Mohamed Bajrafil, imam de la mosquée d'Ivry-sur-Seine et membre fondateur de la Fondation Al Kawakibi.
Saphirnews : Qu’entendez-vous par « réformer l’islam » ou « réforme islamique » ? C’est sur cette expression que de nombreuses critiques et incompréhensions de musulmans sont apparues…
Mohamed Bajrafil : Le vocable « islam » revêt plusieurs sens. Parmi eux, celui de toute religion s'inscrivant dans l’adoration de l’Unique, depuis Adam jusqu’au Prophète Muhammad, paix et bénédiction sur lui. Une autre définition dit qu’il s’agit du dernier message envoyé aux humains par le biais du Prophète Muhammad.
Si vous voulez savoir si la réforme qui doit se faire concerne cette seconde définition, évidemment que non. Si on choisit d'être musulman, ce n'est pas pour changer le Message auquel on croit. Ce serait une totale aberration et un contre-sens absolu. Une autre définition, celle qui est perçue par nombre de personnes, le présente comme la somme de textes produits par les jurisconsultes musulmans pendant les 15 siècles d'existence de l'islam, à partir de leurs compréhensions des textes fondateurs : le Coran et la Sunna. La réforme doit s'effectuer sur les lectures de ces textes. Si le legs scientifique de nos savants est, de mon point de vue, le plus riche au monde, il est loin d'être sacré. Et c'est là tout le problème. Nous ne pouvons pas regarder le monde avec les mêmes lunettes que les imams Malik, Al-Shafi'i (VIIIe siècle, ndlr) ou Ibn Taymiyya (XIIIe siècle), nous ne pouvons donc lire nos textes avec ses lunettes.
Autrement, nous produisons les barbaries commises dans le monde au nom de l'islam, car les réalités de son temps n'ont plus cours aujourd'hui. C'est donc là-dessus que s'effectue la réforme. Et cela, sans renier notre héritage. Mais sans en être non plus l'esclave. C'est pourquoi, d'ailleurs, la formule « réformer l'islam » est à abandonner car très équivoque au profit de celle de « la réforme de la pensée islamique » à travers le recours de nouveau à l'ijtihad.
Si vous voulez savoir si la réforme qui doit se faire concerne cette seconde définition, évidemment que non. Si on choisit d'être musulman, ce n'est pas pour changer le Message auquel on croit. Ce serait une totale aberration et un contre-sens absolu. Une autre définition, celle qui est perçue par nombre de personnes, le présente comme la somme de textes produits par les jurisconsultes musulmans pendant les 15 siècles d'existence de l'islam, à partir de leurs compréhensions des textes fondateurs : le Coran et la Sunna. La réforme doit s'effectuer sur les lectures de ces textes. Si le legs scientifique de nos savants est, de mon point de vue, le plus riche au monde, il est loin d'être sacré. Et c'est là tout le problème. Nous ne pouvons pas regarder le monde avec les mêmes lunettes que les imams Malik, Al-Shafi'i (VIIIe siècle, ndlr) ou Ibn Taymiyya (XIIIe siècle), nous ne pouvons donc lire nos textes avec ses lunettes.
Autrement, nous produisons les barbaries commises dans le monde au nom de l'islam, car les réalités de son temps n'ont plus cours aujourd'hui. C'est donc là-dessus que s'effectue la réforme. Et cela, sans renier notre héritage. Mais sans en être non plus l'esclave. C'est pourquoi, d'ailleurs, la formule « réformer l'islam » est à abandonner car très équivoque au profit de celle de « la réforme de la pensée islamique » à travers le recours de nouveau à l'ijtihad.
Dans quel état d'esprit êtes-vous en lançant Al Kawakibi ?
Mohamed Bajrafil : Le musulman n'a plus le droit de se contenter de dire que ce n'est pas l'islam (lorsque des actes terroristes sont commis au nom de la religion musulmane, ndlr). Il se doit de bouger. La religion musulmane est aujourd'hui connue davantage pour Daesh et Boko Haram que pour la miséricorde du Prophète et la richesse civilisationnelle dont elle a accouché. Parce que notre but est d'être sur Terre les vicaires de Dieu, nous nous devons d'éviter qu'ait lieu ce que les anges ont dit à Dieu, corruption et effusions multiples de sang. La réforme doit être non pas à l'échelle d'un pays, mais plutôt à l'échelle mondiale.
