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Religions

Mgr Dubost : « Pour nous, l'islam est davantage un sujet de discussion que de division »

Rédigé par Philippe Clanché | Mercredi 21 Novembre 2012 à 00:00

           

Comment se positionnent les évêques français face aux tensions autour de l'islam ? Le sujet s'est invité, au dernier moment, lors de leur semaine d'assemblée plénière à Lourdes, début novembre. Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry et président du Conseil épiscopal pour les relations interreligieuses, explique le contexte de cet échange.



Mgr Dubost : « Pour nous, l'islam est davantage un sujet de discussion que de division »

Qui a sollicité ce travail sur l'islam ?

Mgr Michel Dubost : J'avais déjà présidé un groupe de travail sur l'islam il y a trois ans. Nous ne démarrons pas de zéro. Mais nous voulons poursuivre. Pourquoi ? Regardez l'actualité. On voit que l'opinion est extrêmement divisée.
Les évêques de France ont des points de vue largement tributaires des lieux dans lesquels ils se trouvent. J'habite dans un immeuble qui compte de nombreux musulmans. Certains de mes confrères évêques n'en croisent que lors de réunions avec les responsables départementaux. Le dialogue avec l'islam n'est pas une priorité pour eux. Ces différences entre nous sont à la base sociologiques. En ce qui me concerne, le fait d'avoir des amis musulmans m'évite d'avoir des idées générales sur l'islam et sa pratique.

L'épiscopat ne connaît pas de divisions plus politiques sur la question ?

Mgr Michel Dubost : Bien sûr, elles existent. Nous sommes face à trois problèmes contextuels : la mondialisation qui fait qu'une certaine France a « mal à sa nation », comme l'écrit souvent Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur ; la sécularisation, qui met les catholiques en difficulté ; et les banlieues, qui font peur à certains.
Ces trois difficultés se vivent dans un pays anciennement colonial, situé en bordure du monde musulman. Face à tout cela, les évêques ont des convictions différentes.

Pensez-vous devoir recadrer vos confrères en référence à la position de Rome sur le dialogue avec l'islam ?

Mgr Michel Dubost : Dans un moment de difficulté et de polémique, il faut que nous nous disions ce que l'on pense. Je suis proche de la pensée du cardinal Tauran (président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ndlr) et je m'en ferai l'apôtre. Je lis ce qu'on écrit : des chrétiens traitent parfois l’Église de naïve ou de lâche. On ne peut être complètement serein sur ces questions difficiles. Pour nous évêques, c'est davantage un sujet de discussion que de division.

Durant le récent synode sur la nouvelle évangélisation à Rome, un film a été présenté aux évêques expliquant le péril démographique que représenterait l'islam dans le monde. Que pensez-vous de cette initiative ? Et comment les évêques français présents ont-ils réagi ?

Mgr Michel Dubost : Le cardinal Vingt-Trois a été très négatif (il a exprimé son « désaccord très net », estimé que cette vidéo « s'apparentait à de la propagande » et déclaré : « Il ne faudrait pas que la nouvelle évangélisation devienne une croisade », ndlr). Les évêques français partagent son point de vue. Nous n'avons pas cette réaction épidermique vis-à-vis de l'islam. Celle-ci est le fait de personnes qui n'ont pas pris conscience de la réalité de la mondialisation et de la nécessité de vivre les uns avec les autres.

La projection de ce film peut-il signifier une évolution de la position du Saint Siège sur l'islam vers plus de méfiance ?

Mgr Michel Dubost : Non, le pape et le cardinal Tauran sont très engagés dans le dialogue. Certains ne sont pas d'accord. N'en faisons pas une montagne.

Face à la vague de défiance voire d’islamophobie en France, dans les médias ou dans certains discours politiques, les responsables musulmans de France, vos interlocuteurs, ne peuvent pas répondre. L'épiscopat ne doit-il pas les défendre ?

Mgr Michel Dubost : C'est compliqué. Dans la diversité musulmane, on trouve des salafistes non républicains, une majorité de personnes en voie de sécularisation, et, au milieu, une grande partie de pratiquants, bon citoyens, qui souffrent. Je leur dis mon amitié. Avec eux, avec M. Moussaoui (président du Conseil français du culte musulman), j'ai dénoncé les caricatures du Prophète. Je ne peux le faire tous les quinze jours, au risque de faire croître ce contre quoi je lutte. Ce serait contre-productif.
Les médias s'affolent en ce moment sur le dossier. Cela leur passera. Notre position est très claire. Il ne faut pas surdévelopper cette affaire, car elle ne le mérite pas.






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