Quand tous les médias, d’un seul chœur avec la classe politique, l’opinion publique et les réseaux sociaux, célèbrent depuis jeudi soir la vie d’un homme exceptionnel, on peut s’étonner de l’apparente unanimité autour d’un même personnage. Si la mort d’un – grand – homme peut servir à réconcilier tous les twittos, même les plus aigris de la Terre, alors réjouissons-nous.
Alors que Mandela en tant que figure de la force et du courage fait lui l’unanimité, ses idées en revanche sont loin d’être communément admises. Non violent mais pas nécessairement pacifiste, farouchement opposé à toute forme d’individualisme, ardent défenseur du dialogue en toutes circonstances, Mandela n’est pas si mainstream que ça. Zoom sur les idées subversives d’un homme hors du commun.
Alors que Mandela en tant que figure de la force et du courage fait lui l’unanimité, ses idées en revanche sont loin d’être communément admises. Non violent mais pas nécessairement pacifiste, farouchement opposé à toute forme d’individualisme, ardent défenseur du dialogue en toutes circonstances, Mandela n’est pas si mainstream que ça. Zoom sur les idées subversives d’un homme hors du commun.
Un non-violent préfère la violence au pacifisme passif
À l’origine et à la pointe de son engagement politique, la non-violence est une doctrine philosophique bien plus complexe qu’on ne le croit. Si certains y voient la simple négation de la violence ou le refus d’être violent, la non-violence est en fait une arme de résistance finement élaborée par Gandhi en 1912 pour obtenir l’indépendance de l’Inde. Quand on se penche dessus pour en étudier le contenu, on ne peut être qu’étonné par la hiérarchie des normes qui y est présentée par le Mahatma.
Au plus bas de l’échelle des valeurs humaines on trouve pêle-mêle : la neutralité, la passivité, la fuite, la compromission. Toutes ces attitudes représentent pour les non-violents un abandon de sa propre volonté au profit de celle des autres, en somme une soumission.
Au deuxième niveau de la hiérarchie se trouve ensuite la violence comme seul moyen de réaction à l’oppression. Mandela disait en 1960 : « C'est toujours l'oppresseur qui détermine les méthodes d'action. » C’est pour cette raison que Mandela est accusé de terrorisme alors qu’il contribue à des opérations armées contre des trains et des forces de police.
Ensuite, au troisième et plus haut niveau de l’échelle humaine, réside enfin la non-violence. Considéré par Gandhi – dont je me trouve actuellement dans la maison à Bombay – comme le seul moyen d’atteindre la vérité.
La priorité de la non-violence est donc l’action. Que l’action se fasse avec ou sans violence, il vaut mieux réagir que de subir, il vaut mieux lutter que d’abandonner, il vaut mieux parler que de se taire.
Ce comportement de Madiba est donc absolument incompatible avec toute attitude diplomatique, molle et compromettante dans laquelle la sainte neutralité est érigée en moyen de l’arbitrage des conflits. La lutte contre l’oppression est pour le non-violent une valeur plus haute que la paix comme obsession.
Au plus bas de l’échelle des valeurs humaines on trouve pêle-mêle : la neutralité, la passivité, la fuite, la compromission. Toutes ces attitudes représentent pour les non-violents un abandon de sa propre volonté au profit de celle des autres, en somme une soumission.
Au deuxième niveau de la hiérarchie se trouve ensuite la violence comme seul moyen de réaction à l’oppression. Mandela disait en 1960 : « C'est toujours l'oppresseur qui détermine les méthodes d'action. » C’est pour cette raison que Mandela est accusé de terrorisme alors qu’il contribue à des opérations armées contre des trains et des forces de police.
Ensuite, au troisième et plus haut niveau de l’échelle humaine, réside enfin la non-violence. Considéré par Gandhi – dont je me trouve actuellement dans la maison à Bombay – comme le seul moyen d’atteindre la vérité.
