Saphirnews : En tant qu’originaire des Comores, comment avez-vous vécu ce 30 juin ?
Nassurdine Haidari : Le 30 juin a été un jour très difficile. Toute la communauté comorienne, nous nous sommes réveillés choqués. Nous avons été très meurtris par la nouvelle. En même temps, il y a eu des sentiments de colère qui émergeaient.
Vous avez eu la lourde tâche d’annoncer les noms des passagers aux familles. Comment cela s’est-il passé ?
N. H. : Cela a été un moment très très difficile. Je ne souhaite même pas ce rôle à la personne que je déteste le plus sur Terre. Il fallait que je puisse maîtriser mes sentiments, ne pas pleurer, ne pas avoir la voix sanglotante. Je me suis effondré très tard, le soir, après nos nombreuses réunions, quand je suis arrivé à la maison.
Avez-vous déjà fait le voyage jusqu’aux Comores avec cette même escale au Yemen ?
N. H. : Personnellement, non, parce que les moyens de sécurité n’étaient pas octroyés aux passagers. Pour moi, c’était dangereux, alors je n’ai jamais pris cette ligne. Mais, dans ma famille, on a fréquemment eu recours à cette société aérienne.
Que pensez-vous de la compagnie Yemenia ?
N. H. : Je suis profondément choqué vu que cette compagnie à fonds saoudiens n’est pas une compagnie aérienne qui connaît des difficultés financières. Elle est en bonne santé et a les moyens de mettre à disposition de tous ceux qui sont à Sanaa des avions qui répondent aux normes de sécurité. Mais, pour des raisons économiques, ils n’ont pas fait ce choix. Nous regrettons profondément ce choix économique au détriment des vies humaines.
Selon vous, que faudrait-il faire pour changer les choses, pour changer ces conditions de voyage ?
N. H. : Aujourd’hui, nous sommes exposés au drame. La question qu’on peut se poser est la suivante : sommes-nous capables d’assurer aux ressortissants européens la même sécurité en Europe qu’au-dehors ? Cet événement dramatique peut arriver avec toutes les autres lignes, et toutes les compagnies qui n’ont pas de rigueur. Je ne veux pas davantage parler avant que les résultats de l’enquête soient publiés, mais nous souhaitons une harmonisation des lois.
Manifestation contre la compagnie Yemenia, à Marseille.
Qu’attendez-vous du gouvernement français ?
N. H. : Aujourd’hui, le gouvernement français promet d’organiser un vol, vu la contestation comorienne. Depuis le 30 juin, nous demandons aux autorités d’affrêter un vol pour la famille des victimes. Cette doléance est chose faite. Nous avons demandé aussi le remboursement des billets que la communauté comorienne a payés à Yemenia. Nous l’avons obtenu. Ce n’est pas qu’un problème comorien, mais c’est un problème de négligence au centre même de l’appareil aérien. Nous attendons des autorités françaises qu’elles fassent pression sur le Yémen et les Comores pour qu’on sorte de cette situation, pour que l’on ait des avions qui répondent à toutes les normes de sécurité. Nous demandons à l’État français d’agir et de mettre tous les moyens possibles pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas.
Avez-vous un message pour la communauté comorienne ?
N. H. : Mon message est le suivant : nous devons rester dignes dans la douleur, fermes dans nos revendications, et je demande aux Comoriens de faire preuve de patience dans les procédures judiciaires qui seront engagées.