Que répondez-vous à ceux qui critiquent durement votre initiative ?
Mohamed Bajrafil : Les critiques sont sur deux niveaux. Le premier est dû, à mon sens, au plurisémantisme de la formule « réforme de l'islam ». Moi-même, j'aurais pu être choqué. Même si, dans les déclarations qui ont pu être faites ici et là, une précision du champ d'investigation a toujours été faite, certains esprits mal intentionnés préfèrent passer cela en sourdine. Notre rendez-vous est auprès de Dieu, où chacun trouvera présente toute son œuvre. Ceux-là sont les détenteurs de l'islam, le seul et unique ; les gardiens de la Sunna, dont ils sont aussi les maîtres, y acceptent qui convient à leurs thèses ou antithèses et en chassent d'autres.
Le second est celui de la présence dans le débat de la fondation d'Alain Finkielkraut et d'Elisabeth Lévy. Elle étonne d'autant plus que Finkielkraut est connu pour ses propos essentialisant le musulman et le stigmatisant. On ne comprend pas pourquoi on peut parler avec des gens comme lui, notamment quand on veut parler de réforme de l'islam. On m'a même dit qu'on ne m'invite pas à l'église pour parler de la réforme de celle-ci… Mais, comme vous avez vous-même pu le constater, il n'en était rien.
Il se trouve que ce Monsieur fait partie de ceux dont certaines thèses sont reprises par les tenants de la théorie du grand remplacement. Avec d'autres, confondant insidieusement Coran et exégèses, il dit que le Coran est violent, contiendrait des versets demandant d'égorger le non musulman, surtout juif et chrétien. Quoi de mieux que de le confondre devant tout le monde ? Nous avons demandé aux philosophes présents dans la salle, lui en particulier, de nous donner un seul verset. Il est parti, sans y répondre. Il n'en aurait jamais trouvé, car il n'y en a pas. Sur les plateaux de télévision, on les voit défiler racontant toutes sortes de sornettes à notre sujet. Doit-on les fuir, alors qu'ils sont écoutés par plusieurs millions de nos concitoyens ? Ou bien les affronter pour démasquer leur discours ? Là est le problème.
Dans le même registre, le passé atlantiste de Félix Marquardt pousse beaucoup à penser qu'il s'agit encore là d'un coup américano-sioniste visant à faire une OPA sur l'islam en France. Et ma seule prière est la suivante : si l'idée de la fondation a quelque chose à voir le sionisme, que Dieu la tue dans l'œuf.
Enfin, si certaines critiques sont légitimes et poussent même à la réflexion, d'autres le sont beaucoup moins et relèvent de l'insulte et du soupçon. La fondation Al-Kawakibi, qui s'inscrit dans la droite ligne et la même idéologie de réforme que Muhammad Abduh (un savant égyptien de la fin du XIXe siècle et figure du réformisme musulman, ndlr), n'a aucunement l'intention de s'installer sur les plates-bandes de l'islam de France.
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Il se trouve que ce Monsieur fait partie de ceux dont certaines thèses sont reprises par les tenants de la théorie du grand remplacement. Avec d'autres, confondant insidieusement Coran et exégèses, il dit que le Coran est violent, contiendrait des versets demandant d'égorger le non musulman, surtout juif et chrétien. Quoi de mieux que de le confondre devant tout le monde ? Nous avons demandé aux philosophes présents dans la salle, lui en particulier, de nous donner un seul verset. Il est parti, sans y répondre. Il n'en aurait jamais trouvé, car il n'y en a pas. Sur les plateaux de télévision, on les voit défiler racontant toutes sortes de sornettes à notre sujet. Doit-on les fuir, alors qu'ils sont écoutés par plusieurs millions de nos concitoyens ? Ou bien les affronter pour démasquer leur discours ? Là est le problème.
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