La priorité de la non-violence est donc l’action. Que l’action se fasse avec ou sans violence, il vaut mieux réagir que de subir, il vaut mieux lutter que d’abandonner, il vaut mieux parler que de se taire.
Ce comportement de Madiba est donc absolument incompatible avec toute attitude diplomatique, molle et compromettante dans laquelle la sainte neutralité est érigée en moyen de l’arbitrage des conflits. La lutte contre l’oppression est pour le non-violent une valeur plus haute que la paix comme obsession.
Une double justice pour l’opprimé et l’oppresseur
La conséquence immédiate de cette passion pour l’opprimé est paradoxalement l’amour de l’oppresseur. Cette idée est au cœur de toutes les incompréhensions que Mandela a suscitées à sa libération en février 1990.
Dans le combat pour la justice envers les opprimés, si Mandela et tous les non-violents érigent la violence plus haute que la neutralité, c’est parce qu’ils s’accordent sur cette parole – considérée comme – scandaleuse de Gandhi : « Dans un crime il y a deux injustices, l’une envers la victime, l’autre envers le criminel. » En d’autres termes, le bourreau est victime de lui-même. En niant l’humanité de sa victime, il nie sa propre humanité.
À l’heure où des conflits entre groupes humains et entre États sont encore nombreux, cette idée est bien loin d’être admise. Prenons l’exemple glissant du conflit israélo-palestinien.
Si Mandela a certes déclaré : « Notre liberté ne sera pas totale sans la liberté des Palestiniens », il a aussi dit : « Les leaders arabes doivent faire une déclaration sans équivoque dans laquelle il reconnaisse l’existence d’Israël et des frontières sécurisées » en juillet 2000. On retrouve là toute la complexité et en même temps toute la cohérence de la réconciliation. Le paradoxe de la non-violence. Défendre l’opprimé à tout prix. Aimer l’oppresseur à tout prix.
Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité lorsque la politique tend toujours vers davantage de conflits et de binarité ? Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité quand ceux qui défendent les opprimés considèrent le rapport de force plus haut que le dialogue ? Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité quand la réconciliation est encore exclue des procédures judiciaires ?
Que pensons-nous honnêtement du tribunal Vérité et Réconciliation dont l'objectif affiché est que des personnes blessées par des événements passés se voient offrir la possibilité de confronter différentes lectures du passé pour mieux tourner une page historique douloureuse ? Les coupables de violence sont encouragés à se confesser, une amnistie étant offerte en cas d'aveux. En l'absence de confession ou de refus de se présenter devant la commission, des poursuites judiciaires peuvent être engagées.
Rendre hommage à Mandela, c’est aussi rendre hommage à ce courage qui dérange.
Dans le combat pour la justice envers les opprimés, si Mandela et tous les non-violents érigent la violence plus haute que la neutralité, c’est parce qu’ils s’accordent sur cette parole – considérée comme – scandaleuse de Gandhi : « Dans un crime il y a deux injustices, l’une envers la victime, l’autre envers le criminel. » En d’autres termes, le bourreau est victime de lui-même. En niant l’humanité de sa victime, il nie sa propre humanité.
À l’heure où des conflits entre groupes humains et entre États sont encore nombreux, cette idée est bien loin d’être admise. Prenons l’exemple glissant du conflit israélo-palestinien.
Si Mandela a certes déclaré : « Notre liberté ne sera pas totale sans la liberté des Palestiniens », il a aussi dit : « Les leaders arabes doivent faire une déclaration sans équivoque dans laquelle il reconnaisse l’existence d’Israël et des frontières sécurisées » en juillet 2000. On retrouve là toute la complexité et en même temps toute la cohérence de la réconciliation. Le paradoxe de la non-violence. Défendre l’opprimé à tout prix. Aimer l’oppresseur à tout prix.
Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité lorsque la politique tend toujours vers davantage de conflits et de binarité ? Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité quand ceux qui défendent les opprimés considèrent le rapport de force plus haut que le dialogue ? Peut-on dire que Mandela fait l’unanimité quand la réconciliation est encore exclue des procédures judiciaires ?
