant plus de savoir s’il faut accepter les réformes ou l’ampleur de celles-ci, mais si le temps long du politique peut encore rattraper le temps court d’une société en ébullition.
Ce succès n’est pas réellement une surprise. Sans préjuger du choix final du chef du gouvernement issu de ces élections, nous pouvons constater que ce succès est le fruit d’un long processus négatif de crise de légitimité de la classe politique marocaine du parti de l’Istiqlal (nationaliste), en passant par l’USFP (Union socialiste des forces populaires), sans compter les partis dits de l’« administration » (RNI, Rassemblement national des indépendants ; UC, Union constitutionnelle ; PAM, Parti Authenticité et Modernité), dont le libéralisme professé relève plus d’un habillage rhétorique que de la réalité.
Par conséquent, le résultat des élections du 25 novembre doit être pensé dans le cadre du processus de libéralisation du champ politique initié par le roi du Maroc Mohammed VI, en réponse aux révolutions du Printemps arabe, la question n’étant plus de savoir s’il faut accepter les réformes ou l’ampleur de celles-ci, mais si le temps long du politique peut encore rattraper le temps court d’une société en ébullition.
L’échec relatif de la « monarchie exécutive »
Ce compte à rebours est parfaitement intériorisé par le pouvoir marocain. Un mois après l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution (adoptée par 73 % des Marocains le 1er juillet), le souverain annonçait, le 30 juillet, l’organisation d’élections législatives anticipées, afin de renforcer le processus de changement enclenché par le référendum.
Cette stratégie royale ne répond pas uniquement à des données externes ni à des demandes internes (mouvement du 20 février). Elle est aussi, et peut-être surtout, le résultat d’un constat lucide : l’échec relatif d’un certain type de gouvernance dite de la « monarchie exécutive », initiée dès le début du règne de Mohammed VI en 1999.
Malgré des réformes ambitieuses – Moudawana (Code du statut personnel marocain, en 2004), INDH (Initiative nationale de développement humain, en 2005) –, la politique impulsée ne fut guère efficacement relayée, parasitée par une classe politique médiocre et corrompue, et fragilisée, depuis 2007, par un Premier ministre Abbas Al Fassi que le pouvoir avait nommé précisément pour son insignifiance.
Cette stratégie royale ne répond pas uniquement à des données externes ni à des demandes internes (mouvement du 20 février). Elle est aussi, et peut-être surtout, le résultat d’un constat lucide : l’échec relatif d’un certain type de gouvernance dite de la « monarchie exécutive », initiée dès le début du règne de Mohammed VI en 1999.
Malgré des réformes ambitieuses – Moudawana (Code du statut personnel marocain, en 2004), INDH (Initiative nationale de développement humain, en 2005) –, la politique impulsée ne fut guère efficacement relayée, parasitée par une classe politique médiocre et corrompue, et fragilisée, depuis 2007, par un Premier ministre Abbas Al Fassi que le pouvoir avait nommé précisément pour son insignifiance.
Le « vote islamiste », un rejet de la politique politicienne marocaine
Si le vote islamiste a été si présent ce 25 novembre, cela ne relève pas d’une islamisation idéologique ni d’un engagement dogmatique plus important de la part des votants. Il est d’abord le fruit d’un rejet définitif vis-à-vis de la politique politicienne marocaine, mélange particulier de népotisme, d’héritage familial et de clientélisme. En effet, des crypto-progressistes jusqu’aux pseudo-libéraux, la captation généalogique est de mise : elle permet au « père » ou à l’« oncle » de garantir une rente de situation politique pour sa progéniture, et cela sur deux ou trois générations.
L’un des obstacles à la volonté réformatrice est identifié par le rôle négatif de la classe politique marocaine. Dans les facteurs de retardement en vue d’une certaine modernité, le constat d’un certain conservatisme partisan est évident.
Dans un premier constat, nous pouvons dire que l’impression principale est la domination d’une caste de féodaux dont les charges sont perpétuées de père en fils : du Premier ministre au ministre, en passant par le député, chacun vise à maintenir une sorte de monopole électif.
On peut dater cette commercialisation du politique à partir des années 1970, au moment où feu Hassan II, dans sa lutte contre la gauche, intégra dans le champ politique les entrepreneurs d’État et les grands propriétaires, afin de privatiser l’espace politique. Cette dérive s’est accompagnée d’une prédominance de la « noblesse d’argent », pour reprendre le philosophe Pascal, c’est-à-dire un conglomérat d’hommes d’affaires pour la plupart corrompus, considérant la politique comme la traduction naturelle du business.
L’un des obstacles à la volonté réformatrice est identifié par le rôle négatif de la classe politique marocaine. Dans les facteurs de retardement en vue d’une certaine modernité, le constat d’un certain conservatisme partisan est évident.
Dans un premier constat, nous pouvons dire que l’impression principale est la domination d’une caste de féodaux dont les charges sont perpétuées de père en fils : du Premier ministre au ministre, en passant par le député, chacun vise à maintenir une sorte de monopole électif.
On peut dater cette commercialisation du politique à partir des années 1970, au moment où feu Hassan II, dans sa lutte contre la gauche, intégra dans le champ politique les entrepreneurs d’État et les grands propriétaires, afin de privatiser l’espace politique. Cette dérive s’est accompagnée d’une prédominance de la « noblesse d’argent », pour reprendre le philosophe Pascal, c’est-à-dire un conglomérat d’hommes d’affaires pour la plupart corrompus, considérant la politique comme la traduction naturelle du business.
Faire de la politique autrement ?
À ce stade, les élections du 25 novembre constituent un test afin de doter enfin le Maroc d’une classe politique à la hauteur des enjeux que requiert la mondialisation. La classe politique marocaine est la seule profession qui fait de sa mauvaise réputation un fonds de commerce.
La campagne pour les législatives illustre tristement cette situation : tout se conjugue pour que la classe politique se recroqueville sur ses privilèges, ne daignant pas, ou très peu, faire campagne. Il n’y a, en effet, pas de permanence de députés au Maroc. D’ailleurs, pour les hommes d’affaires peuplant les députations, ces lieux n’ont que peu d’importance, l’achat des voix étant pour une large part de la classe politique un sport national.
Faut-il pour autant désespérer de l’homo politicus marocain ? Non, bien entendu. Simplement, cela engage tout honnête homme à faire de la politique autrement, en parlant des vrais problèmes nationaux et locaux.
* Nasser Suleiman Gabryel est chercheur en sociologie politique et chargé de cours à l’université de Mohammedia – Faculté polydisciplinaire d’El Jadida (Maroc).
La campagne pour les législatives illustre tristement cette situation : tout se conjugue pour que la classe politique se recroqueville sur ses privilèges, ne daignant pas, ou très peu, faire campagne. Il n’y a, en effet, pas de permanence de députés au Maroc. D’ailleurs, pour les hommes d’affaires peuplant les députations, ces lieux n’ont que peu d’importance, l’achat des voix étant pour une large part de la classe politique un sport national.
Faut-il pour autant désespérer de l’homo politicus marocain ? Non, bien entendu. Simplement, cela engage tout honnête homme à faire de la politique autrement, en parlant des vrais problèmes nationaux et locaux.
* Nasser Suleiman Gabryel est chercheur en sociologie politique et chargé de cours à l’université de Mohammedia – Faculté polydisciplinaire d’El Jadida (Maroc).
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