Saphirnews : Quand et comment est né le site 'Parisiens du bout du monde' ?
Franck Pinay-Rabaroust : Ce projet de site Internet sur l'immigration et les cultures étrangères à Paris est né, paradoxalement, loin de la capitale française. Pendant près de deux ans, en 2003 et 2004, j'ai voyagé, principalement en Asie et en Afrique, pour faire des reportages. En revenant en France, je me suis interrogé sur la présence des cultures dites « étrangères » (d'autres parleront de « cultures du monde ») sur Paris. Très rapidement, je me suis aperçu de notre ignorance en la matière. Paris est l'une des villes les plus multiculturelles du monde et rares sont ceux qui en profitent pleinement. Avec, en outre, la question de l'immigration qui est devenue omniprésente dans le débat politique, un tel projet se devait de voir le jour. J'ai travaillé dessus pendant près d'un an avec Bénédicte Lefèvre, aujourd'hui rédactrice en chef adjointe et responsable des partenariats, afin d'en préparer la meilleure approche possible. Le site est né véritablement en novembre 2007 grâce à la mise en place d'une équipe d'une vingtaine de journalistes bénévoles.
Quel besoin pensez-vous avoir contribué à combler ?
F. P.-R. : Notre ambition n'est pas de donner des réponses tranchées sur tel et tel point mais d'ouvrir des portes, de favoriser le dialogue par la connaissance. Sur un sujet fortement politique, l'immigration, nous avons pris le parti d'être indépendant et apolitique. Notre travail est de décrypter, autrement dit de « donner à comprendre ». La presse française présente trop souvent le thème de l'immigration de manière très schématique. D'un coté, une politique gouvernementale « anti » et un monde associatif « pro » immigration. Entre les deux, à lire les journaux, c'est le néant. Or la vérité est plus complexe. Le dialogue est possible et des solutions existent. Il ne doit y avoir aucun fatalisme sur cette question. Il faut connaître pour comprendre et comprendre pour agir. Notre engagement, à Parisiens du bout du monde, est intellectuel !
Concrètement, par quel contenu éditorial se traduit votre titre ?
F. P.-R. : Contrairement à de très nombreux sites, Parisiens du bout du monde a pour ambition de parler de tout le monde à chacun d'entre nous : les Belges ont autant leur place ici que les Chinois, les Béninois, les Australiens ou les Guatémaltèques ! Sur le contenu lui-même, nous avons divisé notre site en trois grandes séquences. « Analyses » explique comment les cultures s'influencent, se modifient et s'enrichissent au contact des autres. L'internaute y trouve des articles en lien avec l'actualité et des enquêtes de fond sur un sujet. Il peut ainsi lire un article sur les couples mixtes, un entretien réalisé avec le président de Médecins du Monde, consacré à leur pétition sur les liaisons dangereuses entre immigration et médecine ou une analyse de la politique migratoire de la France par un conseiller du président Nicolas Sarkozy. Nous privilégions le « bien informé » au « vite informé ». Avec « Communautés et cultures », nous mettons l'accent sur la richesse des cultures étrangères à Paris avec un agenda culturel hebdomadaire, des lieux et des produits à découvrir. Enfin, nos « Portraits » permettent de mettre des visages et des parcours sur la richesse humaine de la capitale.
Pourquoi avoir choisi de circonscrire vos enquêtes et autres portraits à Paris seulement ?
F. P.-R. : Tout simplement parce que Paris concentre toutes les facettes de l'immigration et regroupe la plupart des cultures étrangères présentes en France. Certes, nous avons choisi de nous limiter géographiquement à Paris, mais, humainement, nous parlons de la France et de toute sa diversité. Nous projetons néanmoins de créer un réseau de sites similaires à celui-là dans d'autres villes françaises et de parler de leurs spécificités en matière d'immigration.
Qu'apporte selon vous les immigrations et les immigrés de toutes origines à la ville de Paris ?
F. P.-R. : Paris est une ville d'immigrés ! En 1999, 23% des parisiens sont nés à l'étranger et 32% ont vu le jour en province. Le parisien de souche est rare ! Quant à la concentration des personnes d'origine étrangère dans la capitale, elle est exceptionnelle : 9,4% des étrangers y résident alors même que la population parisienne ne représente que 3,6% de la population française dans son ensemble. Autrement dit, il est difficile d'extraire des éléments particuliers et significatifs de l'apport des immigrés à Paris, sauf à tomber dans l'énumération classique des restaurants, des musiques du monde, de la mode, etc. Avec près de 200 nationalités recensées, Paris est une ville multiculturelle. La véritable question est de savoir si, en 2008, Paris se vit réellement comme une entité multiculturelle.
Une sortie, un spectacle, à conseiller à nos lecteurs ?
F. P.-R. : J'ai toujours envie de conseiller deux musées remarquables : le musée Guimet, consacré aux arts asiatiques, et le musée Dapper, consacré à l'Afrique et aux Caraïbes, qui sont deux bijoux parisiens un peu oubliés avec l'ouverture du Musée du Quai Branly. Pour la sortie, je ne peux que vous conseiller d'aller écouter Laurent Viel qui adapte remarquablement les chansons de l'exceptionnel artiste d'origine belge Jacques Brel. Certes, point d'exotisme ici, mais, justement, nous voulons avec le site Parisiens du bout du monde montrer que les cultures étrangères commencent également à notre porte.
[parisiensduboutdumonde]url:http://www.parisiensduboutdumonde.fr
[parisiensduboutdumonde]url:http://www.parisiensduboutdumonde.fr