Que pensons-nous honnêtement du tribunal Vérité et Réconciliation dont l'objectif affiché est que des personnes blessées par des événements passés se voient offrir la possibilité de confronter différentes lectures du passé pour mieux tourner une page historique douloureuse ? Les coupables de violence sont encouragés à se confesser, une amnistie étant offerte en cas d'aveux. En l'absence de confession ou de refus de se présenter devant la commission, des poursuites judiciaires peuvent être engagées.
Rendre hommage à Mandela, c’est aussi rendre hommage à ce courage qui dérange.
Ubuntu ou l’essence de l’anti-individualisme
Plus loin encore dans la contradiction avec l’époque, l’éthique et la philosophie humaniste africaine d’Ubuntu ne sauraient être ignorées de l’héritage du personnage. « Nous sommes dans les autres » ou encore « Nous sommes donc je suis », plusieurs traductions sont possibles pour tenter de cerner les bornes de cette idée révolutionnaire.
L’essentiel de cette pensée traditionnelle réside dans le refus de considérer que l’individu est le fruit de lui-même. L’individu est le fruit d’un environnement global dans lequel l’altérité est incontournable pour comprendre l’identité.
Ubuntu est une condamnation radicale de l’égoïsme, du carriérisme, du narcissisme et de toute forme d’individualisme plus ou moins prononcé. Ubuntu proclame que nous sommes ce que nous sommes grâce à ce que les autres sont. Ubuntu est la conséquence d’un savant mélange, un équilibre délicat entre l’identité et l’altérité, la ressemblance et la différence, l’unité et la diversité.
Finalement, Ubuntu est un humanisme fraternel qui accorde à chaque homme la liberté d’être ce qu’il est, tout en le privant de se comprendre lui-même s’il ne comprend pas les autres. « Quelqu'un d'Ubuntu est ouvert et disponible pour les autres, car il a conscience d'appartenir à quelque chose de plus grand », disait Mabida lui-même.
Bill Clinton voyait en Mandela « le triomphe de l'esprit humain, le symbole de la grandeur d'âme née dans l'adversité ». Faites que nos « RIP » s’associent à la reconnaissance de tout ce qui a fait la grandeur de cet homme, l’acceptable comme l’inacceptable.
Samuel Grzybowski , président de Coexister, est actuellement en Inde, dans le cadre d'un tour du monde de l'interreligieux InterFaith Tour.
L’essentiel de cette pensée traditionnelle réside dans le refus de considérer que l’individu est le fruit de lui-même. L’individu est le fruit d’un environnement global dans lequel l’altérité est incontournable pour comprendre l’identité.
Ubuntu est une condamnation radicale de l’égoïsme, du carriérisme, du narcissisme et de toute forme d’individualisme plus ou moins prononcé. Ubuntu proclame que nous sommes ce que nous sommes grâce à ce que les autres sont. Ubuntu est la conséquence d’un savant mélange, un équilibre délicat entre l’identité et l’altérité, la ressemblance et la différence, l’unité et la diversité.
Finalement, Ubuntu est un humanisme fraternel qui accorde à chaque homme la liberté d’être ce qu’il est, tout en le privant de se comprendre lui-même s’il ne comprend pas les autres. « Quelqu'un d'Ubuntu est ouvert et disponible pour les autres, car il a conscience d'appartenir à quelque chose de plus grand », disait Mabida lui-même.
Bill Clinton voyait en Mandela « le triomphe de l'esprit humain, le symbole de la grandeur d'âme née dans l'adversité ». Faites que nos « RIP » s’associent à la reconnaissance de tout ce qui a fait la grandeur de cet homme, l’acceptable comme l’inacceptable.
Samuel Grzybowski , président de Coexister, est actuellement en Inde, dans le cadre d'un tour du monde de l'interreligieux InterFaith Tour.